Le management des espaces et des grands événements culturels est une science à part entière, qui ne laisse aucune place à l'improvisation et au doute. La gestion du culturel est une spécialité qui figure dans les cursus des universités occidentales depuis des décennies. Les Américains ont été les pionniers dans cette discipline qui recouvre l'ensemble des savoirs et des pratiques de gestion dans le domaine des arts et de la culture. Les Français ont introduit, à leur tour, cette filière dans leur système de formation supérieure à partir du début des années 1980. La conduite et la direction de la sphère culturelle s'articule sur un corpus de théories, de connaissances et de méthodes empruntées à l'économie, aux sciences humaines et sociales, au marketing, à la finance, à la science administrative. Cependant, la compétence d'un manager culturel ne se mesure pas uniquement à sa maîtrise dans tous ces domaines réunis. Il doit aussi adapter tous ces savoirs fondamentaux aux spécificités de son champ d'activité et aux caractéristiques des productions culturelles qui ne sont ni des marchandises ni des services comme les autres. C'est dire toute la complexité de la mission qui échoit à un directeur de la culture, un commissaire de festival, un directeur d'établissement culturel ou à un promoteur de spectacles. En plus d'une formation académique pluridisciplinaire, le prétendant à ce type de profession doit également savoir s'imprégner des réalités propres de son milieu d'activité. Se mettre en rapport avec les artistes et les créateurs, bien s'entourer de connaisseurs et de professionnels, être à l'écoute des besoins et des tendances du public, sont, entre autres, autant de qualités requises pour jouer pleinement son rôle. Il doit, en outre, nouer des relations de confiance partagée et de partenariat avec les donateurs, les sponsors, les mécènes, les milieux d'affaires et les entreprises économiques qui sont autant de sources de financement pour ses projets. En Occident, la part des subventions publiques dans le montage financier des projets culturels ne représente qu'une infime proportion. C'est pourquoi le manager est souvent appelé à trouver, lui-même, l'argent nécessaire à la concrétisation de ses programmes. Nos responsables culturels, institutionnels ou privés, ont-ils toutes ces qualités ? Assument-ils correctement leurs missions ? S'entourent-ils de compétences ou préfèrent-ils se faire «protéger» par des connaissances ? Une réponse explicite à toutes ces questions résoudrait, du moins en partie, les problèmes du secteur de la culture en Algérie. À la lumière des idées exposées précédemment, on s'interroge si les dirigeants de la sphère culturelle algérienne ne seraient pas la première cause de la médiocrité ? Dans sa structuration et son organigramme administratif, la politique culturelle de notre pays se rapproche davantage du modèle européen de par la prééminence de la gestion publique ou de sa logique. Cette prépondérance de l'Etat se traduit par le monopole public sur les institutions culturelles nationales, régionales et locales, contrairement au schéma anglo-saxon, où les institutions et les organisations privées, complètement autonomes, prédominent dans le paysage culturel. Mais ce qui nous distingue franchement de l'Europe, c'est le mode de gestion de ces institutions. Si le dirigeant algérien agit en bureaucrate et ne compte que sur le budget de l'Etat pour monter des projets, créer de l'activité ou faire tout simplement de l'animation, son homologue européen, en manager avisé, se démène pour chercher d'autres sources de financement et élargir conséquemment son champ d'activité. Là est toute la différence : le management. Il est grand temps de changer tout cela. La manne pétrolière, qui se raréfie, est une occasion et un prétexte tout indiqués pour inciter nos responsables culturels à s'améliorer et à persévérer dans la bonne voie. Les budgets de l'Etat, à eux seuls, ne suffiront jamais pour porter la culture algérienne, riche palette de couleurs et sensations, à la place qui lui sied dans le concert des nations. Certains cinéastes ont déjà compris cela. D'autres professionnels s'apprêtent aussi à sortir de cet assistanat abrutissant. K. A.