Comme chaque année et en période de rumeurs autour d'un remaniement ministériel, la solidarité gouvernementale n'est plus de mise. Cette fois c'est la flambée des prix de la pomme de terre qui entraîne une guerre des mots entre ministères. La hausse du prix du tubercule fait grogner les consommateurs. De cette grogne les ministères de l'Agriculture et du Commerce ne veulent pas en assumer la moindre parcelle de responsabilité. Au sortir d'une séance de questions orales au Conseil de la nation, le ministre de l'Agriculture et Développement rural avait rejeté toute responsabilité quand au prix affolant atteint par la pomme de terre. «Je suis responsable de la production. Pour la régulation et la commercialisation, il faut demander à ceux qui en ont la charge», avait-il dit en substance. Son collègue du commerce, Amara Benyounès, a fait réagir un des cadres du ministère dont il a la charge. Ce dernier explique que selon le constat de la cellule de suivi chargée d'enquêter sur les raisons de cette flambée, le Syrpalac a «mal fonctionné» durant la période de soudure allant de la mi-septembre jusqu'à la mi-novembre. Les informations recueillies par les 9 directions du commerce régionales et celles de wilayas, relèvent notamment une insuffisance en matière des quantités stockées dans les chambres froides et une mise tardive sur le marché, a précisé le directeur général de la Régulation et de l'organisation des activités au ministère, Abdelaziz Aït Abderrahmane, dans une déclaration à l'APS. «Nous avons lancé un signal dès le début septembre, quand les prix ont commencé à augmenter, pour faire rentrer sur le marché les quantités stockées. Cet appel n'a pas été pris en considération», a-t-il dit en rappelant que la régulation des produits agricoles frais ne relève pas du ministère du Commerce, ce responsable minimise le rôle de la spéculation dans la hausse des prix. La cellule mise en place par le ministère du Commerce «n'a pas révélé, jusqu'à présent, des stockages clandestins à grande échelle, mais a constaté une quantité nettement moins importante que l'année dernière», a-t-il indiqué, ajoutant que «le marché n'avait pas été alimenté à temps». L'insuffisance des quantités de pomme de terre stockées dans le cadre du Syrpalac et leur mise tardive sur le marché, a-t-il poursuivi, ont provoqué une flambée considérable des prix. Les prix de la pomme de terre ont depuis début septembre dernier enregistré une hausse record dépassant parfois la barre de 120 dinars le kilogramme contre un prix moyen d'environ 50 DA. Ces prix ont connu une hausse de plus 150% par rapport à la même période de l'année dernière. En dépit de l'arrivée, sur le marché, de la récolte fraîche depuis la mi-novembre, le prix de ce produit n'a enregistré qu'une légère baisse pour se stabiliser autour de 75 dinars le kilo. Récemment, un dispositif «anti-spéculation» a été mis en place par l'Entreprise publique des entrepôts frigorifiques de la Méditerranée (Frigomedit) pour stabiliser les prix de la pomme de terre et contrecarrer les pratiques spéculatives. Ce dispositif consiste à approvisionner des détaillants à partir des entrepôts frigorifiques sans passer par d'autres intermédiaires. «La spéculation existe certes, mais ne représente pas le facteur principal provoquant la flambée des prix de la pomme de terre», a indiqué M. Aït Abderrahmane estimant que ce phénomène est créé, généralement, par l'insuffisance enregistrée en matière d'offre. Pour faire face à ce genre de pratique, ajoute-t-il, l'agriculteur ne doit vendre sa récolte qu'aux commerçants activant d'une manière formelle. À ce titre, le ministère du Commerce a élaboré un projet de texte visant à lutter contre la spéculation et éliminer les nombreux intermédiaires qui interviennent entre le producteur et le mandataire. À cet effet un bon de transaction devrait accompagner les produits de l'exploitation agricole jusqu'au marché, ce qui va permettre d'avoir une meilleure traçabilité des produits commercialisés, a-t-il estimé. Pour le ministère du Commerce, donc, la hausse du prix de la «patate» est dû à des faiblesses organisationnelles du ministère de l'Agriculture. Pour ce dernier, la responsabilité incombe au Commerce. Quoiqu'il en soit, la responsabilité est gouvernementale et en attendant le consommateur fait ce qu'il peut pour nourrir ses enfants. A. E.