Tous les clignotants des Verts sont au vert, ou presque. L'infirmerie est vide, sauf d'un gardien de but remplaçant qui sera remplacé, selon les procédures en usage. Donc, pas de souci majeur et Christian Gourcuff n'a pas de raison d'avoir des cheveux blancs supplémentaires. Tout va bien donc. La sélection nationale, fait rare mais louable, s'est préparée en Algérie, au Centre technique de Sidi Moussa dont les qualités ont été louées par le sélectionneur national qui connaît un bout sur la question. Donc, pas besoin d'aller en Europe comme on avait pris l'habitude de le faire. Le climat clément d'Alger en ce mois de janvier a été bénéfique pour la santé des joueurs et personne ne viendrait s'en plaindre. Tout est bien qui a bien commencé au pays et qui finirait bien en Guinée Equatoriale. Avec les trois bandes d'Adidas, nouvel équipementier des Fennecs, qui a signé sur le long terme avec la FAF et qui voit ces Verts-là jouer dans la cour des grands. Tout va donc pour le mieux. Pour l'instant, l'EN de Vahid Hallilhodzic, revue et améliorée par Gourcuff, est un des prétendants sérieux au titre de cette CAN-2015. Elle se présente comme le favori d'une poule C aux airs de «groupe de la mort» avec le Ghana, le Sénégal et l'Afrique du Sud. Si le foot algérien n'en a pas fini avec certains démons comme la violence, l'argent noir et sale et ses tares structurelles, il décolle paradoxalement sur le front international, en témoigne la Ligue des champions africaine 2014 remportée par l'Entente de Sétif. Et l'Algérie est l'équipe africaine qui a fait la plus forte impression au Mondial brésilien en secouant jusqu'en prolongation l'Allemagne sur son parcours de championne du monde, en 8e de finale (1-2 a.p.). Et si elle a changé de sélectionneur, elle n'a pas pour autant décliné ou même molli : elle s'est qualifiée brillamment pour la CAN au gré de cinq victoires, et ne s'est inclinée que lors d'un dernier match sans enjeu, presque amical. Les Fennecs, dont le statut de favori est aussi exprimé par leur 18e rang au classement symbolique de la Fifa et d'équipe africaine la mieux classée, ont aujourd'hui un problème de riches : ils disposent désormais de deux leaders techniques avec Sofiane Feghouli (Valence) et Yacine Brahimi, qui explose de mille feux d'artifice cette saison à Porto. Les Verts semblent désormais plus mûrs qu'à la dernière CAN, lorsqu'ils s'étaient fait éliminer dès le premier tour malgré le beau jeu, et paraissent armés pour remporter la compétition pour la deuxième fois, vingt-cinq ans après à domicile. Naturellement, si l'espoir est permis, il faut savoir aussi raison garder. On n'est pas encore sur le toit de l'Afrique ! Surtout, ne pas jouer cette Coupe d'Afrique sur le papier et dans les têtes. Nos Fennecs ne vont pas tout renverser sur leur chemin comme dans un jeu de quilles ! Oui, doucement, car dure, dure sera cette CAN où cinq nations au moins sont des prétendants sérieux au sacre. Ghana, Sénégal, Afrique du Sud, Côte d'Ivoire et Cameroun. Qui pourrait dire alors que le futur champion ne figure pas dans ce quintet d'or ? Et pourquoi pas le Burkina Faso, finaliste de la dernière édition ? Pourquoi pas encore la Zambie, beau champion d'il n'y a pas si longtemps ? Cette CAN est l'une des plus relevées et des plus équilibrées depuis 1957. Dans le Groupe C, celui de l'Algérie, il y a six CAN réunies, dont quatre ghanéennes. Et en cas de passage au second tour, l'Algérie serait opposée à un cador issu d'un groupe D tout aussi «mortel». Qui regroupe au départ, Côte d'Ivoire, Cameroun, Mali et Guinée. Et dans ce quatuor hautement létal, cinq CAN s'additionnent pour épicer le jeu et corser l'enjeu. Au total, sur les seize qualifiés, seize CAN donnent à la 30e CAN des allures de savane à lions ! Alors, favoris les Fennecs et sur la base de quoi ? En considérant le factice et farfelu classement Fifa qui place les Verts avant les Anglais ? Ou en s'appuyant sur la belle prestation au Mondial brésilien ? Dans un cas comme dans l'autre, on est en présence de miroirs déformants. Contexte, conditions, climat et compétition différents. Comment alors comparer l'incomparable et oublier l'hypothèse, basse ou moyenne, qu'importe, d'une élimination dès le premier tour ? C'est déjà arrivé, en 2013, preuve que malgré les pronostics ambitieux et optimistes, la CAN n'est pas un safari de tout repos. Ce sera même plus difficile que ce ne le fut au Brésil ! Alain Giresse, le sélectionneur du Sénégal, un de nos adversaires, a bien raison de dire que «la sélection la plus forte, on la «connaîtra sur le terrain». Regardons d'abord le Ghana, notre redoutable adversaire du premier tour. Il ne présente pas la même progression que l'Algérie, mais une impressionnante constance en CAN : il a figuré dans le dernier carré des quatre dernières Coupes d'Afrique, même s'il n'y a aucun titre à la clef. Après un Mondial décevant, avec une élimination au premier tour malgré un 2-2 méritoire face à l'Allemagne, l'équipe du capitaine Asamoah Gyan, est bien armée pour décrocher un 5e titre continental. Le sélectionneur Avram Grant a conservé des cadres tels Asamoah Gyan, Agyemang Badu, André Ayew, John Boye, Jonathan Mensah, Mubarak Wakaso, a insufflé de la jeunesse dans le groupe. Le technicien israélien, qui a succédé début décembre à James Kwesi Appiah, a aussi écarté le milieu Sulley Muntari et l'attaquant Kevin-Prince Boateng, qui s'étaient fait exclure lors du Mondial pour indiscipline. Et que dire aussi du Sénégal ? Les Lions de la Téranga, eux, se doivent une revanche après leurs deux dernières CAN (2008 et 2012) achevées en fiasco, après une élimination dès le premier tour. Alain Giresse, en poste depuis début 2013, a la lourde tâche de rendre à sa Sélection la place dans le foot africain que leur immense réservoir suppose, alors qu'ils n'ont jamais remporté le trophée continental. Sous sa férule, le Sénégal a renforcé sa défense qui n'a encaissé qu'un seul but dans son parcours de qualifications. Le groupe possède de nombreux joueurs aguerris en France, notamment dans le secteur défensif, les Lamine Sané (Bordeaux), Papy Djilobodji (Nantes), Cheikh Mbengue (Rennes) et autres Idrissa Gueye et Pape Souaré (Lille). Et en attaque, Giresse peut compter sur des flèches comme Moussa Sow (Fenerbahçe) et Papiss Cissé (Newcastle). Quant à l'Afrique du Sud, qualifiée pour une CAN pour la première fois depuis 2008 - elle était qualifiée d'office en 2013 en tant que pays organisateur – elle connaît un regain au moral avec sa belle campagne éliminatoire sans aucune défaite et avec une défense en acier qui n'a encaissé que trois buts en autant de matchs. Le drame qui l'a touchée, le meurtre de son gardien et capitaine Senzo Meyiwa en octobre, a aussi contribué à une forme d'union sacrée autour de la Sélection. Le sélectionneur Ephraim «Shakes» Mashaba s'appuie sur un groupe largement puisé dans le championnat national, mais toutefois sans Thulani Serero (Ajax Amsterdam), pourtant un habitué de la sélection. N. K.