Après les vaches grasses consommées, les vaches maigres annoncées. En raison de la baisse importante, et qui s'annonce durable du prix du pétrole et du gaz, la situation de l'Algérie est certes difficile mais elle est moins dramatique que celle du Venezuela. Pour autant, elle n'en provoque pas moins des poussées d'urticaire chez les dirigeants algériens qui ont indexé sur un baril à 90 dollars le budget 2015, alors même que le prix a atteint la barre psychologique de 70 USD. La situation, si elle n'est pas encore catastrophique, annonce des jours d'autant plus compliqués que le ministre du Commerce avait annoncé 60 milliards de dollars de transferts sociaux et des dizaines de milliers de logements à distribuer en 2015 et 2016. Pour l'instant, le gouvernement pourrait se débrouiller car les recettes qui manqueraient à l'appel seraient puisées dans cette soulte stratégique que constitue le Fonds de régulation des recettes de l'Etat (FRR). Jouable à moyen terme, mais pas solvable à plus long terme. À long terme, le pays se trouvera alors face à une équation complexe, intenable même : l'explosion de la demande intérieure énergétique face à la baisse des revenus pétroliers. Sachant déjà que le pays, devenu un gros consommateur d'énergie du fait de l'amélioration du confort des ménages et d'un parc automobile en croissance exponentielle, paye même une lourde facture d'importation de produits raffinés. Il faudra bien qu'un jour ou l'autre, on arrête les frais et qu'on rationnalise nos dépenses et que l'on pense à organiser l'économie sur la base de la création de richesses et de valeur ajoutée. Donc, par définition, de réduire la dépendance énergétique qui est du même niveau que celle d'un Venezuela installé depuis longtemps sur la bouche d'un volcan social, travaillé par ailleurs par des plaques tectoniques politiques. Il faudrait donc se situer dans la perspective de la fin de la rente pétrolière. Question vitale dans la mesure où la baisse des recettes liées aux hydrocarbures, passées de 51 milliards d'euros en 2012, à 46 milliards en 2013, est une tendance lourde. Pour l'heure, nos dirigeants se rassurent comme ils peuvent, l'œil rivé sur les réserves de devises, estimées officiellement à un peu moins de 200 milliards de dollars, à environ 400 milliards selon des calculs d'experts. On est donc, à court et à moyen termes, à l'abri d'une crise économique et sociale profonde, étant donné que le pays possède encore un bas de laine en devise assez confortable. Mais cela reste assurément un sursis. Mais à ce niveau de subvention publique et énergétique, de transferts sociaux et de redistribution, la crise économique pourrait très vite prendre une tournure sévère pour le pays. À moins de faire des choix douloureux. C'est-à-dire des arbitrages difficiles, qui consistent à abandonner certains projets d'infrastructures lourdes et de prestige, à revoir également la politique sociale. Cela implique de réviser les critères d'accès au logement, dans le sens où il faudrait abandonner la philosophie de nivellement social qui la sous-tend. C'est-à-dire que le logement construit par l'Etat, quelles que soient les formules proposées, ne devrait pas coûter la même chose pour tout le monde. En somme, abandonner l'égalitarisme social et faire payer en fonction des revenus réels de chacun. Cela implique des décisions politiques courageuses qui consistent à ne plus sortir systématiquement le chéquier pour acheter à coût élevé la paix sociale. Pour cela il faudrait des dirigeants compétents, lucides et courageux. Durant ces quinze dernières années, l'Algérie a fonctionné comme une cigale dépensière, même si l'idée de justice sociale et de redistribution de la rente était acceptable en soi. Il n'est donc que temps de devenir fourmi, d'apprendre à serrer la ceinture, car il y a des cures d'amaigrissement qui sont salutaires. De ne plus jouer au riche qui dépense sans compter et sans contrôler. De faire de nos privés des capitalistes au lieu d'être de simples riches qui accumulent l'argent sans créer pour autant de la richesse et de l'emploi massif. Ne pas oublier à ce propos que c'est la chute drastique des revenus pétroliers en 1986 qui a fait le lit des réformes de 1989. Morale de l'histoire : on réfléchit et on travaille mieux quand on a beaucoup moins d'argent. Quand on est débarrassé du satanique syndrome hollandais. N. K.