La rencontre ultra-médiatisée entre le président cubain Raul Castro et le président des Etats-Unis Barack Obama, suivie de la fameuse poignée de mains constitue sans nulle doute un événement historique. Qui aurait pu imaginer il y a seulement quelques années une rencontre de ce type et les déclarations empreintes de bienveillance entre les deux capitales La Havane et Washington. Ainsi Barack Obama semble avoir fait un constat basé sur la réalité du terrain : la politique des Etats-Unis vis-à-vis de Cuba a été un échec. En octobre 2014, lors de l'Assemblée générale annuelle des Nations unies, les Etats membres ont voté à une majorité de 188 voix contre les sanctions imposées à Cuba depuis plus d'un demi-siècle. C'était le même vote depuis 23 ans. L'Amérique latine aura été quasi unanime à condamner la politique hostile des Etats-Unis. Une majorité d'Etats avaient même menacé de boycotter le Sommet des Amériques en cas d'absence de Cuba. L'état de siège permanent que l'Amérique a imposé à Cuba n'a finalement pas atteint son objectif, celui d'imposer un changement de régime à La Havane. Et ce malgré des «opérations» à tous les niveaux. L'hostilité de Washington aura au contraire renforcé le processus révolutionnaire et uni le peuple cubain autour du système politique malgré ses tares. Les cubains auront appris à compter sur eux et pu s'imposer dans plusieurs domaines devenant même une référence comme la santé, l'éducation et le sport et ce malgré des moyens limités et une pression permanente du géant du nord. Obama semble avoir opté pour un dialogue basé sur la réciprocité et non l'ingérence. La politique d'hostilité laisse place à un «soft-power» qui a montré son efficacité dans d'autres régions du monde. Depuis 1960, la politique américaine vis-à-vis de Cuba a été constante, avec un objectif permanent : faire échouer une révolution socialiste jamais tolérée à 180 km des côtes de Floride. Il est évident que les Etats-Unis ont échoué dans leurs tentatives assidues de déstabilisation, mises en œuvre sous des formes multiples. Ils ne sont pas parvenus à miner de l'intérieur la société cubaine, qui a tenu bon malgré des périodes très difficiles. Ainsi l'isolement économique imposé par Washington et ses relais n'a pas permis d'accentuer l'isolement politique et diplomatique de Cuba. Les changements politiques durables en Amérique du Sud, et l'avènement de forces politiques progressistes au pouvoir ont poussé la puissance américaine à avoir une réflexion nouvelle sur la conduite de sa politique envers les pays de la région. Le contexte international et les ambitions économiques américaines particulièrement décomplexées semblent avoir pesé dans cette évolution. Un monde en changement Après l'avancée remarquée dans les négociations avec l'Iran sur la question du nucléaire et la perspective annoncée de la signature, le 30 juin prochain, d'un accord qui s'annonce historique, est venue cette entente entre l'hyperpuissance et la grande île, restée finalement fidèle à son modèle socialiste jusqu'au bout. Aujourd'hui c'est les Etats-Unis version Obama qui semblent demandeurs d'une nouvelle relation avec les pays d'Amérique latine, dont Cuba demeure un acteur des plus symboliques. Après avoir imposé des sanctions économiques, occupé par la force la base navale de Guantanamo, financé une opposition interne à Cuba dans le but de renverser le pouvoir en place, Washington s'est aligné au principe de réalité. Depuis la victoire de la Révolution cubaine en 1959, La Havane a toujours opté pour des relations basées sur la légalité internationale, tout en affirmant sont indépendance et son droit à choisir son système politique et son modèle de société, sans interférences extérieures. Aujourd'hui la normalisation des relations diplomatiques a pu être amorcée grâce au contexte géopolitique particulièrement différent. La fin de la polarité Est-Ouest, l'émergence en Amérique du Sud de gouvernements populaires portés par des mobilisations sociales, le déclin relatif de l'hégémonie américaine dans la région, autant de paramètres qui ont poussé Washington à revoir sa politique envers Cuba. Aussi la présidence d'Obama touchant à sa fin, l'actuelle administration US bénéficie de ce fait d'une latitude que ne pouvaient pas avoir ses prédécesseurs. Les Etats-Unis semblent aujourd'hui vouloir entamer une esquisse de changements de politiques vis-à vis de certains pays avec qui les relations se sont toujours caractérisées par la crispation voire l'hostilité. M. B.