C'est à une mince marge que la présidente Dilma Rousseff est réélue. Une victoire que certains analystes voudraient déjà atténuer, préférant s'intéresser à ceux qui n'ont pas voté pour la présidente en exercice avec lesquels elle aura fort à faire dans un contexte économique moins favorable. Rousseff va devoir, comme elle l'a promis, s'atteler à réconcilier un pays «divisé», donner des gages sur l'économie et la corruption. La victoire de Rousseff est aussi un symbole de la fidélité de la majorité après 12 ans de conquêtes sociales historiques de la gauche. La candidate du PT a été élue avec 51,64% des voix contre 48,36% pour son adversaire de centre-droit Aecio Neves, du Parti social-démocrate brésilien (Psdb). Il s'agit de la victoire la plus étriquée depuis la première élection présidentielle au suffrage direct de 1989 qui a suivi la dictature militaire. Le succès de Rousseff intervient surtout au terme d'une campagne tendue, caractérisée par des attaques sur les personnes radicalisant le clivage gauche-droite. Ainsi Dilma Rousseff a perdu beaucoup de terrain par rapport à sa première élection en 2010, survenue dans l'euphorie de son mentor Lula. La tendance au recul était déjà de mise. Le PT avait perdu 18 sièges le 5 octobre lors des législatives. Autant de signes d'une morosité grandissante liée au ralentissement économique et aux scandales de corruption impliquant le parti au pouvoir. Rousseff semble en avoir tiré les leçons en promettant d'être «une bien meilleure Présidente que jusqu'à présent». La Présidente, qui prêtera serment le 1er janvier prochain, aura à convaincre les mécontents de plus en plus nombreux. Elle a promis de sévir durement contre la corruption et de promouvoir une réforme du système politique en dialoguant avec le Parlement et en usant du référendum. Elle s'est également adressée à ses virulents détracteurs, les milieux économiques et les marchés financiers qui ne l'ont guère épargnée à cause de son «interventionnisme», responsable à leurs yeux de l'entrée en récession du Brésil. Un mandat et des défis Dilma Rousseff, accompagnée de l'ex-président Lula à la tribune, apparus en tenues blanches contrairement au rouge de mise durant la campagne, se place comme la Présidente de tous les Brésiliens. Une mission qui s'annonce ardue. La Présidente, très critiquée pour ses attaques personnelles durant la campagne contre l'écologiste Marina Silva puis contre Aecio Neves, a appelé à une sorte de paix des braves postélectorale. Pour les analystes les plus pessimistes la victoire étriquée de Dilma lui pose de grands défis. «Elle va devoir unir un Brésil aujourd'hui divisé en deux avec une grande animosité. Sa grande tâche sera de gouverner pour les 48% qui ont voté contre elle, entendre et dialoguer». «Les Brésiliens ne tolèrent plus la corruption et veulent plus de services publics et une économie en croissance. Pour cela elle devra dialoguer avec un Congrès très fragmenté et plus conservateur qu'avant et cela va accentuer les disputes entre l'exécutif et le législatif.» Pour d'autres, «le premier défi de Dilma Rousseff sera de se rapprocher des marchés financiers et des milieux économiques en prenant des mesures négociées avec eux. Autrement, elle n'aura jamais la paix et le pays le paiera très cher». Ainsi Rousseff abordera un second mandat rempli de défis à cause d'une conjoncture de moins en moins favorable. L'économie du géant sud-américain est en berne. Le Parlement, fragmenté en 28 partis, sera difficile à régenter. Les graves dénonciations de corruption, notamment avec l'affaire Petrobras, ne sont pas pour aider. La polarisation politique remarquée durant la campagne ne devrait pas baisser. Ce qui annonce des batailles homériques entre les grandes formations politiques. Le Brésil de 2014 n'est pas le même d'il y a quatre ans, quand Dilma Rousseff avait hérité de son parrain politique, Luiz Inacio Lula da Silva, et d'une croissance économique incroyable de 7,5%. La popularité de Lula était à son comble grâce à l'amélioration effective du niveau de vie. Plus de 29 millions de Brésiliens sont sortis de la misère et ont pu accéder au rang de consommateurs grâce aux différents crédits. Mais aujourd'hui l'économie brésilienne semble avoir ralenti, avec des perspectives moins engageantes. Les rapports de certaines agences économiques, notamment occidentales, ne sont guère encourageants : «L'inflation est en surchauffe, l'industrie perd du terrain et les comptes publics se dégradent.» Rousseff défend sa politique économique, attribuant le ralentissement au seul contexte international, et rappelle avoir poursuivit l'augmentation des bas salaires et ramené le chômage à son plus bas niveau historique. Mais bon nombre d'observateurs estiment qu'avec une croissance pratiquement nulle cette année, le Brésil risque de perdre des postes de travail à partir de l'année prochaine. Les grandes contestations de rues de 2013 ont montré que les Brésiliens sont dans une attente urgente pour l'amélioration des services publics de santé, d'éducation et de transport. Seulement, aujourd'hui la Présidente réélue devra y remédier avec les restrictions imposées par la situation économique. L'effet Lula lui sera-t-il toujours d'une quelconque aide ? M. B.