Aucun qualificatif ne semble plus beau et plus fort pour décrire, désormais, la relation entre l'Algérie et la France. Sont-ce là les premiers effets d'une coopération politique que les présidents des deux pays ont su patiemment, voire avec ténacité, mettre au diapason de nouvelles exigences imposées par une géopolitique du moment ? Le tabou de l'entraide militaire tombé, avec le survol en 2012 de l'espace aérien algérien par les avions militaires français partis bombarder les islamistes armés au Mali, il était légitime de prévoir que d'autres verrous allaient sauter sans trop de complications. En témoigne la riche sommation qui a conclu, jeudi, les travaux de la deuxième session du Comité intergouvernemental de haut niveau algéro-français réunie à Paris. Pas moins de quinze ministres y accompagnaient le Premier ministre Sellal, reçu en audience une heure et demie par le président Hollande, alors que du côté de la partie française, Manuel Valls et plusieurs membres de son cabinet étaient à l'avenant. L'inflation terminologique a parfois frisé le dithyrambe dans le passé pour traduire dans les faits les aspirations à l'exemplarité, voire une certaine perfection, des deux côtés de la Méditerranée. En mars 2003, pour la première visite d'Etat en Algérie d'un président français, Chirac et Bouteflika s'étaient efforcés de vaincre les pesanteurs du passé en signant «La Déclaration d'Alger», présentée comme un Traité d'amitié entre les deux pays. Les deux chefs d'Etat ne voulaient rien moins qu'un «Partenariat stratégique» pour la consolidation des relations algéro-françaises. Las, Chirac verra ses efforts, pourtant sincères, sabordés par sa propre majorité parlementaire qui a fait adopter par l'Assemblée nationale, en 2005, une loi d'inspiration revancharde comportant un article mentionnant le «rôle positif de la colonisation». Une grande polémique d'un an s'ensuivra et l'article finira par être abrogé, mais le coup était parti et le mal fait. Surenchère pour surenchère, des voix algériennes plus ou moins autorisées demanderont, elles, la repentance de la France pour les crimes qu'elle a commis dans son ancienne colonie. Avec Sarkozy, élu Président en 2007, les relations seront tantôt glaciales, tantôt tièdes à chaudes avec une prédominance de fraîcheur. Les superlatifs en bien seront soigneusement remisés durant tout le quinquennat du successeur de Chirac. L'arrivée de François Hollande à l'Elysée en 2012, prenant le contre-pied y compris de ses devanciers de la même famille politique que lui, inaugurera une ère qu'on pourrait qualifier de pragmatisme stabilisateur. Agissant très subtilement sur les retards accumulés par les problèmes de mémoire érigés en barrage, il multiplie les propos et les gestes pour décomplexer ce qui pouvait l'être et atténuer les effets des persistances mémorielles. Jamais aucun locataire de l'Elysée n'a tenu des propos plus durs que les siens sur les effets dramatiques de la colonisation. Cerise sur le gâteau, il y a eu assez rapidement un feeling entre lui et le président Bouteflika. Plus qu'un dégel, les relations entre les deux capitales connaissent un réel réchauffement qui atteint son point d'orgue avec l'autorisation donnée à l'aviation militaire française de survoler l'espace aérien algérien. À l'heure du partenariat gagnant-gagnant célébré par Alger et Paris, la coordination qui s'est instaurée entre les deux pays pour bouter du Mali les groupes islamistes qui avaient failli atteindre Bamako a préfiguré et préparé ce type de partenariat. Il est possible, c'est même certain que Hollande et son ministre des Affaires étrangères Fabius ont joué de la nouvelle donne géopolitique dans la région pour mieux fluidifier la relation Algérie-France, en l'expérimentant sur le terrain de la confiance et de l'intérêt bien compris de chacune des deux parties. Ni inflation ni déflation verbale, l'économie a fait le reste. On constate même un effort du gouvernement français pour contenir les provocations des milieux traditionnellement hostiles à l'Algérie. Significatif de cette évolution positive, quand le juge antiterroriste Trevidic, mettant ses pas dans ceux du «droit-de-l'hommiste» Baudouin, voulait exhumer (sic) les doutes sur l'assassinat des moines de Tibhirine en 1996, ils étaient deux à le recadrer : Valls et Fabius. A. S.