Le procès très attendu de l'affaire «Sonatrach 1» s'ouvre aujourd'hui devant le tribunal criminel près la Cour d'Alger. Très médiatisée en raison des personnalités impliquées, cette affaire va envoyer devant la barre 19 ex-responsables de la compagnie pétrolière dont Mohamed Meziane, ancien P-dg de Sonatrach, ses deux enfants, Rédha et Fawzi, ainsi qu'une dizaine de ses cadres dirigeants, une directrice du bureau d'études privé CAD, l'ancien P-dg du CPA, Meghaoui El Hachemi et son fils, et des patrons d'entreprises privées. Saipem Algérie et le Groupe Contel Funkwerk seront également au box des accusés en tant que personnes morales. Les prévenus, dont 7 sont en détention et 12 autres en liberté, doivent répondre des chefs d'accusation d'association de malfaiteurs, passation de marchés illégaux, trafic d'influence, abus d'autorité, corruption, etc. Ils sont également poursuivis pour «blanchiment d'argent, dilapidation de deniers publics et surfacturation». Rappelons que cette affaire a éclaté au grand jour après l'enquête menée en 2009 par les officiers de la Police judiciaire du Département de renseignement et de sécurité (DRS). Ces derniers ont ouvert une enquête sur trois marchés conclus de gré à gré avec le bureau d'études privé CAD, l'entreprise Saipem Algérie et Contel Funkwerk, une société allemande. Les contrats portaient sur le réaménagement du siège Sonatrach de Ghermoul, la réalisation du lot 3 du gazoduc GK3, et l'achat d'équipements de télésurveillance et de protection électronique. Selon la chambre d'accusation, ces marchés de gré à gré ont été conclus au profit des sociétés bénéficiaires sans passer par le Bulletin officiel des marchés relatif aux appels d'offres du ministère de l'Energie et de Mines. Les investigations sur l'affaire ont conclu à des appels d'offres frauduleux. Il a ainsi été établi, selon l'accusation, que la rénovation du siège de Ghermoul a été confiée à une entreprise étrangère pour un montant de 64 675 000 euros, un montant équivalent au coût de construction d'un nouveau siège. La surfacturation a également été mise en avant en ce qui concerne le contrat d'achat d'équipements de télésurveillance et de protection électronique auprès de Contel Funkwerk qui était d'une valeur de 11 milliards de dinars (1 100 milliards de centimes). L'enquête a permis de remonter jusqu'à l'année 2000 et d'établir les liens d'amitiés entre les accusés qui ont permis de faciliter l'obtention de plusieurs contrats avec Sonatrach. Les investigations ont également permis la découverte de sommes importantes versées aux accusés en contrepartie des marchés obtenus dont le montant dépasse largement les 1 000 milliards de centimes. Au total, l'entreprise allemande Funkwerk aurait versé une commission de 4,5 millions d'euros sous forme de crédits (jamais remboursés) et de contrats de consulting avec des rémunérations allant de 10 000 à 30 000 euros. Des biens achetés à l'étranger aux noms des membres de la famille des accusés confirment, selon l'accusation, la connivence des hauts cadres de Sonatrach dans l'octroi des marchés de gré à gré à Contel Funkwerk, alors que ses offres étaient les plus élevées et que les deux enfants de Mohamed Meziane y étaient actionnaires. L'enquête judiciaire a également mis en avant le contrat signé pour la réalisation du lot 3 du gazoduc GK3, d'une valeur de 580 millions de dollars, et qui a été donné à Saipem pour un prix plus élevé de 49% par rapport au marché et le fait que le fils de l'ex-P-dg Mohamed Meziane travaillait comme conseiller auprès du patron de Saipem Algérie. Pour l'enquêteur, il y a eu violation de la procédure dans le but de faire bénéficier Saipem de ce marché au détriment d'autres sociétés qui étaient moins disantes. Très attendu, le procès d'aujourd'hui, s'il n'est pas renvoyé, risque d'être riche en révélations sur cette affaire qui défraye la chronique car elle représente un tout petit bout de ce qui peut être appelé «l'iceberg Sonatrach» dont les 90% du volume immergé cachent bien des secrets. En effet, le dossier Sonatrach 2, toujours en instruction et qui implique l'ex-ministre de l'Energie, Chakib Khelil, et sa famille, est un scandale qui s'étend dans plusieurs pays dont l'Italie, où le géant pétrolier ENI est mis en cause. Très médiatisées, les affaires de corruption liées à Sonatrach font couler beaucoup d'encre. En effet, au moment où les mis en cause affirment être «victimes d'un règlement de compte à très haut niveau», des politiques accusent ouvertement les dirigeants du pays d'avoir protégé ceux qui «faisaient la loi à Sonatrach (...) et qui pendant de longues années ont pillé ce pays». Ce procès sera un nouveau test pour la justice et pas des moindres. H. Y.