Photo : Sahel Par Nabila Belbachir La Tribune : Qu'est-ce qu'un accident vasculaire cérébral ? Professeur Sadibelouiz : L'accident vasculaire cérébral (AVC), communément appelé «attaque», «ictus» ou «congestion cérébrale», est causé par une perturbation soudaine de l'irrigation d'une partie du cerveau. Il peut s'agir d'une artère bouchée par un caillot de sang, ce qui entraîne le blocage de la circulation sanguine, provoquant ce qu'on appelle un AVC ischémique ou infarctus cérébral (80% des AVC), de la rupture d'une artère déclenchant une hémorragie intracérébrale (15% des AVC), de la rupture d'une malformation vasculaire congénitale qui représente 5% des AVC. Il existe donc deux types d'AVC. Les accidents vasculaires ischémiques ou infarctus cérébraux, les plus fréquents (80%) et les AVC hémorragiques (20%). Quelles sont les principales causes des AVC, notamment ischémiques, qui sont les plus fréquentes ? Il existe trois causes principales d'accidents vasculaires cérébrales de type ischémique, les plus fréquentes, qui surviennent chez le sujet de la cinquantaine. Ces types d'AVC surviennent après l'interruption du flux sanguin dans une artère, soit par un caillot (thrombus) venu d'une lésion de la paroi d'une grosse artère cervicale (artère carotide interne ou vertébrale) ou de l'aorte. Il s'agit le plus souvent d'un rétrécissement (sténose) de l'artère par athérothombose, soit par un caillot venu du cœur (embolie cardiaque), lorsqu'il existe des troubles du rythme cardiaque ou une maladie cardiaque, soit par un caillot qui se forme au niveau d'une petite artère intracérébrale, ce qui est fréquent chez les diabétiques ou les hypertendus. Il existe d'autres causes, plus rares, notamment chez les jeunes adultes, dont la cause principale est une dissection de l'artère carotide interne ou de l'artère vertébrale. Il s'agit d'une déchirure qui se produit dans la paroi de l'artère, parfois sur toute sa circonférence et toute sa longueur. Quels sont les facteurs de risque favorisant le déclenchement d'un AVC ? Les facteurs de risque d'AVC sont communs à toutes les maladies vasculaires qui peuvent toucher le cœur, les membres inférieurs, les reins et les autres organes, au même titre que le cerveau. Leur suppression, c'est-à-dire le traitement de l'hypertension artérielle ou du diabète, l'arrêt de la consommation de tabac, la normalisation du taux de cholestérol et de triglycéride diminuent le risque d'être exposé à un accident vasculaire cérébral. Quels sont les symptômes de ces affections cérébrales ? Les symptômes varient selon le siège et l'étendue de la lésion. Ils surviennent en général, brutalement, parfois pendant le sommeil. Leur intensité peut être d'emblée maximale ou s'accroître progressivement en quelques minutes ou quelques heures. Les symptômes habituels peuvent être une faiblesse musculaire ou une paralysie. Toute partie du corps peut être touchée mais le plus souvent il s'agit de la main, du bras, de la jambe ou de la face. Très fréquemment, le bras et la jambe du même côté sont atteints, ce qu'on appelle hémiplégie, et il s'agit habituellement du côté opposé à la lésion cérébrale. On peut parler aussi d'une perte de la sensibilité. Elle se manifeste généralement par un engourdissement, voire une anesthésie d'une partie du corps. Le contact, la douleur, le chaud et le froid sont peu ressentis. De plus, on doit évoquer la difficulté de langage. Il s'agit soit d'une gêne pour articuler les mots (dysarthrie), soit d'un trouble du langage (aphasie) : les mots sont mal exprimés ou mal compris, ou les deux en même temps. Un trouble de la vision se manifeste le plus souvent par la perte de la moitié du champ visuel, identique, pour les deux yeux (hémianopsie). Parfois, c'est un œil qui ne voit plus (amaurose) ou les deux, ou encore la vision est double (diplopie). D'autres symptômes peuvent survenir, soit par la perte de l'équilibre ou de la coordination vertigineuse, par des maux de tête inhabituels, accompagnés de nausées et de vomissements, des troubles de la conscience pouvant aller de la somnolence au coma. Que peut-on faire en cas d'un tel accident ? L'apparition d'un ou de plusieurs des symptômes nécessite une hospitalisation immédiate, au mieux dans une unité spécialisée en pathologie neurovasculaire. Une attaque cérébrale est une urgence vitale, tout comme l'infarctus du myocarde. Chaque minute compte. L'hospitalisation immédiate permet de confirmer le diagnostic et de débuter immédiatement le traitement qui permettra de diminuer les lésions cérébrales et donc d'offrir de plus grandes chances de quitter l'hôpital quelques jours plus tard, sans séquelles ou avec des séquelles moindres. Les symptômes peuvent être très brefs et disparaître au bout de quelques minutes, voire quelques heures. Ils ne sont, alors à tort, pas toujours pris en considération. Pourtant, une paralysie passagère d'un ou de plusieurs membres (bras, jambe), une difficulté transitoire de langage, une perte brusque et rapidement régressive de la vue peuvent être des symptômes annonciateurs d'une attaque cérébrale imminente. Environ 30% des attaques cérébrales sont précédées de tels symptômes transitoires qui ont été le plus souvent négligés. Encore appelés événements neurologiques transitoires, ces symptômes faussement bénins du fait de leur régression spontanée nécessitent une prise en charge en urgence, au mieux en unité de soins neurovasculaires. Quelle est la façon adéquate selon vous de traiter immédiatement un AVC ? Il est impératif de savoir reconnaître les symptômes pour demander une aide médicale d'urgence. Il est vital que l'AVC soit traité dans les toutes premières heures pour éviter des lésions cérébrales, l'invalidité et faciliter la récupération. Si les cellules du cerveau ne sont plus irriguées et ne reçoivent plus d'oxygène, ne serait-ce que quelques minutes, elles seront détruites. Le fait de vous rendre à l'urgence immédiatement dès que vous éprouvez les symptômes d'un AVC est essentiel parce qu'il existe des traitements capables de rétablir le débit sanguin dans le cerveau et de prévenir l'aggravation des lésions cérébrales ou les récidives d'AVC. Or, des études montrent qu'à peine 2% des patients qui font un AVC arrivent à l'hôpital dans les 3 premières heures qui suivent, fenêtre pendant laquelle on peut administrer un traitement médicamenteux pour dissoudre les caillots (thrombolyse). Comment évoluent les AVC après l'accident ? Dans ce domaine, tout est possible. Même si l'état initial du patient est préoccupant, on peut encore souvent l'améliorer de façon importante au fil du temps. Des exercices adaptés et constants sont à l'origine de progrès que l'on n'aurait guère cru possibles au début. Une très légère amélioration d'une lésion neurologique peut avoir des effets étonnants. Ainsi, le simple fait de récupérer de petits mouvements au niveau de la cuisse, suffisamment pour bloquer le genou, permet de se remettre à marcher. Lentement, au début. Difficilement. Mais, pour le patient, c'est une résurrection. La récupération, très progressive, se fait par paliers avec des phases ascendantes et descendantes. Faute d'exercices continus, ou si le patient est tombé, ou pour d'autres raisons, un progrès qui paraissait acquis disparaît. Le patient ressent cela comme une régression très importante. A tort, il récupérera lors d'un progrès ultérieur. L'AVC peut-il récidiver ? Pourquoi et comment ? Le fait d'avoir subi un AVC, surtout s'il s'agit d'un AVC ischémique, prédispose à une récidive et à la survenue d'autres accidents vasculaires. La survenue donc d'un accident est favorisée, comme je l'ai déjà cité, par l'existence de facteurs de risque. Si ces derniers persistent, il est évident qu'un nouvel accident peut se produire. La plupart des AVC récidivent selon le mécanisme initial (ischémique ou hémorragique) et dans la même zone cérébrale ou à proximité. Alors pas de panique ! De nombreux moyens permettent aujourd'hui de réduire considérablement le risque de récidive. Comment prévenir un éventuel autre AVC ? Dans la prévention des récidives, de grands progrès ont été accomplis. Il s'agit essentiellement du traitement des facteurs de risque et de médicaments adaptés du type de l'AVC. Qu'il s'agisse du type ischémique ou hémorragique. On ne le répétera jamais assez, il faut traiter les facteurs de risque. En cas d'un HTA facteur de risque n°1, il faut une prise régulière du traitement et une surveillance de près de la tension ; la même chose en cas de diabète ; il faut suivre les conseils du médecin traitant et de contrôler régulièrement la glycémie afin qu'elle reste équilibrée. Et, enfin, en cas d'excès de cholestérol ou de triglycérides, il faut aussi modifier les habitudes alimentaires. La rééducation fait partie de la prise en charge thérapeutique d'un patient victime d'un AVC… Quels sont ses objectifs ? Le premier objectif est de favoriser la récupération de ses différentes fonctions, c'est-à-dire la marche, l'usage de la main, le langage, la vision… Le deuxième consiste, et ce quel que soit le degré de récupération, à apprendre au patient à utiliser au mieux le potentiel qui lui reste et de faire en sorte que les séquelles le gênent le moins possible. Le troisième et dernier objectif est d'empêcher la survenue de complications, en dehors des conséquences immédiates de l'AVC, qui aggraveraient le pronostic. Par exemple, prévenir l'apparition des raideurs articulaires, qui génèrent les mouvements et augmentent les séquelles de l'accident. Il faut savoir aussi que les interventions du médecin rééducateur, du kinésithérapeute, de l'ergothérapeute, de l'orthophoniste et des soignants sont complémentaires. L'objectif commun est de rendre le patient aussi autonome qu'on peut l'espérer. Elle doit être débutée juste après l'accident ? La rééducation doit débuter le plus tôt possible, adaptée à ce que le patient peut supporter. Au début, il faudra faire beaucoup d'efforts, mais les progrès réalisés jour après jour donneront assez d'énergie pour préserver. Mais si la rééducation, pour des raisons diverses, est retardée de plusieurs semaines, plusieurs mois et au-delà, elle apporte un bénéfice. Alors une rééducation tardive vaut mieux que pas de rééducation du tout. Quelle est la tranche d'âge la plus touchée ? En général c'est à l'âge adulte. On dit que les AVC surviennent entre 50 et 60 ans et parfois un peu plus tard. Mais ça peut se manifester chez une population plus jeune, dans le cas où elle est atteinte de HTA ou de diabète. Quelles sont les incidences de cette maladie ? Il faut signaler que c'est la troisième cause de décès en Algérie mais également dans d'autres pays. Chez nous, on enregistre 150 000 nouveaux cas par an. Avons-nous des structures capables de prendre en charge ce genre de maladies ? Celles existantes restent insuffisantes. Il faudrait que les autorités pensent à créer des unités vasculaires (Stroke unit) au moins une ou deux dans chaque wilaya, là où il existe des services de neurologie pour tenter de sauver des malades, car si l'on effectue la thrombolyse dans les trois heures qui suivent l'accident, on peut rapidement sauver le patient. Mais, disposer du traitement qui accompagne ces unités, déjà utilisé à Blida et qu'on appelle le RTPA, cela permet la perméabilité de l'artère bouchée, au lieu d'attendre des mois pour que le malade récupère avec ce traitement, au bout de quelques heures le patient peut récupérer. Stroke unit veut dire unité vasculaire. La seule qui existe actuellement, en Algérie, se trouve à Blida. Et j'insiste, par ailleurs, qu'il faut agir dans les trois premières heures, très rapidement, pour éviter toute complication. Il est important de savoir identifier un AVC : plus tôt on le traite, mieux cela vaut. N'oubliez surtout pas que la prise en charge est multidisciplinaire en plus du travail du neurologue, du cardiologue, du diabétologue et de l'interniste qui jouent un grand rôle eux aussi. Sans oublier les psychologues afin d'assister les patients en cas de dépression nerveuse.