Véritable attraction du moment, le Palais des expositions des Pins maritimes d'Alger qui accueille, jusqu'au 8 novembre prochain, la 19e édition du Salon international du livre d'Alger (Sila), a encore une fois drainé une forte affluence de visiteurs, essentiellement des familles accompagnées de leurs enfants, des élèves, à la veille de la reprise des classes après quelques jours de congé, et des étudiants. Au pavillon central, espace privilégié des visiteurs, différentes générations et milieux sociaux se côtoient dans une ambiance bon enfant, où le phénomène des acheteurs de livres religieux venant en masse pour prendre d'assaut certaines maisons d'éditions orientales est presque invisible cette année avec des proportions équilibrées du large panel de lectorat. Au milieu des dédales de stands, l'édition africaine est encore une fois présente, à travers l'espace dédié à l'ancrage africain du Sila, en l'occurrence l'Esprit Panaf. Un espace entièrement dédié aux éditeurs africains qui publient sur le continent et qui connait au fil des années un succès de plus en plus marqué et arrive à fidéliser les habitués de cette grande messe dédiée au livre. Karim Chikh, responsable du stand Panaf, confie que «depuis le premier jour cela se déroule dans de bonnes conditions et nous avons une grande affluence tant au niveau des rencontres qu'au niveau des stands des différentes éditeurs». En effet, les rencontres quotidiennes de l'Esprit Panaf, qui se déroulent entre 15h et 18h, accueillent un grand nombre d'auditoire, parfois de passage et souvent captivé par les différents sujets abordés tels «l'Afrique des laïcités», «Etat, religion et pouvoirs au sud du Sahara», «littérature féminine et engagement sur la condition de la femme en Afrique», «littérature et musique : convergences et divergences», ou les fidèles auteurs de renoms de cet espace dédié à la littérature africaine Samy Tchak et Eugène Ebodé A propos de cet engouement Karim Chikh confie : «D'année en année l'espace Esprit Panaf accueille de plus en plus de monde, les gens sont curieux de découvrir la littérature africaine. Les éditeurs africains qui viennent de différents pays ont fait de belles ventes au point où certains ouvrages sont en rupture de stock. Ceci prouve qu'il y a un lectorat qui s'intéresse à ce qui se fait dans le continent.» Une plateforme dédiée à l'échange et au partenariat continental Il expliquera également que le principal objectif de l'Esprit Panaf c'est d'œuvrer à regrouper le maximum de maisons d'édition africaines et ramener des écrivains qui publient en Afrique. Concernant les projets, il souligne qu'«il s'agit de points importants, tel que la présence de l'Esprit Panaf dans les autres salons africains et la problématique de la coédition et la distribution. Chaque année on essaye de créer des projets de coédition. Ce n'est pas toujours évident, il y a déjà eu cette année une première coédition, nous sommes en train de travailler sur une coédition entre des maisons d'édition du Cameroun et du Burkina Faso et j'espère que l'année prochaine on aura d'autres éditions». Le responsable de l'Esprit Panaf explique également que, chaque année, il œuvre pour ramener des écrivains confirmés, c'est à dire des écrivains francophones qui ont publié dans de grandes maisons d'édition en France. C'est aussi l'occasion de rencontres et d'échanges entre de jeunes auteurs qui publient dans le continent et des écrivains confirmés qui se sont fait un nom à l'étranger. Il ajoute que «l'intérêt aussi est qu'ils repartent aussi avec des œuvres de ces jeunes auteurs publiées en Afrique et d'essayer de les faire connaître chez leur éditeurs à l'étranger». Parmi ces auteurs confirmés, notons la présence à cette 19e édition du Sila de Gabriel Mwènè Okoundji qui a remporté cette année les prestigieux prix européen francophone de poésie Léopold Sédar Senghor et Mokanda de poésie. Il sera présent à l'Esprit Panaf pour animer une rencontre mais également pour la vente-dédicace d'Apprendre à donner, Apprendre à recevoir, publié aux éditions Apic. Les éditeurs et auteurs africains saluent l'intérêt des lecteurs Editeur venu du Congo-Brazzaville participant pour la deuxième fois au Sila dans le cadre de l'Esprit Panaf, Mulkala Kadima-Nzui estime que «c'est une excellente initiative, au lieu que l'Afrique soit noyée dans cet immense salon du livre. Cet espace permet à l'Afrique d'être plus visible et ainsi mieux comprise». Publiant des auteurs congolais pour la plupart, mais aussi des auteurs d'autres pays, l'éditeur nous confie que l'ouvrage qui a eu beaucoup de succès est Vous mourrez dans dix jours d'Henri Djombo. L'autre roman qui est également en rupture de stock, Cœur d'Aryenne du premier écrivain congolais Jean Malonga, réédité cette année par les éditions Hemar soixante ans après sa première publication. L'éditeur confie à ce sujet : «Cœur d'Aryenne est le roman qui fonde la littérature congolaise, publié en 1953. C'est ce roman qui est en quelque sorte la matrice de la littérature congolaise. Jusque-là on ne le connaissait qu'à travers des fragments dans les manuels scolaires. Aujourd'hui il est enfin disponible dans son intégralité pour les lecteurs et j'ai été heureux qu'il a eu un bon écho auprès des lecteurs algériens.» Mulkala Kadima-Nzui est également présent en tant qu'auteur avec la présentation de son ouvrage publié récemment aux éditons Harmattan intitulé Théâtre et destin national au Congo-Kinshasa 1965-1990. Il confiera à ce propos : «Mon livre marche très bien aussi auprès des visiteurs de l'Esprit Panaf. Cela m'émeut car le théâtre joue aujourd'hui un rôle important. Un rôle de socialisation et de sensibilisation. Le théâtre marche de paire avec les institutions et contribue à mieux faire comprendre les mots d'ordre de la politique sociale et éducative.» Il ajoutera à propos de sa participation à l'espace Esprit Panaf : «C'est un espace de rencontres, d'échanges et de promotion du livre africain. On se découvre et on essaye de travailler ensemble. L'intérêt de cet espace est de créer des réseaux d'éditions, de diffusion et de distribution. Ce dernier aspect nous manque au niveau continental, avoir une agence de distribution qui reçoit les différentes publications des maisons d'édition et qui les distribue à travers l'Afrique.» Affichant un sourire radieux, l'écrivaine Djaili Amadou Amal, présente avec les éditions Ifrikya du Cameroun, confie que pour sa première participation elle est agréablement surprise de découvrir un aussi grand Salon avec autant de participants et de visiteurs avec un espace dédié à la littérature africaine. Elle explique que ses romans, qui s'articulent autour de la condition de la femme, ont été écoulés en deux jours alors que l'éditeur avait ramené avec lui un important stock. Elle estime à ce sujet «que les lecteurs algériens sont intéressés par ce qui s'écrit dans le continent. C'est un lectorat de différentes générations et je suis surprise de découvrir des jeunes qui demandent des classiques de la littérature africaine et, à mon niveau, de la littérature camerounaise. Mais ils sont également à la découverte de nouveaux romans et de jeunes auteurs et cela est un grand espoir pour la littérature africaine». Beaucoup d'ouvrages, de conférences et de rencontres palpitantes sont encore à découvrir dans cet îlot de la littérature africaine jusqu'à samedi prochain, dernier jour de cette 19e édition du Sila. S. B.