Après avoir fait couler beaucoup d'encre, le long métrage Timbuktu du mauritanien Abderrahmane Sissako a été projeté mercredi dernier à Alger à la salle El Mouggar. Inscrit en compétition officielle de la 5e édition du Festival international du cinéma d'Alger (journées du film engagé), ce long métrage multi primé a fait l'unanimité auprès du public, qui a découvert un savant mélange de pertinence et de subtilité dans une œuvre qui dénonce l'intégrisme et l'obscurantisme qui planent sur la région du Sahel. Tourné dans de très dures conditions, le film de 97 minutes plonge le spectateur au cœur de Tombouctou, une ville paisible et accueillante mais qui tombe aux mains des groupes islamistes qui décident que dorénavant seule la chariâa régnera dans la cité et régentera la vie de ses habitants, qui se retrouvent du jour au lendemain privés des plus simples plaisirs de la vie. La musique est interdite. Le football aussi. Le port du voile est imposé aux femmes et toutes les croyances et traditions locales sont bannies du quotidien. Impuissants les habitants subissent la terreur de ces intégristes qui se prétendent porteurs et défenseurs de la parole d'Allah, mais dont le seul langage est la violence. A quelques kilomètres de la ville, le jeune Kidane mène une vie paisible avec sa femme et sa fille de 12 ans. Cette famille touareg vit en marge de la société. Aussi, a-t-elle été épargnée de cette déferlante de violence qui s'est abattue sur Tombouctou. Habitant Kidal, éleveur de bovin, Kidane vit jusque-là de son travail. Mais un jour ce père de famille est emprisonné pour l'assassinat accidentel d'un pêcheur. L'univers de cette petite famille s'effondre quand les intégristes décident d'appliquer «el hed» (la loi du talion), et de tuer le père en punition de son acte. Durant le film, le réalisateur met en avant la grande contradiction entre la communauté de Tombouctou et son islam et les règles importées et imposées par des terroristes venus d'ailleurs, en faisant à chaque fois intervenir l'imam de la ville qui tente vainement de ramener les nouveaux maîtres de la ville sur le droit chemin et de corriger leur interprétation erronée de la religion. Timbuktu montre aussi «les astuces» des habitants pour tenter de garder une partie de leur mode de vie au milieu de cette vague obscurantiste violente. On y voit des jeunes enfants jouer avec un ballon imaginaire. Le réalisateur mauritanien a choisi de porter à l'écran la violence de manière crue en montrant les crimes commis de sang-froid, des scènes de lapidation et la maltraitance de la population fouettée et sans cesse surveillée. Organisé du 12 au 19 décembre, le Festival international du cinéma d'Alger a pris fin jeudi dernier en dévoilant son palmarès. Le jury fiction, présidé par Djamel Bendeddouche, a attribué le Grand prix au long métrage Gabrielle de Louise Archambault, tandis que le jury documentaire, présidé par Mohamed Chérif Bega, a choisi d'attribuer le Grand prix de cette section à Examen d'Etat de Dieudo Hamadi. W. S. M.