Le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, M. Ramtane Lamamra, a tenu, jeudi dernier à Bruxelles, à mettre les points sur les i concernant les relations politico-économiques Algérie-UE. D'un ton ferme, le chef de la diplomatie algérienne a remis les pendules à l'heure en ce qui concerne les relations bilatérales, sans pour autant occulter le poids de la coopération économique qui reste primordiale pour les deux parties, mais toujours en-deça des ambitions du pays. Pour lui, l'Algérie exige de ses partenaires dont l'UE, «le respect mutuel et l'équilibre des intérêts». Les propos tenus par le ministre des AE en marge de la 9e session du Conseil d'association Algérie-Union européenne, tranchent avec la langue de bois et les discours de circonstances pour passer à une orientation de politique étrangère claire comme de l'eau de roche. La souveraineté n'est pas du domaine du négociable pour un pays qui l'a chèrement payée, a sous-entendu Lamamra, qui a dénoncé en termes à peine voilés une ingérence dans les affaires intérieures. «Nous n'acceptons pas les tendances intrusives (...) L'association n'élimine pas la souveraineté», a-t-il dit. En réponse à une question sur les observations de l'UE sur les droits de l'Homme en Algérie, Lamamra est on ne peut plus clair : «Nous respectons notre partenaire et nous demandons et même nous exigeons qu'il respecte notre souveraineté.» Le ministre a également critiqué, dans le cadre de la politique européenne de voisinage, «l'exercice stérile de classification des pays en catégories suivant le degré d'acceptation des directives européennes ». Les positions de l'Algérie sur les innombrables et inextricables dossiers d'actualité sont connues par le commun des mortels. La lutte antiterroriste, les incidences du conflit libyen, qui se transforment depuis peu en un bourbier aux répercussions inimaginables, dont une réelle menace terroriste dopée par l'immigration clandestine qui prend l'allure d'un phénomène transfrontalier, sont autant de préoccupations majeures pour l'Algérie, qui a su prédire de telles transformations et bouleversements sécuritaires depuis déjà quelques années. Aujourd'hui, il ne faut pas perdre de vue ces nouvelles donnes survenues sur le plan régional, imposant, notamment à l'UE et plus particulièrement dans le cadre de sa nouvelle consultation sur sa politique de voisinage PEV, de faire de l'Algérie un partenaire incontournable. L'UE, pour rappel, avait décidé de cette nouvelle consultation après celle de 2011, compte tenu «des changements importants qu'ont connus les pays du voisinage depuis cette date». L'avènement d'une instabilité chronique aux frontières du pays a imposé à l'Algérie une nouvelle stratégie sécuritaire déjà en branle, mais nécessitant, à coup sûr, un appui conséquent de la part des pays de l'autre rive de la Méditerranée. Le contexte actuel impose, notamment, de rappeler les efforts de l'Algérie au sein des institutions onusiennes pour la criminalisation du paiement de rançons, devenu une condition sine qua non pour tout plan de lutte antiterroriste dans la région. Mais, il convient de relever cependant que les efforts sécuritaires ne devraient pas dédouaner l'UE de son rôle dans la région, en appuyant notamment l'option d'une solution politique pour le conflit libyen de même que l'initiative lancée par l'Algérie pour la crise malienne. En décodé, l'Algérie, qui est dans son rôle naturel de pays «stabilisateur» dans la région, est à la recherche d'efforts et d'un soutien international pour faire face à une montée des risques terroristes et une accélération des événements dont les conséquences relèvent du domaine de l'inconnu. Ces enjeux confortent les déclarations du ministre des AE, selon lesquelles «les sacrifices consentis dans la lutte antiterroriste pour stabiliser l'Algérie ont un impact direct sur la sécurité européenne». «Notre propre stabilité est déjà une contribution à la stabilité de l'Europe. Cela ne se quantifie pas», a-t-il soutenu. Mais, il a tenu encore une fois à réitérer le refus de l'Algérie d'abriter une base de drones dans le cadre de l'opération navale, lancée par l'UE en mai dernier pour combattre le trafic de migrants dans la Méditerranée. Lamamra a même invité l'UE afin d'expliquer tous les composants de cette action, proche des initiatives lancées dans le cadre de la lutte contre la piraterie dans le Golfe d'Aden. Sur le plan économique, des lignes devraient aussi bouger a sous-entendu le ministre des AE à Bruxelles. Au regard du déséquilibre flagrant qui existe dans la structure des échanges commerciaux, le ministre n'a pas mâché ses mots en demandant une deuxième évaluation de l'accord d'association en vigueur depuis 2005. «Dans ce partenariat, l'Algérie a donné plus qu'elle n'a reçu», a-t-il assuré. Cette revendication portée déjà par une pléiade d'acteurs économiques nationaux, voire une partie de la classe politique, une nécessité pressante, et le préjudice causé à l'économie algérienne est inqualifiable. Outre la déstructuration et les dommages causés à une partie de l'industrie nationale, Lamamra a énuméré d'autres griefs retenus contre l'accord et les points de discorde à aplanir. Il s'agit notamment des barrières tarifaires et non tarifaires imposées aux produits algériens, la baisse des investissements européens en Algérie, et la réduction des parts de Sonatrach dans le marché gazier européen. En un mot, le ministre juge que ce partenariat qui a profité à l'Union pendant dix ans doit désormais dépasser le caractère strictement commercial pour en devenir un acte de développement. S. B./APS