Une nouvelle «gamme» de produits qui a été interceptée aux frontières, montre que les narcotrafiquants tentent de se reconvertir pour amortir les pertes financières subies par la saisie de plusieurs tonnes de ce type de drogue. La tentative d'introduction de 33 cl d'huile de cannabis et d'une quantité de graines de cette drogue, lors d'opérations distinctes, en 2014, vers l'Algérie, vise, selon les milieux très au fait de la situation, à encourager la culture du kif sur le territoire national, voire à prospecter de nouveaux marchés pour répondre à une éventuelle demande autre que celle des produits traditionnels (kif traité). A cette tentative viennent s'ajouter d'autres essais menés par les narcotrafiquants, à savoir investir les voies maritimes pour l'acheminement de leur drogue. Pour preuve, les données fournies par le groupement territorial de la Gendarmerie nationale d'Aïn Témouchent signalent six affaires de découverte de colis chargés de kif rejetés par la mer sur les plages de la wilaya. Toutes ces données montrent que les réseaux de trafic international du kif traité sont confrontés à une véritable crise les empêchant de poursuivre leur activité en dépit de leurs tentatives à innover leurs méthodes pour contourner les mesures sécuritaires prises par le Commandement de la Gendarmerie nationale, dont, principalement, la réalisation des tranchées et des obstacles, érigés le long de la bande frontalière Ouest. Ainsi donc, après avoir utilisé l'Algérie comme un pays de transit et un marché, les narcotrafiquants marocains tentent aujourd'hui d'en faire un lieu de production de leur poison. Mais cette réalité dite crûment «fâche» le voisin Chérifien. D'ailleurs ce dernier a réagi au quart de tour à la publication du bilan de la lutte antidrogue en Algérie. Le lendemain de cette publication, trois ministres marocains, à savoir Mohamed Hassad, le ministre de l'Intérieur, Mustapha Khalfi, le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, et Cherki Drais, le ministre délégué auprès du ministre de l'Intérieur, ont organisé une conférence de presse. Le seul objectif de cette conférence était de nier une réalité établie d'ailleurs dans des rapports onusiens et d'accuser Alger d'être source de mal pour les Marocains. Selon les statistiques données par Mohamed Hassad, «plus de 143 000 comprimés psychotropes ont été saisis depuis début 2014 par les services de sécurité. L'année 2013 a été marquée par la saisie de plus de 450 000 comprimés, ce qui avait amené les autorités marocaines à intensifier les efforts de lutte afin d'endiguer ce fléau venant de l'Algérie». Le ministre marocain a précisé que «l'Algérie demeure le principal pourvoyeur de ces drogues, qui ont un impact beaucoup plus dévastateur sur la santé et la sécurité des populations». Après avoir souligné que les autorités algériennes reconnaissent officiellement le développement de la culture de l'opium en Algérie, le ministre a appelé ce pays voisin à prendre dès à présent les mesures qu'il faut afin d'éviter que cette drogue n'atteigne le Maroc comme c'est le cas pour les psychotropes. Il a même invité les autorités algériennes à s'inscrire dans «une démarche constructive pour lutter contre les crimes transfrontaliers, notamment, les trafics de drogues !» Ainsi donc comme le ridicule ne tue pas, le Maroc n'a pas trouvé meilleure réaction face à la réalité d'un bilan sur le trafic de drogue qui met en cause son pays, que d'accuser l'Algérie d'être un pays «pourvoyeur» de psychotropes et de cocaïne ! Est-il utile et opportun de rappeler au premier responsable de la sécurité intérieure du royaume chérifien que ses services de police, du district de l'aéroport international Mohammed V de Casablanca, ont procédé, en mars dernier, à l'arrestation de ressortissants subsahariens, en provenance d'un pays d'Amérique Latine, en possession de 75 kilogrammes de cocaïne. Est-il également nécessaire de rappeler à ce ministre que le 4 mai 2011 un réseau de trafic de drogue et de blanchiment d'argent a été démantelé et deux tonnes de cocaïne ont été saisies lors d'une opération de la Garde civile espagnole. Deux personnes de ce réseau ont été interpellées au Maroc. Faut-il rappeler que le Maroc est devenu le nouveau hub africain pour le trafic de drogue dure, selon le rapport d'Ameripol. Dans son analyse sur le narcotrafic, l'Ameripol, organisation englobant 28 services de police différents en Amérique latine, cite le Maroc en indiquant que l'Afrique «est devenue un nouvel itinéraire pour les narcotrafiquants sud-américains. La route africaine pèserait pour 30% du total de la marchandise qui arrive en Europe». Il indique à propos du Royaume Chérifien : «Depuis des années, des petits avions sont fréquemment utilisés pour le trafic de cannabis. La marchandise est chargée au Maroc puis transportée vers le sud de l'Espagne ou le Portugal. La drogue est parfois jetée de l'appareil, ou l'avionnette atterrit sur des routes rurales ou des espaces peu fréquentés... Dans certains cas, la marchandise est directement déchargée dans un aérodrome, à des horaires ou des jours permettant de le faire en toute discrétion... Ce mode opératoire englobe dorénavant la cocaïne, sachant que la durée d'un vol entre le Maroc et l'Espagne est de 15 mn en moyenne.» L'Ameripol prévoit une augmentation de ces «vols privés» surtout que, comme le signale le rapport, «les réseaux marocains et autres intermédiaires, utilisant surtout la voie terrestre, sont très peu employés. Ce qui permet aux cartels de conserver le monopole sur la marchandise tout en gardant le contrôle des opérations... pour mieux maximiser leurs bénéfices». Selon le rapport d'Ameripol, la prolifération de drogues dures au cours des trois dernières années, surtout au nord du Royaume, plaide pour une possible connexion entre les réseaux nationaux et les cartels. L'Algérie n'a donc pas besoin de répondre aux allégations marocaines ni de polémiquer mais juste à citer des rapports d'experts qui mettent à nu le Maroc et confirment que ce pays reste le premier producteur de cannabis et est en phase de devenir le hub africain de la cocaïne grâce à la connexion de ses narcotrafiquants avec les cartels. H. Y.