«Les conséquences de l'attentat contre le journal Charlie Hebdo seront très lourdes sur les musulmans vivant en France», a indiqué, hier, le ministre des Affaires religieuses, Mohamed Aïssa, sur les ondes de la Chaîne 3. Ajoutant que «l'acte terroriste contre Charlie Hebdo ne relève ni de l'islam ni de l'algérianité». L'invité de la rédaction a aussi estimé que «le contexte que nous vivons actuellement ne ressemble pas à celui de l'après 11 septembre 2001, mais l'ambiance est tendue. Le radicalisme et le fondamentalisme sont en train de montrer aux Européens une fausse image de l'islam. Un islam de violence et de sang, un islam de tueries et d'assassinats. Ce n'est pas ça l'islam, l'islam c'est la modération et la convivialité». Selon M. Aïssa, il n'y a pas uniquement le facteur religieux dans cette attaque, les maux sociaux et la stigmatisation sont aussi à l'origine de l'extrémisme. «Ce ne sont pas les musulmans, ni le Coran qui sont responsables de cet attentat, il s'agit, poursuit-il, d'une dérive qui relève d'un problème franco-français.» Il est question aussi, pour lui, de «conditions sociales particulières, de la stigmatisation et l'islamophobie persistantes distillées lors de pseudos débats intellectuels. Je ne suis pas en train de justifier l'attentat mais il existe une stigmatisation majeure en France». Il est essentiel d'«immuniser» la communauté algérienne établie en Europe et d'arrêter d'éclabousser l'islam, «une religion de modération, d'acception et de convivialité», a-t-il poursuivi. Le ministre a qualifié la publication de nouvelles caricatures sur Mohamed par le journal Charlie Hebdo de «provocation» et qu'«elle n'est pas la première et ne sera pas la dernière». S'exprimant sur la marche organisée vendredi dernier à Alger en réaction aux dernières caricatures publiées, le ministre a affirmé que «les imams ont appelé les fidèles à ne pas sortir dans les rues, et de promouvoir la vie du prophète. Au lieu de crier et d'incendier, il est préférable de revenir à la tradition et à l'islam du juste milieu». M. Aïssa a jugé dangereux le fait que certaines parties voulaient récupérer ces mouvements de manifestation à des fins politiques, des tentations de récupération qui ont donné lieu à des dérives et dépassements qui ne relèvent pas de l'islam. Ces parties ont appelé les Algériens à s'organiser autour d'elles. Il ajoutera que «les citoyens ont rejeté cette extrapolation et cette récupération. Nous aurions préféré que la réaction ne soit pas par des marches dans les rues. Le peuple algérien est actuellement immunisé, nous avons vécu cette expérience dans les années 90 qui a donné naissance à l'extrémisme et à des victimes. Nous avons comptabilisé 200 000 décès et plusieurs milliards de dollars de perte en biens et infrastructures. Aucune personne ou partie n'a le droit d'instrumentaliser la religion et la passion du peuple envers sa religion ou son prophète à des fins politiques». Le ministre a, par ailleurs, rappelé l'appel lancé par le pape à ne pas tourner en dérision la religion. M. Aïssa estime que la liberté d'expression a des limites «surtout lorsque celle-ci attente aux sentiments des personnes et ce qu'ils considèrent comme sacré». Pour faire face au radicalisme, le ministre prône la formation des imams, pour une «déradicalisation» des mosquées et de la société. Il est question aussi, selon M. Aïssa, de la création d'une académie de la fatwa, ainsi que du poste de Mufti de la République. A. K.