Depuis quelques années le cinéma algérien tente de renaître des cendres destructrices des années quatre-vingt-dix, avec de nouvelles productions et un retour aux thématiques qui avaient marqué les glorieuses années soixante-dix et quatre-vingt. Les racines du cinéma algérien sont ancrées dans le maquis de la guerre de Libération nationale et de la volonté farouche de porter haut et fort le combat d'un peuple pour sa liberté. Dès les premières années de l'indépendance, il s'agissait d'affirmer l'identité algérienne, de consolider l'image de l'Etat Nation et de transmettre les valeurs de la Révolution algérienne aux nouvelles générations à travers l'hommage en images aux héros de la guerre de Libération nationale. L'état algérien s'investit alors dans la création de structures afin de soutenir l'émergence d'un 7e art algérien avec notamment la création de la première société de production cinématographique : le Centre national du cinéma algérien (CNC), devenu ensuite le Centre algérien pour l'art et l'industrie cinématographique (Caaic). De même, en 1965, l'Algérie créera la première Cinémathèque en Afrique et dans les pays arabes. Une institution qui, à travers ses réseaux, jouera un rôle crucial dans l'émergence d'une véritable dynamique cinématographique en Algérie notamment. Galvanisé par la volonté de traduire sur grand écran les sacrifices et les luttes du peuple algérien face au rouleau compresseur du colonialisme français, le cinéma algérien produira de véritables pépites du 7e art, des chefs d'œuvres qui sont devenus cultes. Citons l'incontournable La Bataille d'Alger, sorti en 1966, réalisé par Gillo Pontecorvo. Le film a reçu le Lion d'or à la Mostra de Venise en 1966, le prix de la Critique à Cannes et trois nominations aux Oscars à Hollywood. Le Vent des Aurès de Mohammed Lakhdar Hamina remportera le prix de la Première œuvre au Festival de Cannes en 1967. Avec Chronique des années de braise, Mohamed Lakhdar Hamina raflera la palme d'Or du Festival de Cannes en 1975. Il y a eu également d'autres œuvres qui sont devenues des classiques à l'instar de Patrouille à l'Est de Amar Laskri et Zone interdite de Ahmed Lallem. Après l'euphorie des premières années, le cinéma algérien se tourne alors vers des sujets plus sociaux où les comédies restent les meilleurs outils pour décrire une société en mutation. Les cinéastes osent apporter un nouveau regard et interroger le monde qui les entoure avec un regard plus acerbe. Après l'affirmation de soi et la reprise de la confiance, des problématiques plus complexes sont posées sur grand écran où le manichéisme à céder la place à une lucidité mordante par une nouvelle génération de réalisateurs. Omar Gatlatou de Merzak Allouache, demeure une référence, citons également Hassen Terro de Mohamed lakhdar Hamina, Les Vacances de l'Inspecteur Tahar de Moussa Haddad, Le Clandestin de Bakhti Benamer, Kahla Oua Beïda de Abderrahmane Bouguermouh, Tahiya Ya Didou de Mohamed Zinet. Et tant d'autres. Puis les années quatre-vingt-dix, le cinéma algérien se brise les ailes et s'effondre en plein élan. Seule la Télévision algérienne devient un refuge pour les comédiens et les réalisateurs. Cette traversée du désert n'est pas seulement marquée par la situation sécuritaire car les lieux de tournages étaient devenus impossibles, mais également par le démantèlement des différentes infrastructures qui auraient pu contribuer à la création d'une véritable industrie cinématographique en Algérie. Cependant, il y a eu quelques rares expériences, à l'instar de Belkacem Hadjaj, qui en 1995, produit et réalise son premier long métrage cinématographique Machaho. Un hymne a l'identité amazigh avec une femme comme héroïne, tel un pied de nez à l'obscurantisme et à la nouvelle tentative de gommer l'identité algérienne. Les années 2000 marquent les premiers soubresauts du retour du cinéma algérien et c'est tout naturellement que les sombres années qu'a traversées l'Algérie sont une thématique présente. Les plus remarqué sont Rachida de Yamina Bachir-Chouikh El Manara en 2004 réalisée par Belkacem Hadjaj. Cette œuvre, marquée par l'introduction d'images d'archives, reflète, encore une fois, cette volonté d'interroger la complexité de la société algérienne avec ses contradictions et démantèlement des mécanismes de la montée de l'islamisme et du terrorisme en Algérie, de la fracture sociale, mais aussi de l'espoir en une nouvelle génération qui renoue avec son identité séculaire. Le soutien de l'Etat en tant que principal producteur revient en force avec la célébration de Djazaïr 2003, une année de l'Algérie en France. La plupart des nouvelles productions interrogent le passé telle une tentative de comprendre la cassure du présents. Ainsi, des œuvres sont projetées sur grand écran, tels Le Soleil assassiné de Abdelkrim Bahloul autour de la figure du poète Jean Sénac, Les Suspects de Kamel Dehane d'après Les Vigiles de feu Tahar Djaout et Un rêve algérien de Jean-Pierre Lledo, sur la vie de Henri Alleg, l'ancien directeur d'Alger républicain et auteur de La Question et Si Mohand ou M'Hand, l'insoumis Rachid Benallel. Hélas, le constat amer est là, les cinéphiles ont déserté les salles obscures, le réseau de distribution est obsolète et les nouvelles productions ne sont vues que par une poignée de personnes. C'est l'époque également où naissent les premières polémiques sur le financement des films par l'Algérie, mais également par des producteurs étrangers qui permettent avec au final la question de la censure et de la maîtrise de l'image à l'exemple de Viva Laldjérie de Nadir Moknèche. Pour ce dernier on fera les frais avec la mise au placard pure est simple de son long métrage Delice Paloma. Avec la célébration du cinquantième anniversaire de l'Indépendance de l'Algérie, et cette année du soixantième anniversaire du déclenchement de la guerre de Libération nationale, la thématique de la révolution nationale est devenue également un sujet phare pour les nouvelles productions cinématographiques avec une implication forte de l'Etat, notamment à travers le ministère de la Culture et surtout celui des Moudjahidine. Se réapproprier la mémoire et le message qui doit être transmis aux nouvelles générations est devenu un enjeu national, notamment par les polémiques suscitées par les projections de Ce que le jour doit à la nuit d'Alexandre Arcady et L'Oranais de Lyess salem. Mais le ton des nouveaux films soutenus par l'Etat a changé, il s'agit plus de montrer des supers héros auxquels les jeunes ne peuvent s'identifier, mais de donner des visages humains à ceux qui ont la révolution avec leur peur, leurs faiblesses, mais aussi leurs sacrifices et leur abnégation à lutter pour libérer le peuple algérien du joug colonial. Le réalisateur Ahmed Rachedi qui avait marqué plusieurs générations avec le film culte L'opium et le bâton est ainsi de retour avec notamment Ben Boulaïd, Krim Belkacem, Colonel Lotfi, Zabana ! de Saïd Ould Khelifa et en ce moment Bachir Derraïs est en plein tournage d'un film sur Larbi Ben M'hidi. Le terrorisme est également au cœur de la production cinématographique à l'instar du film Le Repentis de Merzak Allouache, ou L'héroïne du réalisateur Cherif Aggoune, Parfum d'Alger est le nouveau film de Rachid Benhadj. L'Etat algérien vient de créer, il y a quelques semaines, le Centre algérien pour le développement du cinéma (Cadc). Initié en 2010 par décret, le Cadc est enfin installé et a pour principale mission de promouvoir le cinéma algérien, et ce, à travers la production et la distribution de longs et courts métrages, ainsi que des documentaires et des films d'animation. Un travail dévolu jusque-là à l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel (Aarc) et en soutien de la mission de la distribution et de la production prise en charge par le Centre national du cinéma (CNC). Aujourd'hui la véritable problématique du cinéma algérien est celle de l'absence d'une véritable industrie cinématographique, il ne s'agit pas seulement de produire des films, mais de créer de véritables mécanismes pour que les films puissent être non seulement produits mais également vus. Il s'agit de palier, au manque de formation dans tous les métiers du cinéma, de revoir le réseau de distribution, de renouer avec le public avec la mise en place d'une véritables politique de marketing des œuvres produites, tout un chantier entrepris depuis des années, mais dont le résultat tarde à voir le jour. S. B.