Alger ressemblait à une ville fantôme durant le premier jour de l'Aïd. Malgré les assurances des commerçants et du ministère du Commerce, de nombreux commerces étaient fermés. La scène est devenue habituelle pour les citoyens, qui dénoncent à chaque fois ces comportements des commerçants d'une part, et la passivité des pouvoirs publics face à cette situation insupportable d'autre part. Durant ce premier jour de l'Aïd, se procurer une baguette de pain ou un sachet de lait était un parcours du combattant. A l'exception de quelques-unes, les boulangeries étaient fermées. Pourtant, quelques jours seulement avant la fête de l'Aïd, la Fédération nationale des boulangeries avait annoncé que plus de 9 100 boulangeries à l'échelle nationale et 350 au niveau de la capitale seront mobilisées pour assurer un approvisionnement régulier des citoyens en pain durant les deux jours de l'Aïd El Fitr. Le constat sur le terrain est tout autre. Les boulangers ont décidé, sans se soucier des répercussions, de prendre un congé et ont baissé rideau pour une dizaine de jours. L'excuse que ces derniers trouvent pour légitimer leur décision, est que leurs employés habitent hors de la capitale et qu'ils doivent rejoindre leurs familles pour passer la fête chez eux, pénalisant ainsi des milliers de citoyens. Le phénomène touche également d'autres commerces, tels l'alimentation générale, mais avec moins d'intensité. A Aïn Taya, à l'est d'Alger, le constat est le même que dans la plupart des autres endroits de la capitale. Mis à part les bureaux de tabac, la plupart des boulangeries et des commerces ont fermé. «Chaque année c'est le même constat, les boulangeries sont fermées, les magasins d'alimentation générale aussi. On est obligé de s'approvisionner en pain et en lait quelques jours avant pour éviter cette situation», nous dira Mohammed, un fonctionnaire que nous avons rencontré. Voyant un homme tenant des baguettes de pain, Mohammed nous quitte précipitamment pour lui demander où il avait acheté le pain. C'est une scène qui se répète souvent durant la journée. Mohammed revient vers nous pour nous informer qu'il faut se déplacer à Bordj El Bahri, qui se situe à quelques kilomètres d'Aïn Taya, pour trouver du pain. Même les boulangeries qui ont travaillé assurent en quelque sorte «un service minimum» et ne restent ouvertes que quelques heures. «On comprend que les commerçants veuillent passer la fête de l'Aïd avec leurs familles, mais il faut trouver un moyen pour que cette situation change, et pour que le citoyen puisse s'approvisionner normalement», nous dira une femme. «On comprendrait aussi si cette situation ne durait uniquement que le premier jour de l'Aïd, mais elle dure pendant plusieurs jours», ajoutera-t-elle. Et la situation n'est pas propre à une ville ou une wilaya. Selon un communiqué du ministère du Commerce, ses services de contrôle économique et de la répression des fraudes ont enregistré un total de 270 infractions pour non respect de la permanence des commerces durant l'Aïd El Fitr. Durant le premier jour de l'Aïd et la matinée du deuxième jour, «parmi les 15 675 commerçants réquisitionnés au niveau national dans le cadre du programme des permanences, 270 d'entre eux n'ont pas respecté cette obligation», a indiqué à l'APS une source au ministère du Commerce. Globalement, 98% des commerçants inscrits ont assuré la permanence. Ainsi, 15 405 commerces sont restés ouverts le premier et la matinée du deuxième jour de l'Aïd. Cette année, le ministère a augmenté de 14% le nombre de réquisitions en comparaison à l'année dernière. Le nombre de boulangeries au niveau national concernées par la permanence a augmenté, passant de 3 286 en 2013 à 3 373 en 2014. Selon le ministère, 8 239 commerçants de fruits et légumes étaient réquisitionnés pour assurer la permanence, en augmentation de 16% par rapport à 2013, ils n'étaient que 7 057. De son côté, l'Union générale des commerçants et artisans algériens (Ugcaa) a prévu 3 000 délégués au niveau national pour le suivi de l'application du programme de permanences, selon le chargé de la communication de l'organisation, Djamal Ghazali. La loi de 2013 définissant les conditions d'exercice de l'activité commerciale, fait obligation aux commerçants de respecter les permanences durant les jours fériés. Un programme contenant la liste des commerçants tenus d'ouvrir est établi par le ministère du Commerce afin d'assurer un approvisionnement régulier des citoyens en produits de large consommation, notamment le pain, le lait et les fruits et légumes. Les contrevenants risquent une amende de 30 000 à 200 000 DA, avec possibilité de fermeture administrative de 3 mois en cas de récidive. A. K.