La moudjahida et ancienne condamnée à mort, Jacqueline Guerroudj, décédée, dimanche dernier à Alger, à l'âge de 95 ans, a été inhumée, hier, au carré des martyrs du cimetière d'El Alia (Alger). Une foule nombreuse a assisté aux côtés de la famille de la défunte, à l'enterrement dans une ambiance chargée d'émotion. Le décès de la moudjahida n'a pas manqué d'ébranler Abdelaziz Bouteflika, plus en tant que moudjahid qu'en tant que chef de l'Etat, qui a adressé un message de condoléances au moudjahid Abdelkader Guerroudj et à sa famille, dans lequel il salue et rend hommage à Jacqueline Guerroudj, «la doyenne des moudjahidate algériennes condamnées à mort, ces combattantes que l'humanité a gratifiées de ses sublimes vertus et plus nobles valeurs et qui ont accompli leur mission de la manière la plus honorable». Revenant sur le parcours de la défunte, le Président a rappelé que «cette jeune française venue en Algérie en 1948 a aussitôt constaté les souffrances, l'injustice, la tyrannie, l'ignorance, la pauvreté, et moult privations qui faisaient le quotidien des populations de ce pays. Elle n'avait pu admettre que de tels méfaits puissent émaner de ses propres concitoyens [...]. Face à cette réalité inadmissible, elle prit l'engagement de se mettre du côté de la justice et de l'équité, se démarquant de tout esprit d'appartenance ethnique ou géographique, clamant sa loyauté pour la seule légalité humaine et ses exigences de liberté, d'indépendance et de dignité de l'homme». «Elle rejoignit l'Armée et le Front de libération nationale défiant les supplices de la torture [...]. Elle accomplissait les missions aussi sensibles que périlleuses qui lui étaient confiées en tant que Fidaïa en apportant le soutien matériel aux moudjahidine et en offrant le refuge à ceux qui étaient recherchés jusqu'à son interpellation lors de la Grande bataille d'Alger», se souvient le moudjahid Bouteflika. «Jacqueline a choisi au lendemain de l'indépendance de vivre en Algérie, la patrie qu'elle a contribué à libérer pour participer à sa construction et son édification par ses idées et sa plume. Ni les séquelles de la torture et de la détention ni l'effet de l'âge et de la maladie n'ont entamé sa détermination à donner le meilleur d'elle-même jusqu'à son dernier souffle», affirme le Président. «Elle nous quitte ainsi avec le respect et l'admiration de tous les Algériens et avec la pleine satisfaction de l'œuvre qu'elle a vouée a l'humanité». «Tout en vous présentant mes condoléances les plus attristées et en vous assurant de ma profonde compassion, je prie Dieu Le Tout-Puissant d'accorder à la défunte Sa sainte miséricorde et de l'accueillir en Son vaste Paradis et de vous prêter réconfort en cette douloureuse épreuve», conclut M. Bouteflika. Née à Rouen (France) en 1919, Jaqueline Guerroudj (née Netter), est arrivée en Algérie en 1948. Elle enseigna le français dans une école à Chetouane, près de Tlemcen, entre 1948 et 1955. Epouse du moudjahid et ancien condamné à mort Abdelkader Guerroudj dit Djilali, la défunte a intégré les CDL (Combattants de la libération) du Parti communiste algérien (PCA) vers le milieu des années 1950 avant d'être désignée agent de liaison dans les commandos de l'Armée de libération nationale (ALN). Arrêtée en 1957 et condamnée à mort, elle fut graciée suite à une campagne internationale en faveur de la libération du couple Guerroudj. Sa fille Danielle Minne, qui fut aussi moudjahida dans la wilaya III, a été condamnée à 7 ans de prison. Jacqueline Guerroudj est l'auteure de Des douars et des prisons (Bouchène, 1993), un témoignage sur sa vie d'enseignante et de détenue politique à la prison de Serkadji d'Alger. R. C.