Photo : Sahel Par Amel Bouakba Une fumée épaisse se dégage du CHU Mustapha, couvrant le ciel et emplissant l'atmosphère d'une pollution importante. Cette fumée est quotidiennement émise par les incinérateurs qui brûlent les déchets hospitaliers, des pansements ensanglantés aux seringues infectées. Une source de pollution au quotidien qui menace sérieusement la santé de la population riveraine. Les spécialistes de l'environnement et de la santé tirent la sonnette d'alarme. Les incinérateurs dont disposent nos hôpitaux ne répondent pas aux normes de sécurité internationales. Le CHU Mustapha, l'un des plus importants hôpitaux du pays, compte deux incinérateurs, dont l'un n'est même pas fonctionnel alors que l'autre n'est pas conforme aux normes. La situation n'est guère meilleure dans les autres hôpitaux du pays. C'est du moins ce qui ressort d'une virée dans certaines structures hospitalières. Dans ces lieux sanitaires, le risque infectieux est grand. A l'ère où la problématique environnementale est au cœur de tous les débats et de toutes les stratégies, la prise en charge des déchets hospitaliers s'impose plus que jamais. Le procédé utilisé dans les hôpitaux algériens pour éliminer les déchets hospitaliers est depuis longtemps décrié. Les hôpitaux disposent de brûleurs plutôt que d'incinérateurs conformes et sécurisés. En Algérie, les statistiques sur les déchets hospitaliers inquiètent, d'autant plus que leur traitement ne s'inscrit pas dans une démarche écologique. Notre pays produit chaque année 124 611 tonnes de déchets hospitaliers dont 25% sont constitués de déchets d'activités de soins à risques infectieux (DASRI). Ces déchets vecteurs de nombreuses maladies et d'infections nosocomiales constituent un risque certain pour le personnel médical et paramédical dans notre pays surtout si l'on sait que ces tonnes de déchets sont jetées anarchiquement par les hôpitaux, ou brûlées, ce qui représente une importante source de pollution atmosphérique. La majorité des incinérateurs des hôpitaux visités sont vétustes. C'est le cas de l'hôpital de rééducation fonctionnelle de Tixeraïne doté d'un ancien incinérateur acquis en 1984. Il a connu, depuis, plusieurs pannes. Toutefois, le problème des déchets hospitaliers ne se pose pas à Tixeraïne avec la même gravité que dans les autres structures, du fait qu'il s'agit d'une structure de rééducation (il n'y a pas de service de chirurgie). C'est pourquoi les quantités de déchets hospitaliers ne sont pas importantes et leur gestion est maîtrisée, affirme le directeur général de cet établissement sanitaire, Yazid Menzou. «Les déchets hospitaliers générés notamment, seringues, pansements, sondes sont brûlés par cet incinérateur», dit-il. La collecte et le tri sélectif des déchets se fait à travers les services de l'hôpital. «Le personnel procède au ramassage des déchets et à leur tri dans des sachets de couleur différente… Les camions de l'APC récupèrent ensuite les déchets ménagers pour les acheminer au centre d'enfouissement de Ouled Fayet. Quant aux déchets générés par les soins, ils sont évacués pour être incinérés.» Parfois, le personnel se trompe de sachets, les mélange, reconnaît notre interlocuteur. S'agissant de la fumée dégagée par l'incinérateur, le directeur de Tixeraïne dira que l'hôpital est situé dans une zone rurale, il n'y a pas d'habitations limitrophes et que, de ce fait, la fumée ne cause pas de désagrément. «L'idéal serait effectivement qu'il n'y ait pas de fumée, expliquera-t-il encore avant de souhaiter que le projet de création d'un incinérateur central tel qu'évoqué par le ministère de l'Aménagement du territoire, de l'Environnement et du Tourisme prenne forme.» Fumée toxique… Le traitement des déchets hospitaliers semble attirer de nombreux investisseurs. Un certain nombre de sociétés proposent aux hôpitaux de nouvelles techniques en la matière mais les coûts restent élevés. Les hôpitaux étudient les offres qu'on leur soumet et doivent opter pour une nouvelle démarche de gestion de leurs déchets hautement polluants. Selon M. Yazd Menu, l'acquisition d'un nouvel incinérateur est au programme. «Du moment que nous n'avons pas d'importants déchets hospitaliers, nous allons opter pour un petit incinérateur conforme aux normes de sécurité», ajoutera-t-il. A l'hôpital Parent, l'acquisition d'un nouvel équipement, un broyeur désinfecteur de déchets hospitaliers, ne devrait tarder. Il s'agit d'un nouveau procédé d'élimination des déchets dans des conditions efficaces et sécurisées. Le coût de ce broyeur désinfecteur qui devrait être acquis auprès des Belges tourne autour de six milliards de centimes, indique-t-on. L'hôpital Parent est en train de connaître des rénovations à tous les niveaux, constate-t-on sur place. 80% des services ont été réhabilités. «Le personnel est formé pour une bonne prise en charge des déchets. «Le travail de tri se fait au niveau de nos services», explique le secrétaire général auprès de la direction générale. «Les différents services sont bien entretenus. La distinction des déchets ménagers et des déchets contaminés se fait au préalable au niveau local. Ainsi, les déchets ménagers sont déposés dans des sacs de couleur verte, les déchets contaminés dans des sacs de couleur jaune et tout ce qui est objet tranchant ou piquant dans de petits containers». Les sacs jaunes et les containers sont ensuite acheminés vers l'incinérateur, qui, rappelle-t-on au passage, date des débuts des années 1980. La gestion et l'acheminement des déchets hospitaliers se fait selon ce tracé et cette démarche. Les déchets sont ensuite incinérés de façon quotidienne vers les coups de 4 heures du matin. Le personnel de l'hôpital Parent a été parfaitement sensibilisé pour mener à bien ces opérations, explique le docteur Ben Safi, directeur des activités médicales et paramédicales. L'unité d'hygiène hospitalière du docteur Lamdjadani supervise ces opérations et veille au respect des normes de sécurité et de salubrité. Les enquêtes menées dans ce sens par cette équipe montre une baisse du taux des infections nosocomiales. Ainsi, en 1998, ce taux était à 7,4%, pour passer à 7,2% en 2005 avant de baisser à 4,5% l'année en cours. Ce qui n'est pas le cas des autres hôpitaux du pays. Le ministère de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement a fait un état des lieux sévère quant au traitement des déchets hospitaliers dans les hôpitaux algériens. Selon une experte dans le domaine, nos hôpitaux ne disposent pas d'incinérateurs répondant aux normes internationales, ce qui constitue une grave atteinte à l'environnement. Des inspections et des contrôles sont effectués au niveau de ces structures et des propositions sont faites pour la gestion des déchets hospitaliers. Le ministère a fait part d'un projet portant sur la mise en place d'un incinérateur central, mais il en reste encore au stade des réflexions. Certains hôpitaux comptent s'équiper de nouveaux incinérateurs performants et sécurisés. C'est le cas de l'hôpital de Kouba qui prévoit dans le cadre d'une coopération algéro-belge de se doter de cet équipement. L'incinération, une technique controversée ? Il faut savoir toutefois que les procédés d'incinération sont des techniques très controversées. Brûler de déchets ménagers et hospitaliers génère une grande quantité de produits chimiques dangereux pour la santé. Ces substances chimiques présentes dans les effluents gazeux se retrouvent également dans les cendres et autres résidus solides. On y trouve des dioxines, des biphényles polychlorés (PCB), des naphtalènes polychlorés, des dérivés chlorés du benzène, des hydrocarbures aromatiques polycycliques, de nombreux composés organiques volatils, et des métaux lourds comme le plomb, le cadmium et le mercure. Beaucoup de ces substances chimiques sont connues pour être persistantes (très résistantes à la dégradation dans l'environnement), bio-accumulables (elles s'accumulent dans les tissus des organismes vivants) et toxiques. Certaines des substances chimiques émises, les dioxines notamment, sont cancérigènes. D'autres comme le dioxyde de soufre et le dioxyde d'azote ont divers effets nocifs pour la respiration.