C'est le rush sur les plages. Le grand rush. Partout dans le pays. Les vacanciers avaient presque hâte de voir partir le mois de Ramadhan qui, encore une fois, cette année, les a «empêchés» de profiter de quelques séjours au bord de la mer. Dès que le mois a plié bagages, les estivants ont fait sortir les leurs. Palm Beach, Azur Plage, Sidi Fredj, Alger Plage, Tamenfoust, El Qadous, Franco... et récemment, «Le piquet blanc», à l'endroit dit «Sablettes», entre les deux communes de Belouizdad et Hussein Dey, dans la wilaya d'Alger, ne désemplissent pas. Il y a du monde, de tous les âges et de toutes les catégories sociales. Et cela, malgré le peu, pour ne pas dire carrément l'absence de commodités. Le minimum des commodités au grand dam de ceux qui ne peuvent s'empêcher de s'y rendre. Les pouvoirs publics laissent faire. Impuissance, complaisance, laisser aller... des années depuis que les citoyens dénoncent l'abandon de ces plages au profit de jeunes devenus les seules «maîtres à bord», rien n'est fait pour changer les choses. Voilà qui explique, en partie, la croissance du phénomène de squatt des plages et de l'obligation faites aux estivants de payer tout. Ces pouvoirs publics ne se sont jamais inquiétés. Encore moins ces jeunes squatteurs. Pourquoi l'être du moment que des familles entières continuent de se rendre presque régulièrement dans ces plages et paient, sans rechigner, les prix élevés des services rendus. Les frais de la bonne hospitalité. Il est désolant de constater que des Algériens, de plus en plus nombreux, trouvent normal qu'ils ne se sentent pas «chez eux» dans certains lieux publics, peut être même tous les endroits publics. Ce n'est pas leur maison, ce n'est pas leur foyer. Ou c'est la propriété de l'Etat ou c'est la propriété d'un partenaire, officiel ou officieux de l'Etat. Là où tu passes, tu dois donc payer : l'accès à la plage, le stationnement, le parasol, l'endroit où tu plantes le parasol, la table, les chaises et autres. Les plus sages des citoyens, diront certains, attendront la fin des vacances, à la rentrée scolaire et sociale, pour prendre les leurs. C'est qu'il y aura beaucoup moins de monde et les jeunes squatteurs quitteront eux-mêmes les lieux, sans l'intervention d'aucune force publique ou autre. La plage sera libre, le baigneur aussi. Le squat des plages est un fait réel. Et il est assumé et par les jeunes et par les autorités locales. Parfois même par les familles qui approuvent le fait que des jeunes «se débrouillent comme ils peuvent» pour se créer une activité et se fassent un «petit» salaire. C'est mieux que d'accepter de subir le chômage et ses conséquences. Activité légale ou non légale, concession ou pas, toutes les plages autorisées à la baignade, 69 cette année, sont «spoliées». Les jeunes squatteurs, les maîtres des lieux, imposent leur diktat. Parfois trop gentils pour ne pas leur dire non, parfois menaçants également pour ne pas leur dire non. Tous les moyens sont bons pour maintenir l'activité, pourtant clairement interdite par la loi du fait de la gratuité de l'accès à la plage. Un arrêté de l'ancien wali, Mohamed Kebir Adou, insiste sur cette gratuité d'accès à toutes les plages autorisées à la baignade. Ce n'est la propriété de personne si ce n'est de l'Etat pour se permettre de s'accaparer un quelconque lot, sous prétexte d'entretenir les lieux pour le bien des estivants. L'accès aux plages est gratuit pour tous. Malgré cela, «les indus occupants» continuent d'en prendre possession et de gérer les plages à leur manière. Le hic, c'est qu'ils n'ont aucune autorisation de la commune ou de la wilaya ou autre pour prouver cette «cession» ou «concession» qui ne dit pas son nom. Le pire, c'est que ni ils n'entretiennent les lieux, surtout cela, ni ils n'assurent la sécurité des estivants. Leur travail est de louer les places, les parasols, les tables et les chaises... et obligatoirement. Pas d'autre chose pour celui qui essaie de s'y opposer du moment que toutes les places sont occupées. C'est comme cette histoire de stationnement dans les villes. «Tous les espaces sont occupés. Alger étouffe sous le poids des véhicules, et les parkings tant promis tardent à se réaliser. Des jeunes en profitent alors pour accaparer les deux parties de la route et vous obligent à payer les 50 DA de stationnement. En cas de refus, rien ne garantira que vous retrouverez votre véhicule en bon état. Soit, c'est le pneu qui crève, soit le rétroviseur qui disparaît, soit des rayures partout... », se plaint un habitant de Bab El Oued qui pense à quitter son travail dont le siège est à la rue Larbi Ben M'hidi. Quitter son travail pour cause de problème de stationnement. L'activité se légalise de fait. Elle devient même nécessaire, estiment certains. C'est la même chose dans les plages. Pas seulement pour ce qui est des parkings, mais aussi du «sable». C'est bien triste comme situation, d'autant que, comme susmentionné, il n'y a ni entretien ni sécurisation des lieux et des citoyens. La majorité des plages autorisées à la baignade, à Alger, ne disposent pas de sanitaires, voire de l'eau dans les robinets. Pas de vestiaires non plus. Sans compter les problèmes de restauration. Une visite récente d'un élu de l'APW d'Alger a confirmé ce constat. Il a dénoncé la situation de fait accompli et a appelé à la mise en place d'une politique claire de gestion des plages. Gestion par les APC ou par les jeunes squatteurs, concession ou pas concession, peu importe. Pourvu que les responsabilités soient clairement définies et surtout assumées. Le rapport de la commission du tourisme de l'APW d'Alger, dirigée par Madjid Lemdani, est accablant. Ayant fait plusieurs sorties, dans les trois coins du littoral algérois (Est, Ouest et Centre), ce dernier s'est montré scandalisé par l'état des lieux, «sous équipés et mal gérés», selon ses propres dires. L'élu rappelle que l'accès aux plages est gratuit pour tous, à la faveur notamment de l'arrêté signé par l'ex-wali. Il s'est aussi élevé contre l'ouverture de certaines plages, alors que des travaux d'aménagement, engagés sur les lieux, ne sont pas terminés. Ce qui constitue un véritable danger pour tous ceux qui s'y rendent. C'est le cas, par exemple, de la partie dite «Sirènes», dans la commune de Bordj El Kiffan, à l'est d'Alger. «La plage est en chantier. Elle a été exceptionnellement ouverte cette année à la baignade parce que les habitants n'ont pas où aller. Après la fin des travaux, vous verrez, les Sirènes I sera la plus belle plage de la capitale», a déclaré récemment le président de l'APC de Bordj El Kiffan, Keddour Haddad comme pour s'en excuser. «Tant que la plage est autorisée à la baignade, elle doit disposer de tous les équipements nécessaires», insiste, de son côté, le chef de la délégation de l'APW. Et ce dernier a bien raison. Il parle des grands équipements, mais aussi des petits, les plus petits. Allusion faite aux toilettes, à l'eau dans les toilettes, les vestiaires... partout dans les 69 plages autorisées à la baignage, ces équipements font défaut. Quand ils sont là, ils se dégradent vite par manque d'entretien. Contrairement aux années précédentes, une commission de l'APW est donc sortie voir de près la gestion catastrophique de ces plages. Son rapport est sans appel. Peut-être que les services de la wilaya d'Alger, sur la base de ce qui leur a été certainement remis par cette commission du tourisme, daigneront agir de façon à pouvoir récupérer ces espaces et les gérer eux-mêmes sinon encadrer ceux qui s'en sont confié la «responsabilité», sans autorisation aucune, sans engagement, sans comptes à rendre, disons le encore... K. M.