Photo : S. Zoheir De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi
Et si on osait enfreindre «un moment» le programme culturel officiel pour tenter une nouvelle expérience «apolitique» managériale apte à diffuser largement les diverses expressions culturelles ? Pas si facile dès lors que les responsables du secteur se sont habitués à une sorte d'automatisme qui consiste à répondre strictement aux «projections» établies par les pouvoirs publics, au point où aucune manifestation de grande ampleur n'échappe aux champs d'action de la tutelle. Même les festivals institutionnalisés, à l'exception de quelques-uns, ont été mis sous sa coupe. Les directions de wilayas de la culture opèrent par éphéméride en puisant dans les fonds publics à la faveur des aides octroyées par le ministère pour le soutien de toutes les actions entrant dans le circuit «officiel». Les moyens financiers imposent ce modèle d'organisation des activités culturelles, tout en jouant le rôle de garde-fou pour éviter ces «débordements» et ces «dérapages» d'artistes qui refuseraient de renter dans le rang… «On détient une feuille de route qui régit toutes les grilles. Notre opinion est exprimée mais en aucun cas les programmes ne devront sortir de leur contexte», dira un gestionnaire de la culture locale. Telle est la vision qu'ont les responsables de la politique culturelle en cette ère du tout numérique, de l'information en temps réel et de la cyberculture. Les dépenses doivent être réservées aux pics évènementiels. Parfois, ces pics s'avèrent finalement illusoires, brillant seulement des feux qu'on braque dessus alors que le public les ignore. A vrai dire, il n'existe pas de baromètre qui puisse mesurer l'impact de toutes les manifestations organisées à travers les douze communes de la wilaya de Constantine. Mais ce qui est certain et confirmé c'est l'absence d'innovation dans la programmation et l'organisation des activités culturelles. De plus, la promotion et le marketing restent des concepts virtuels dans le domaine, ce qui ouvre la voie aux bricolages, à coût de millions de dinars. «Personne ne mesure l'impact de telle activité ou telle manifestation puisque les fonds de départ sont garantis par l'Etat sans contribution initiale des intervenants», se désole un féru des arts. «Si les programmes étaient évalués, il y aurait assurément eu une stratégie de promotion et un travail de marketing pour les valoriser et leur assurer une large diffusion et un bon impact», a-t-il ajouté. La politique du financement étatique semble avoir montré ses limites, du moins en ce qui concerne la politique culturelle locale. Malgré les diverses aides accordées à l'évènementiel, un certain degré d'amateurisme retarde la montée en flèche de l'audimat. «C'est la ressource humaine qui fait défaut au niveau des directions et offices de la culture. Il faut revoir cette organisation et y inclure des personnes aptes à impulser une nouvelle dynamique pour la socialisation des expressions artistiques, en se basant sur des paramètres socioculturels reflétant les attentes et les goûts de la société en matière de besoin culturel et artistique», indique un cadre. L'activité culturelle à Constantine occupe une bonne place en termes quantitatifs à l'échelle nationale, avec des festivals institutionnalisés (malouf, jazz, théâtre, inchad), des colloques (Malek Haddad et Réda Houhou) et bien d'autres manifestations, tous financés par l'Etat, tous, intervenant à des périodes distinctes de l'année. Mais tous n'engrangeant pas la même affluence du public. C'est là où les organisateurs et responsables de la culture doivent intervenir pour renverser la tendance et asseoir une politique d'action commune à toutes les directions, mais qui devra cependant disposer de sa touche particulière qui mettrait en valeur la spécificité régionale. Sortir des sentiers battus est une étape nécessaire. Mais il faut avoir les moyens humains et les compétences pour pouvoir assurer une socialisation de la culture qui attend toujours.