Ziad Abdelhadi La Tribune : Pouvez-vous nous faire une rétrospective succincte de l'activité agricole dans votre région ? Zeghib Saadoune : Je tiens à rappeler qu'avant 1994 notre wilaya était strictement à vocation phoënicicole, c'est-à-dire que la wilaya d'El Oued ne produisait que de la datte. Ce n'est qu'à partir de l'année citée plus haut qu'a été introduite la culture de la pomme de terre. Les pionniers ont commencé avec différentes variétés mais ils se sont vite intéressés aux espèces suivantes : la spunta (blanche), la condor (rouge), la partina et enfin à la keroda. Et après avoir constaté que la spunta et la condor donnaient de meilleurs rendements à l'hectare, ils ont vite abandonné les trois variétés citées ci-dessus pour ne se consacrer qu'aux deux premières variétés mais avec cette nette préférence pour la spunta. Ils étaient, à la fin des années 90, une cinquantaine tout au plus d'autochtones à se verser dans la culture de la spunta. C'était pour eux un défi de se lancer dans une telle spéculation. Depuis la spunta leur a donné raison, car elle était la mieux adaptée à la spécificité du sol de la région fait uniquement de sable à longueur d'horizon. Des résultats pour le moins encourageants qui, de suite, ont suscité un engouement certain chez la population locale pour s'adonner à ce type de spéculation agricole. Et pour preuve la Chambre de l'agriculture locale comptait, en 2004, pas moins de 800 producteurs de pomme de terre. Leur nombre n'a cessé de progresser. Ils sont actuellement 5 000 à produire. Non sans vous préciser que si certains se sont contentés d'exploiter deux ou trois parcelles d'un hectare chacune, d'autres plus téméraires exploitent jusqu'à dix parcelles compte tenu des rendements très encourageants qu'ils ont atteints au fil des campagnes qui se suivent. Pour rester dans le cadre de votre question, je vous signale qu'après l'avènement de la pomme de terre dans notre région certains producteurs de pomme de terre ont commencé à réfléchir sur l'opportunité de se lancer dans un autre type de spéculation. Ainsi ils ont opté pour la tomate. Un choix qui n'est pas du tout hasardeux. Et pourquoi justement ? Pour nous gens de la terre de la région, après la réussite de la culture de la pomme de terre il fallait donc tenter une autre expérience mais en restant dans les cultures maraîchères. Et comme il n'échappe plus à personne, la tomate fait partie des légumes frais de très large consommation donc beaucoup de gens de la terre ont vite jeté leur dévolu sur la tomate tout en sachant que dans la wilaya voisine, Biskra, la culture est pratiquée sous serre sur des centaines d'hectares avec des rendements appréciables. Ce qui n'a en rien freiné le projet de se lancer dans la production de la tomate à même le sol. D'autant plus, et comme vous l'avez constaté de visu lors de votre visite sur champ, la tomate que nous produisons est d'excellente qualité avec un coût de production inférieur à celui de la production sous serre de Biskra. Ce qui rend la notre plus compétitive. Un atout que vont vite mettre à profit beaucoup de gens de la terre de chez nous. Et partant, je peux même avancer que d'ici deux ou trois ans tout au plus nous allons devenir à l'échelle nationale la 1re wilaya productrice de tomate comme ça été le cas pour la pomme de terre. Et pour preuve, les rendements atteints à l'hectare sont des plus encourageants : dans certaines exploitations la récolte a été de 800 quintaux à l'hectare. Pour résumer : notre wilaya enregistre ces derniers mois dans le domaine de la production de tomate une croissance des plus rapides. Est-ce que la tomate industrielle est incluse dans cette perspective ? Je ne saurais vous le dire, mais pour l'instant aucune expérience n'a été tentée sur la tomate industrielle. Je peux seulement vous informer que deux grands producteurs de tomate industrielle du nord-est du pays ont séjourné l'année courante dans la wilaya pour se faire une idée sur la faisabilité de produire de la tomate industrielle. toute façon la chambre de l'agriculture de la wilaya est prête à leur faciliter les démarches nécessaires pour concrétiser leur projet. Revenons si vous le permettez à la production de pomme de terre dans votre région. Certains spécialistes en matière de production agricole avancent que votre production est appelée à la baisse si les producteurs continuent, pour leurs besoins d'irrigation de champs de pomme de terre, de puiser abusivement dans la nappe phréatique non renouvelable. C'est pourquoi ils recommandent aux producteurs d'introduire des techniques d'irrigation qui économisent l'eau des nappes. Qu'elle est votre approche sur ce constat ? Je reconnais certes que la nappe accuse de plus en plus des niveaux de puisage des plus intenses. Pour changer la donne nous organisons depuis quelques mois des journées d'information au profit des producteurs de pomme de terre sur l'intérêt d'introduire de nouvelles techniques d'irrigation. Quand à l'hypothèse de voir la production de pomme de terre baisser dans notre wilaya je dirais plutôt, en connaissance de cause, qu'elle va augmenter. Nous disposons de trois facteurs naturels qui permettent de produire plus et bien. Ce sont le climat, la nature du sol et l'eau. Il reste à résoudre la problématique de l'énergie et d'accorder facilement des droits de concession aux producteurs qui projettent des extensions de leur périmètre d'activité. Pour finir qu'avez-vous à dire de plus ? L'évolution du secteur de l'agriculture que connaît la wilaya d'El Oued n'est pas près de s'arrêter en si bon chemin. Il faudra s'attendre en effet à d'autres performances. La plus immédiate viendra de l'oléiculture, car dans ce créneau l'extension des vergers est de plus en plus rapide. Z. A. Selon une étude : sans la maîtrise des techniques appropriées il y a risque de dégrader les sols Rencontré en marge des conférences organisées lors de la tenue du Salon de l'agriculture saharienne et steppique qu'a abrité la ville d'El Oued du 15 au 17 décembre courant, le Dr Boukhmis Harouadi, spécialiste en production agricole, nous a fait part de son approche sur la question de l'évolution et des perspectives qui sont données à l'agriculture saharienne. Pour ce consultant, expert agricole agréé près des tribunaux et ancien directeur du laboratoire d'amélioration et de production des semences de pomme de terre (Lapspt), l'avenir de l'agriculture saharienne dépend de la maîtrise de la salinisation des sols, de la valorisation de l'eau d'irrigation et de drainage. Comme il a aussi tenu à nous rappeler que selon de nombreuses études, la clé pour aboutir aux résultats escomptés réside dans la maîtrise technique dans l'utilisation des facteurs de production. Ce sont la rationalité dans l'utilisation de l'eau, les sols cultivables, la valorisation de l'eau, le complexe eau-sol-sel. «Mais qu'a-t-on observé sur le terrain ces dernières années ?», s'est interrogé le Dr Harouadi. Il dira : «Le manque de respect des principes de base de la pratique de l'agriculture saharienne au sens large du terme et la méconnaissance des itinéraires techniques, un peu particuliers, n'ont pas permis d'aboutir aux résultats escomptés.» A propos de la dynamique qui se déploie actuellement dans la perspective d'une augmentation de la production agricole saharienne notre vis-à-vis nous a dit qu'on a cherché à vite produire dans cet environnement ce qui pourrait être fatal. D'après l'expert, «il aurait mieux fallu trouver le modèle de développement qui permet à la fois de valoriser au mieux les atouts et de limiter les effets de dégradation du milieu». Harouadi déplore enfin que l'agriculture saharienne telle que menée actuellement est surtout «gaspilleuse en eau et en énergie, elle ne veille pas sur les sols et peut aller jusqu'à se déplacer quand ceux-ci ont été stérilisés par le sel, résidu d'une irrigation mal menée, ou par le vent et le soleil». Semences d'importation Les volumes toujours en hausse La production de semences de pomme de terre ne cesse d'augmenter puisqu'elle est passée de 500 000 quintaux en 1992, date de la création du Centre national du contrôle de la qualité, à 4,2 million de qtx à fin novembre 2014. La superficie est passée, quant à elle, de 8 000 ha à plus de 35 000 ha durant la même période. Cette croissance est due notamment à l'appui technique et au soutien financier qu'octroie l'Etat aux agriculteurs. Cependant l'Algérie importe toujours 70% de ses besoins en semences de pomme de terre destinée à la production de saison et produit, localement, 100% de sa semence d'arrière saison et de primeur. La production de semences de pomme de terre est à 100% privée sous contrôle des services de l'Etat. Néanmoins, vu les quantités importantes de semences produites ces dernières années, le secteur vient d'engager une réflexion pour réduire les importations qui devraient se limiter aux classes Super élite (SE) et Elite (E) pour les injecter directement dans les programmes de multiplication, et ce, en attendant que la pyramide soit bouclée en 2014.