Nasser Hannachi À travers ses rencontres avec la sphère culturelle nationale, la ministre de la Culture, Nadia Labidi, tente de recueillir le plus d'informations et de propositions pour redonner au secteur une plus-value qui lui fait défaut notamment dans les statuts, les finances, les ressources humaines et par-dessus tout la formation. «Oui j'ai entendu parler de ça. Mais on n'a été destinataire d'aucune correspondance de la tutelle locale. Peut être que ce sera après le Ramadhan.» C'est la réponse d'un artiste peintre amateur parmi d'autres, qui excellent dans la région de Constantine, sur les innovantes rencontres initiées par Mme Nadia Labidi, ministre de la Culture, en vue d'impulser au secteur un nouveau souffle dans ses diverses disciplines. Selon notre interlocuteur, la démarche est somme toute logique pour recadrer l'action culturelle et lui attribuer un autre élan apte à faire sauter quelques verrous qui empêchent la diffusion de la culture et entravent l'action des artistes ainsi que l'exercice culturel, empêchant ainsi la socialisation de la culture. D'autres observateurs considèrent que cette démarche apparaît comme une révision. Autrement dit, un réexamen des dynamiques enclenchées durant toutes ces dernières années par l'équipe ministérielle qui avait précédé Mme Labidi. Car le panorama culturel algérien s'est bien doté de plusieurs facettes variées, quand bien mêmes déficientes, qu'il est justement nécessaire de renforcer, corriger ou réorienter, le but devant être leur dotation de supports et d'objectifs ainsi que leur pérennisation. C'est aussi l'objectif principal de la chargée du secteur qui entend revoir non seulement la politique culturelle mais également la manière de l'élaborer afin de la mettre sur rail et de dénouer toutes les entraves qui la bloquent à Alger et dans toute l'Algérie profonde, à commencer par l'industrie des arts qui fait face à des contraintes, pour reprendre quelques avis locaux. Manque de galerie, appels d'offres quasi inexistants, marketing aléatoire,... Sans omettre la lancinante problématique d'absence de mécénat culturel, inexistant dans les stratégies d'entreprises des opérateurs privés. Pourtant, à ce sujet, diverses mesures d'encouragement ont été entérinées il y a plus de deux années. Côté évènementiel, il est des zones d'ombres qu'il est impératif d'éclaircir et d'y apporter des solutions. Les festivals institutionnalisés qui sont organisés à coup de milliards, doivent revoir leur stratégie pour une large diffusion qui satisfera tous les citoyens. Un festival doit impacter la région où il se tient par des retombées économiques, promotion de l'image de la ville... Il ne devrait plus être permis de débourser des sommes faramineuses pour simplement dresser une scène, y faire monter des artistes payés rubis sur l'ongle, amuser quelques poignées de spectateurs dont une partie invitée à titre gracieux et partir sans laisser le moindre bénéfice. Sous d'autres cieux, lorsqu'un festival se met en branle, c'est toute la région qui vit et en bénéficie artistiquement, financièrement, touristiquement... Ici c'est à sens unique : on débourse sans rien engranger en retour, si ce n'est les satisfecit des organisateurs. Ainsi, les festivals du malouf à titre d'exemple, dans leur deux dimensions, nationale et internationale, El Inchad, sont appelés à innover sous peine de demeurer une affiche plate. La création d'espaces nouveaux pour une formation est souhaitable, voire impérieuse, étant donné l'amplitude, à grand renfort de médiatisation, attribuée à ces événements (été /automne). Le domaine du livre n'est pas en reste dans le panorama. Constantine a vu naître quelques «kermesses» et foire du livre, sous un simple coup tête, et sans programmation adéquate, loin de toute thématique initialement fixée. Preuve en est, le salon du livre de la ville confectionné dans la précipitation, il y a deux ou trois années n'a pas survécu faute d'une stratégie émanant des professionnels qui connaissent mieux que personne l'activité éditoriale ou événementielle. Même la manifestation «Lire en fête» dédié à l'expression livresque juvénile, n'a pas connu un grand impact. Le ministère avait décrété une feuille de route pour une meilleure prise en charge du secteur de l'édition avec tous ses segments (chaîne de diffusion et qualité des ouvrages). C'est là un autre défi pour Nadia Labidi. La promotion de la lecture publique, qui est le passage obligé pour la promotion du livre, est sans aucun doute la pierre angulaire de la socialisation de la culture. On est encore au début des concertations avec les spécialistes (artistes, cinéastes, comédiens, musiciens...), et sortira certainement quelque chose de bon de ces rencontres. Mais des questions subsistent sur le rôle qui sera confié aux directions de wilayas de la culture. Là aussi, la ministre devra apporter des réaménagements dans le mode de fonctionnement des Maisons et Palais de la culture. Souffrant souvent de vacuité à cause de l'absence d'initiative au motif que les responsables doivent se plier aux directives du ministère quand il s'agit de mettre en place des programmes, les directions de wilaya devraient changer leur fusil d'épaule pour servir de relais aux initiatives locales. La culture vit grâce à la conjonction des efforts et du travail des artistes, du mouvement associatif et de l'administration, loin du bricolage et du remplissage inutiles qui ont coûté et coûtent très cher à l'Etat et à la culture. Mme la ministre est certainement consciente de tous les défis qui l'attendent et elle a vraisemblablement visualisé et tracé en pointillés le chemin à suivre, qui commence par ces rencontres et devront finir par des cahiers de charges pour chaque discipline. Le tout concourra à la concrétisation de l'objectif principal : la socialisation de la culture. Néanmoins, l'exception pour Constantine qui prépare son rendez-vous de 2015, c'est une veine, est d'émettre autant de requêtes via ses représentants culturels locaux (musiciens, pédagogues, artistes, éditeurs,...) en vue de récolter le maximum d'acquis. De fait, actuellement, les discussions convergent vers la programmation des grilles entrant dans le cadre de la manifestation arabe de 2015. Et les avis divergent tant la conception d'un plateau universel n'a pas encore trouvé les ingrédients aptes à crayonner d'une façon réfléchie les multiples contours et fonds de l'essence de cette manifestation qui, faudra-t-il le rappeler, devra englober toutes les traces et fondements culturels propres à la cité millénaire et aux régions limitrophes, pour illustrer l'authentique image de Constantine, loin du cliché éternel du malouf. Pour l'heure, les dessins, voire «les appétits», se focalisent sur quelques projets à grandes envergures (cinéma, festivals, théâtre,...). Et les rôles des commissions sont parfois confus : la direction de la culture, seule habilitée à régir et coordonner des actions, en collaboration avec une équipe ministérielle sur place à Constantine, s'est vu coller sans motif valable une commission «parallèle» qui devra assurer la synchronisation lors des préparatifs et pendant l'évènement de 2015. Mme Labidi, en concertation avec les acteurs locaux pour les besoins de ladite manifestation, devra sillonner davantage la ville des ponts pour donner sa propre touche, exclusive, à cette expression arabe et mondiale, qui n'a pas encore placé la pièce finale de son puzzle. N. H.