Nasser Hannachi La réorganisation du secteur culturel toujours en mutation, malgré l'abondance des mannes financières dont il bénéficie depuis treize ans, est sans doute la plus grande attente à laquelle la ministre de la Culture, Mme Nadia Labidi, devra répondre. Cirta qui s'apprête à accueillir la grande manifestation de 2015 compte d'ores et déjà sur son apport académique et pédagogique pour asseoir un programme didactique et éclectique. En clair, ce sera le plus grand chantier d'entame pour le nouveau département ministériel. Un défi. Il ne fait aucun doute que la culture devra être à son apogée à Constantine en moins d'une année. La manifestation de 2015 attire tous les regards et les responsables sont appelés à réussir cet évènement en ses divers aspects, en termes d'infrastructures, d'organisation et d'animation. Tous les projets sont lancés. La cité est un chantier à ciel ouvert. Les taux d'avancements des travaux oscillent d'un chantier à l'autre selon la complexité du projet. Toutefois, la population demeure sceptique quant à la réussite sans faille de cette manifestation dès lors que les retards affectent quelques plans notamment le Palais des expositions à Zouaghi (l'étude ayant pris plus de temps), la restauration des vieux quartiers et la lancinante problématique de rénovation des salles de cinéma. Les sorties récurrentes des responsables locaux s'enchaînent pour booster les travaux et amener les entreprises à respecter les délais arrêtés il y a trois mois entre opérateurs et administrations locales. La ministre est ainsi appelée à dévoiler son plan d'action, du moins un nouveau schéma, afin de matérialiser davantage ces desseins inscrits dans le cadre de ce rendez-vous culturel, lesquels constituent l'essence même de la manifestation «Constantine, capitale de la culture arabe 2015». Son message est clair : dès son installation à la tête du secteur, elle a précisé que son action sera inscrite dans la continuité de l'œuvre accomplie par son prédécesseur, tout en défendant les valeurs culturelles et patrimoniales de l'Algérie. Ainsi, peu de réorientations seraient en vue ? Assurément non, et la ministre l'a clairement signifié. La capitale de l'Est, de l'avis de ses artistes, s'attend à un changement radical dans l'action culturelle. «On ne cesse d'attribuer à cette ville le statut de capitale de la culture et du savoir. Mais en réalité, exceptées les dates requises pour célébrer des écrivains ou le patrimoine, la cité est à longueur d'année livrée à un désert culturel», dira un étudiant. La ville devra revoir sa stratégie pour illustrer davantage ses richesses culturelles souvent éclipsées par des dates officielles. Pour ce faire, certaines sources revendiquent une revalorisation, voire une interconnexion entre les offices culturels et les potentialités extra cercle officiel pour tisser des programmes sortant des sentiers battus. «L'initiative culturelle locale doit être indépendante des décisions centrales. C'est le rôle de la direction et des offices communaux. Un responsable de la culture doit se constituer en force de proposition et non un "receveur d'ordre" qui applique des grilles tel un automate», dira un membre d'association. Mme Labidi entreprendra-t-elle de mettre en place un autre schéma de management du secteur culturel tout en préservant les points positifs hérités ? Quoiqu'il en soit la socialisation peine à élargir sa sphère. C'est un autre défi. Faire résonner la musique, rendre visible le livre, faire revivre le théâtre et le cinéma dans chaque coin de l'Algérie, ne sera pas une mince affaire et nécessitera toutes les forces et potentialités. Des expériences et initiatives émises depuis ces dernières années à travers les festivals variés ont apporté un petit rai d'ouverture. L'intéressement passera, selon des experts, par un renouvellement des ressources humaines. Autrement dit, débourser de l'argent pour des impacts minimes s'apparente à un échec culturel. C'est pourquoi une autre approche pour toutes les festivités qu'elles soient institutionnalisées ou indépendantes s'impose-t-elle, avec une gestion rationnelle des finances. Il est grand temps de songer à une culture qui rapporte. En Algérie, et c'est le cas pour toutes les villes, les festivals institutionnalisés sont dépourvus d'impact économique. Le rapport gagnant pour la ville organisatrice est quasi insignifiant. À Constantine, la trésorerie locale ne profite guère des festivals organisés (malouf, jazz, inchad, contes et poésie,...). Mme Labidi devra aussi se pencher sur les urgences que sont la restauration de la vieille ville et Tiddis, la renaissance du cinéma à Constantine, l'implication des associations actives. Et la bonne exploitation des ressources humaines professionnelles loin des «parades folkloriques» demeure une équation sine qua non à toute concrétisation culturelle, à court, moyen ou long terme. N. H.