En Libye il y a deux gouvernements, deux Parlements et deux armées. Une situation déjà surréaliste sur fond de chaos généralisé. Mais un nouvel acteur est venu compliquer davantage une situation déjà assez complexe, le groupe Etat islamique, appelé Daech selon son acronyme en langue arabe. La présence ultra-médiatisée de ce groupe à Barqa et Syrte ne fait que compliquer les tentatives de trouver une solution politique. Ainsi pendant que la coalition menée par les Etats-Unis semble focaliser son intérêt sur les activités de ce groupe en Irak et en Syrie, exécutant des raids sur ses positions et aussi en armant et formant des troupes de l'armée irakienne et des peshmergas, le groupe s'illustre en Libye de façon la plus sanglante. Depuis, cette organisation ne cesse de faire parler d'elle en Libye usant des nouveaux moyens de communication à l'effet redoutable. Les images des éléments de Daech paradant en pleine journée ont fait le tour du monde faisant entrer la Libye dans une phase cruciale de son histoire. Les pays de la rive nord de la Méditerranée expriment de l'inquiétude depuis que le groupe Daech fait l'actualité en Libye. Une situation incongrue lorsque l'on sait que c'est justement la France et l'Italie qui étaient les plus fervents défenseurs de l'option de l'intervention militaire de l'Otan en 2011. Une intervention dont nous constatons aujourd'hui les résultats désastreux pour ce pays d'Afrique du Nord et pour toute la région mise irrémédiablement sous pression. Les pays européens se retrouvent aujourd'hui confrontés à un double péril : la multiplication des vagues d'immigrations en provenance du territoire libyen avec le risque que parmi ceux-ci se dissimuleraient des djihadistes. Avec plus de deux mille kilomètres de côtes, la Libye fait frontalement face aux pays du sud européen et devient, depuis que ce pays est déstabilisé et livré au chaos, une véritable menace. Et la difficulté d'arriver à une solution politique à la crise sévissant actuellement ne fait qu'exacerber le sentiment d'angoisse. Des spécialistes de la question libyenne estiment que les gouvernements occidentaux se rendent compte aujourd'hui de la gravité de la situation en Libye. Une situation qui peut se développer en véritable menace pour la toute région. Ces même pays européens qui n'avaient pas hésité à intervenir contre le régime Kadhafi au début de la crise sont aujourd'hui réfractaires à l'intervention dans ce pays et aussi refusent la levée de l'embargo sur les armes. Nouvelle menace En fait ce sont les pays voisins de la Libye qui se retrouvent aujourd'hui directement confrontés au chaos provoqué, l'histoire le retiendra, par l'intervention de l'Otan. L'Egypte de Sissi déjà aux prises avec ses propres extrémistes dans la péninsule du Sinaï, est déjà montée au créneau en bombardant des positions de Daech après l'exécution de ses citoyens coptes le 15 février. Et le péril est appelé à augmenter. Selon des experts, les djihadistes libyens auraient développé des liens avec les groupes radicaux du Nord-Mali et aussi avec Boko Haram au Nigeria. Une association des efforts devient impérative pour juguler la montée des risques. Les Occidentaux écartent pour l'heure l'option militaire, prônant au préalable une solution politique sous l'égide de l'ONU. C'est justement ce que préconise l'Algérie qui par la proximité pourrait faire le meilleur diagnostic sur une situation d'une grande complexité. L'inquiétude que le chaos libyen ne déborde au delà des frontières est aujourd'hui particulièrement partagée par les voisins. L'Egypte a même franchi le pas en usant de l'action armée unilatérale. Une escalade dans le maelstrom qui met toute la région sous tension. La nouvelle controverse entre l'Egypte et le Qatar illustre le désaccord, d'abord dans le monde arabe, sur la question libyenne. La situation désastreuse en Libye est aussi le résultat de la dislocation du minimum de consentement possible jusque-là dans le monde arabe et l'éclatement des structures panarabes. Il est utile de relever que des Etats comme le Qatar et les Emirats arabes unis sont intervenus directement dans la crise au moment de son éclatement tant sur le plan politique, financier que militaire. Des médias en vue depuis les pays du Golfe auront également joué un rôle non négligeable dans le bouleversement actuel dans un pays comme la Libye. Aussi ce dernier n'est pas sans rappeler l'Irak déstabilisé pour de bon par les intervenants occidentaux qui avaient promis aux Irakiens la démocratie et la prospérité après Saddam. Une lugubre entreprise qui s'est aussi faite avec «l'assistance» de certains pays arabes. M. B