Hier les auditions des 75 accusés poursuivis dans le procès d'El Khalifa Bank se sont terminées. Le tribunal criminel près la Cour de Blida a auditionné 7 accusés. Certains pour le délit d'abus de confiance, d'autres pour recel de produits du crime, et celui qui a déposé la plainte qui a donné naissance à ce procès. Ce dernier est poursuivi pour non dénonciation de crime en raison du retard enregistré dans le dépôt de la plainte. Mais la journée d'hier a été surtout marquée par l'audition de Benouis Lynda, l'ex- directrice de la monétique. Cette accusée, qui a reçu dans ses comptes la somme de 900 millions de centimes affirmant que c'est un prêt accordé par Abdelmoumène Khalifa, ne trouvera pas vraiment ses mots quand le juge Menouar décide de faire une confrontation avec l'accusé principale. Ce dernier se démarquera des déclarations de son ex-employée et soutiendra que Benouis ne lui a jamais restitué «personnellement» cette somme, comme elle l'a affirmé. Un coup de grâce qui risque de décider le parquet à poursuivre l'accusée pour avoir établi un faux document. Le premier à être auditionné est Jean-Bernard Vialar, ex-commandant de bord à Air Algérie pendant plus de 20 ans et instructeur de pilotes de ligne, est accusé d'abus de confiance parce qu'il a gardé un micro-ordinateur à son niveau après la fin du contrat de travail. Il a commencé par évoquer sa carrière. Il précisera alors qu'en 1999 il a dû arrêter sa carrière de pilote après une visite médicale qui a confirmé un problème au niveau de son oreille interne. Il rejoindra alors Antinéa comme directeur d'exploitation dès le lancement de la compagnie par Idjerouiden, et y occupera le même poste après son acquisition par Abdelmoumène Khalifa. Jean-Bernard Vialar prendra sa retraite le 1er octobre 2003. Le juge Menouar commence par demander à l'accusé si un véhicule était mis à sa disposition. Jean-Bernard Vialar confirme l'information et précise avoir rendu le véhicule à la liquidation. Le juge demande alors : «Pourquoi avez-vous gardé alors le micro-ordinateur portable ?» «Je vais vous expliquer Monsieur le président, à l'arrivée de Medjahed comme directeur général, ce dernier m'a démis de mes fonctions en mars 2003. J'ai rendu les micro-ordinateurs et j'ai laissé le mot de passe. J'ai été rappelé pour reprendre mes fonctions en mai 2003 avec l'arrivée de Zerrouk Djamel comme DG. A mon retour, je me suis rendu compte que les micro-ordinateurs que j'utilisais ont été piratés. Ils contenaient des documents très importants et le logo de la compagnie ainsi que l'ensemble des logiciels que j'avais moi-même conçus pour Antinéa. Comme à cette époque, il y avait une certaine confusion, j'ai choisi de garder le micro-ordinateur pour préserver les données». L'accusé ajoute : «J'ai personnellement appelé le premier liquidateur pour l'informer que je détenais des informations et que j'étais à sa disposition. Ce dernier ne m'a jamais rappelé.» Le juge demande à l'accusé s'il vivait toujours en Algérie. Jean-Bernard Vialar pleure. Ses larmes vont troubler et le tribunal criminel et l'assistance. Cet ex-commandant de bord qui a la nationalité algérienne dit : «Je fais partie de ces familles qui ont milité pour l'Algérie et notre maison familiale a été plastiquée par l'OAS. Je suis un enfant d'Air Algérie. L'Algérie c'est mon pays et je ne trahirai jamais mon pays.» Un grand moment de silence dans la salle. Le procureur général va prendre la parole. Ses questions ne viseront que des éclaircissements sur la gestion d'Antinéa ou encore le stage de pilotage. M. Zargaras demandera d'ailleurs si l'accusé avait remarqué une différence dans la gestion entre l'époque d'Idjerouiden et celle de Khalifa Abdelmoumène. A cette question, l'accusé répondra, qu'une fois acquise, la compagnie est passée par deux étapes, celle où Bourkaïb (accusé dans cette affaire) a assuré la direction et la période qui a suivi. Il reconnaîtra que la compagnie n'était en possession que d'un seul avion et que le reste des appareils était en leasing. Le parquet demande à l'accusé s'il était au courant de la commande de 4 simulateurs de vol. Jean- Bernard dira que la compagnie n'en a reçu qu'un seul. «Pourquoi ?», demande le procureur. «Je ne sais pas», répondra l'accusé. Le procureur, pour une fois, ne jouera pas son rôle «détracteur». Il lancera d'ailleurs une perche à l'accusé qui lui permettra de démontrer sa bonne foi. «Vous êtes accusé d'abus de confiance. Pourquoi avez-vous rendu tout de suite le véhicule alors que vous n'avez pas été payé pendant 6 mois et vous avez gardé le micro-ordinateur ?» «Je ne suis pas matérialiste. J'ai gardé l'ordinateur pour conserver les informations», conclu l'accusé. Des questions seront également adressées à ce dernier par l'avocat de Abdelmoumène Khalifa. Me Lezzar demandera à l'accusé si «les candidats choisis pour le stage de pilotage n'étaient pas qualifiés ?». Ce dernier va commencer par expliquer que le niveau d'études est important, mais pas seulement, un pilote stagiaire doit avoir une aptitude physique et une compétence psychomotrice en plus de la formation continue car «la formation d'un pilote, est complètement normée». Il ajoutera : «Je ne peux pas dire si les stagiaires étaient qualifiés. Ces derniers devaient obtenir une carte de stagiaire délivrée par la direction de l'aviation civile avant d'aller vers une école de pilotage à l'étranger. Mais je ne peux pas répondre pour la simple raison que lorsque nous nous sommes déplacé à Oxford nous n'avons pas pu obtenir les training-record, car la formation n'a pas été payée par Khalifa Airways.» Le juge reprend la parole et demande : «Dites-nous sincèrement si un accusé de 3e année secondaire a l'aptitude de faire un stage de pilotage ?». Jean-Bernard Vialar dit : «C'est une question difficile pour moi. Personnellement, je suis diplômé en physique. Cela veut dire que quelqu'un qui a le niveau de terminale va avoir certaines difficultés à comprendre certaines choses, mais je peux témoigner qu'à Air Algérie par exemple, les anciens pilotes avaient certes le niveau de terminale, mais c'étaient d'excellents pilotes.» Deux autres accusés poursuivis pour recel de produit de crime, ont quitté le box des accusés pour comparaître à la barre. Le premier, Boussahoua Mohamed Rachid, et le mari de la sœur de Chachoua Badreddine. L'accusé, dentiste de son état, a acquis un véhicule avec un bon de commande d'El Khalifa Bank. Le juge demande à Boussahoua de raconter les faits. Ce dernier affirme que son beau-frère lui a proposé d'acheter le véhicule dans le cadre d'un achat groupé afin de gagner une petite réduction. «Qui a payé le véhicule ?» «Moi, j'ai remis la somme complète à mon beau-frère et les papiers du véhicule étaient en mon nom», dit l'accusé. Alors le juge lui précise : «Certes les papiers étaient en votre nom, mais le bon de commande était au nom d'El Khalifa bank.» Le juge demande par la suite à l'accusé, s'il a bénéficié d'autres avantages. Ce dernier dit n'avoir rien reçu. Le procureur général, en prenant la parole, revient sur le billet aller-retour vers Marseille dont a bénéficié l'accusé. Il lui fera également remarquer que sur le bon de commande du véhicule qu'il a acquis, il n'est question de l'achat que d'un seul véhicule et non pas d'un achat groupé. Laagoune El Hadi, également poursuivi pour recel de produits de crime, est l'acquéreur de la villa de Chachoua Abdelhafid. Il s'agit de la villa de Zeralda, sise au village des artistes que Chachoua Abdelhafid s'est empressé de vendre en mars 2003 afin d'éviter sa confiscation par la justice. Selon les réponses de l'accusé Laagoune, ce dernier a rencontré le père de Abdelhafid qu'il a connu dans une fête. «J'ai rencontré Ammi Ahmed, le père de Hafid qui m'a annoncé que la villa de son fils était à vendre. Quelques temps après je l'ai contacté pour aller la visiter. Après négociations, j'ai décidé de l'acheter. J'ai vu Hafid pour la première fois devant le notaire», a raconté Laagoune. Le juge Menouar lui demande le prix de l'achat, et ce dernier dit : «700 millions de centimes». Le juge étonné réplique : «700 millions de centimes pour une villa de 3 étages au quartier des artistes, d'une superficie de 750 m2 et un bâti sur 500m2 !» Il lui demande alors, combien ont coûté les travaux, et l'accusé avance le montant de 450 millions de centimes. «Il s'agissait des finitions, c'est bien ça», précise le juge avant de dire : «Vous n'avez pas trouvé que le prix était trop bas ?» L'accusé répond : «Je suis acheteur ! Ammi Ahmed a demandé 800 millions, j'ai proposé 700 et c'était vendu. J'ai pensé que le vendeur avait besoin rapidement d'argent.» Le juge demande encore : «Le prix réel est de combien ?» «Peut-être dans les 1,2 milliard de centimes.» Le juge réplique : «À l'époque son prix était au minimum 3 milliards de centimes. Et tu as habité cette villa combien de temps?». «Non, c'était juste pour les vacances.» Le procureur de la République a tenu, dès qu'il a pris la parole, à préciser que les travaux dans la villa de Zeralda ont été effectués par un entrepreneur et non pas par un maçon. «La différence est de taille», dit avec un petit sourire M. Zargaras avant de continuer son audition pour démontrer le fondement de l'accusation. Un ex-cadre des PTT, également arbitre international, qui a pris sa retraite en 1999 pour rejoindre El Khalifa Bank comme directeur des transmissions, M. Mahdjouba Rachid, a été auditionné pour le délit d'abus de confiance. Il lui est reproché d'avoir gardé deux micro-ordinateurs, un data-show, un bureau et deux chaises. L'accusé a affirmé que ce matériel était le sien pour la simple raison qu'il lui a été offert après les acquisitions qu'il opérait pour l'entreprise. L'accusé soutiendra également qu'il s'agissait de mesures d'accompagnement. «Ce matériel m'a été donné à titre personnel. À chaque achat, je recevais des cadeaux de la société Sagem.» Le juge demande : «Vous étiez donc convaincu que c'était des cadeaux pour vous ?» «Oui», lâche l'accusé. Ce dernier va cependant et en répondant à plusieurs questions du tribunal et du procureur général, confirmer que la direction des transmissions avait à sa disposition un compte alimenté par El Khalifa Bank pour prendre en charge les factures de téléphone de plusieurs cadres d'El Khalifa Bank. Il a également confirmé que son service a remis 6 téléphones portables «pour la Cnas». L'accusé Haddadi Sid Ahmed, l'ex- directeur des finances et de la comptabilité d'Antinéa, comparaitra à la barre, mais ne pourra cependant pas s'exprimer. L'accusé qui a été victime d'un AVC en 2013 a perdu la faculté de la parole. Le juge Menouar tentera d'auditionner le témoin uniquement et directement sur le chef d'inculpation d'abus de confiance où il est question de la non restitution d'un micro-ordinateur après la fin du contrat de travail. L'accusé a préparé ses réponses par écrit où il a affirmé avoir eu une décharge du directeur des ressources humaines pour garder le micro-ordinateur et le téléphone. Un autre cadre et gestionnaire a été entendu hier. Il s'agit de Bourkaïb Chafik, un consultant installé en Espagne qui a rejoint Khalifa Airways le 1er septembre 1999 en qualité de directeur commercial. L'accusé, poursuivi pour abus de confiance, a assuré que Abdelmoumène Khalifa lui a fait appel en raison de sa réputation internationale. Lors d'un de ses déplacements en Algérie, Bourkaïb s'est présenté chez Abdelmoumène Khalifa qui lui a proposé de travailler chez lui comme directeur commercial à Khalifa Airways. «J'ai demandé du temps pour préparer le déplacement de ma famille d'Espagne en Algérie. C'est ainsi que j'ai commencé à travailler en septembre 1999. Quelques temps après, il m'a appelé pour me dire qu'il venait d'acquérir Antinéa Airlines et qu'il souhaitait que je prenne la direction de la compagnie. Je lui ai précisé alors que si je devais cumuler les deux fonctions, j'exigeais la rémunération pour la seconde fonction. Et j'ai assuré les deux fonctions jusqu'en mars 2003. À cette période on était dans une situation de crise. Chaque jour les équipages recevaient des ordres de ne pas voler faute de paiement», dit l'accusé. Le juge lui demande de continuer et l'accusé dira que «le 4 mars, j'arrive à mon bureau et je trouve un fax non signé et envoyé de la banque. Le fax mettait fin à mes fonctions. J'appelle la banque, on me dit que M. Khalifa n'est pas là. J'essaye de le contacter. J'envoie un écrit faisant état de mon licenciement et demandant confirmation et motivations. Le lendemain, 5 mars, je reçois une lettre de Khalifa Airways signée par Zerrouk Djamel mettant fin à mes fonctions de directeur d'Antinéa. Le 10 mars, je reçois encore une lettre, d'Antinéa cette fois, qui met fin à mes fonctions et signée par M. Karim Bougadoum en sa qualité de directeur général d'Antinéa. En prenant connaissance de la lettre d'installation de M. Bougadoum, dûment signée par Abdelmoumène Khalifa, où il y avait des articles lui donnant le pouvoir de mettre fin à mes fonctions, je me suis exécuté et j'ai convoqué une réunion pour faire la passation de consignes». Bourkaïb expliquera encore qu'il avait ordonné à ses directeurs de travailler jour et nuit afin de remettre les bilans. «Le 16 mars j'ai fait ma passation de consignes en remettant les bilans, la situation des comptes avec les inventaires inclus.» Il précisera qu'il avait demandé à garder le micro-ordinateur afin de conserver les preuves de sa gestion «car en 2003, il n'y avait pas de CD room, ni de flash disque d'une grande capacité encore moins de disques durs externes et il aurait fallu un camion pour prendre les photocopies des documents». Le tribunal demande à l'accusé la période durant laquelle il a conservé l'ordinateur, il répondra «de mars 2003 jusqu'à décembre 2004, mais durant cette période, j'ai été appelé par Zerrouk avec lequel j'ai tenu plusieurs réunions pour l'informer des situations en suspens. Il y a eu ensuite Maamar Djebour à la tête d'Antinéa et enfin le liquidateur, le défunt Laamouri. A chaque fois j'avais l'autorisation de garder ce micro-ordinateur». Le juge Menouar demande à l'accusé de lui expliquer les raisons de son renvoi. «J'ai été frappé par l'urgence de me faire quitter mes fonctions. Je venais de comprendre qu'il y avait deux directeurs généraux comme vous l'avez dit dans cette salle. J'ai demandé les motivations et je n'ai eu aucune réponse. Je suis parti et j'ai gardé mes bilans. Moi je suis un manager, un gestionnaire, un leader, je sais gérer les crises, mais pas les situations ambigües que je ne comprends pas.» Le juge insiste : «Vous avez remis le véhicule. Pourquoi pas le micro-ordinateur?» «Je n'avais pas d'autre moyen de conservation des données», et d'ajouter qu'il n'a «jamais refusé de rendre l'ordinateur. J'avais l'accord de Medjahed, Zerrouk, Djebbour et même de l'ex-liquidateur Lammouri.» Le juge demande alors comment il voyait la nomination d'un journaliste spécialiste dans le domaine du sport (Djebbour) à la tête d'Antinéa. «Pour moi, il n'y avait plus d'activité aérienne. C'était pour gérer les affaires courantes et récupérer les créances sûrement». L'accusé ne quittera pas la barre avant de souligner : «J'étais payé 300 000 DA donc l'ordinateur n'a pas de valeur marchande pour moi.» Benouis Lynda, la fille du l'ex-P-dg d'Air Algérie était directrice de la monétique à El Khalifa Bank. Après des études de médecine vétérinaire et quelques formations en management, l'accusée poursuivie pour abus de pouvoir, a rejoint en mai 2000 El Khalifa Bank au poste de directrice de la monétique. Elle a expliqué que son travail consistait à s'occuper des cartes de crédit. Elle expliquera qu'il y avait deux parties : une pour les cartes de crédit de paiement national et une autre pour les cartes de crédit de paiement international. Le juge demandant des précisions, l'accusée expliquera «que les portes cartes étaient importés du Liban en ce qui concerne les masters card et du Bahreïn pour les Américain express». Le juge demandera ensuite à Benouis de parler des faits qui lui sont reprochés et de l'affaire de l'acquisition d'un logement payé par El Khalifa Bank. L'accusée a expliqué qu'elle habitait avec sa mère dans un appartement au 8e étage, et comme sa mère était très malade et que le médecin lui avait interdit de monter les escaliers elle a été dans l'obligation de chercher un autre logement. «J'ai mis notre logement d'El Biar en vente et j'ai trouvé un autre en vente au Boulevard Mohamed V. Seulement, le vendeur nous a pressés pour payer la somme alors que nous n'avions pas encore réussi à vendre le notre. Je me suis retrouvée dans l'obligation de m'adresser à mon directeur, M. Alloui, demandant un prêt. Ce dernier m'a donné son accord et m'a demandé d'aller voir M. Khalifa. Ce que j'ai fait. Abdelmoumène Khalifa m'a donné alors son accord en raison de l'extrême urgence. 900 millions de centimes m'ont été accordés». «Il y avait un dossier de crédit ?», demande le juge. «Non, Khalifa m'a dit textuellement ‘‘je te prête ce montant et tu le rembourseras après''», dit Benouis. «C'était de son compte personnel ?», demande encore le tribunal. «Il m'a donné son accord. Et c'est l'agence de Chéraga qui a versé cette somme au vendeur de l'appartement du boulevard Mohamed V. Je ne sais pas si c'était son compte personnel.» «D'où est venu l'argent ?», insiste le magistrat. «De son compte personnel, je suppose. Je ne sais pas. Je ne suis pas banquière». «C'est l'argent des déposants, des Opgi et autres entreprises», lâche le juge Menouar avant d'ajouter «Avez-vous remboursé ? » «Oui en trois parties», dit Benouis. «Comment?», demande Antar Menouar. «C'est le mari de la tante de ma mère qui m'a prêté l'argent.» Le juge regarde l'accusée est répète : «Le mari...de la tante... de votre mère. Il est toujours en vie ?». «Non décédé en 2002», dit Benouis. Le juge demande à l'accusée pour quelle raison elle n'a pas demandé directement à ce «mari de la tante de votre mère» le crédit. Benouis soutient qu'elle a agi dans l'urgence. Le tribunal lui demande après d'expliquer la procédure de remboursement. Là, l'accusée dira qu'elle a remboursé en trois parties Abdelmoumène Khalifa en présence d'un cadre de la banque, un certain M. Houssi, qui a été chargé par Khalifa de récupérer l'argent. Le juge lui demande si ces sommes ont été versées à l'agence de Chéraga. «Je ne sais pas. J'ai remis les sommes à M. Houssi en présence de M. Khalifa, comme il me l'a demandé et c'est lui qui était chargé du reste.» Le juge rappellera alors à Benouis ses déclarations lors de l'instruction où elle avait affirmé qu'elle avait remboursé Abdelmoumène Khalifa en mains propres et sans témoin. Il ne manque pas de dire «et aujourd'hui vous parlez d'un témoin !». L'accusée fait alors référence à une lettre de remerciement qu'elle a adressée à Abdelmoumène Khalifa après l'aide qu'il lui a procurée et sur laquelle l'ex-golden boy aurait mentionné que l'accusée l'a remboursé en y apposant son cachet et sa signature. Le juge ne manque pas d'afficher son grand étonnement, «ainsi donc le P-dg d'une banque prend le soin de voir une lettre de remerciement et d'y mentionner en marge qu'il a été remboursé en mettant son cachet !! Il y a quelque chose qui ne va pas là». Acculée par les questions, Lynda Benouis tentera vainement de se défendre. Elle soutiendra que c'est elle en personne qui a évoqué ce prêt avec l'administrateur. Elle persistera à nier certains faits, amenant le juge Menouar a provoqué une confrontation qui lui donnera le coup de grâce. Le juge appelle Abdelmoumène Khalifa et demande à ce dernier : «En toute honnêteté, dites-nous si l'accusée vous a demandé un crédit ?» «Elle a demandé et c'est la direction générale qui s'en est occupé.» «Elle vous a remboursé ?» «Elle a remboursé la banque.» «Personnellement ?» «Non». «Et est-ce vous avez écrit en marge de la lettre de remerciements qu'elle affirme vous avoir adressée?» «Non», dit Abdelmoumène Khalifa. Le juge se retourne vers Benouis et la regarde. Elle dit : «C'est ce que j'ai dit en 2007» «Il n'était pas là», dit Antar Menouar. «Il est accusé autant que moi dans cette affaire et je maintiens mes déclarations», lâche Benouis. Enfin, le dernier à passer à la barre hier c'était Laaouche Boualem, un licencié en droit qui a rejoint Khalifa Bank en 2002, après avoir été contacté par Amalou, un ex-directeur du réseau à El Khalifa Bank. L'homme est accusé de non dénonciation de crime. Laaouche occupait le poste de responsable juridique. «On m'a chargé de faire du recouvrement et de mettre en place la direction juridique. En 6 mois, j'ai réussi à recouvrir plusieurs milliards de centimes. J'ai été nommé alors directeur du contentieux et des affaires juridiques. Il y a eu ensuite les problèmes et l'administrateur, M. Djellab, est arrivé en mars 2003. Il m'a appelé et m'a demandé de travailler avec lui. Disant ‘'je suis venu pour peut-être restructurer la banque, est-ce que tu restes avec moi ?''. Je suis alors resté.» L'accusé racontera toutes les tâches qu'il a dû assumer comme le fait de saisir les avions et «c'était la première fois qu'on le faisait en Algérie. Il fallait faire vite car Airbus voulait aussi saisir les avions en raison des dettes de Khalifa Airways. Nous avons réussi à saisir 8 ou 10 ATR, je ne m'en souviens pas. En parallèle, l'administrateur m'avait chargé d'organiser l'AG des actionnaires et ce n'était pas facile. Je recevais également les clients et j'ai été menacé de mort. La commission bancaire a terminé son inspection et a découvert le trou de 3200 milliards. M. Djellab nous a alors chargé Alloui, Zizi, Amrouche et moi, d'écouter les cadres d'El Khalifa Bank. On a écouté Akli, Chebli...». Le juge Menouar va interrompre l'accusé lui demandant de faire part des déclarations de cadres de la banque. Laaouche trouvera du mal à le dire. Le juge insiste. L'accusé finira par lâcher ; «ils ont reconnu le trou et ont parlé des retraits sans documents, sans papiers... Leurs déclarations sont transcrites» «J'aimerai vous entendre vous. Ou est-ce que vous avez peur?», dit le juge. «Non, je n'ai pas peur mais... Enfin ils ont dit que le P-dg donnait des instructions...». Le juge fera remarquer à l'accusé qu'il n'a cité aucun nom avant de reprendre : «Vous avez déposé cette première plainte pour la caisse principale. Et ensuite ?» «Oui, j'ai déposé la plainte du 25 mars. Après, on attendait toujours que les inspecteurs terminent leur travail au niveau des autres caisses. Le 28 mars, c'était un jeudi, M. Djellab m'a donné une procuration pour déposer plainte pour les caisses. C'était en fin de journée. La procuration était datée du 25 mars. Le 29 au matin, il y eu le retrait de l'agrément de la banque. Après le week-end, je me suis alors présenté devant le liquidateur qui venait de remplacer l'Administrateur. Ce dernier a demandé à ce qu'on remette tous nos dossiers à une personne qu'il a désignée. Ce que j'ai fait en précisant qu'il y avait une procuration pour le dépôt de plainte. M. Badsi, nous a demandé, deux jours après, de prendre nos congés.» Le juge demande alors : «Quand avez-vous déposé la plainte alors ?» «J'ai constaté que la plainte n'a pas été déposée alors je me suis présenté personnellement devant le juge d'instruction de Chéraga et je lui ai fait part des informations en ma possession. Je l'ai aussi informé que la procuration était au niveau de la liquidation. D'ailleurs, j'ai été reçu par le procureur de la République qui m'a remercié. Il s'agit du procureur général qui a représenté le ministère public lors du procès 2007 et il avait renouvelé ses remerciements pour mon courage et mon intégrité publiquement.» Acculé par les questions du procureur général, l'accusé dira en conclusion : «J'ai fait consciencieusement mon devoir. Je suis celui qui a été derrière l'éclatement de cette affaire et ma récompense est similaire à celle de Sinimar.» H. Y.