C'est sans nul doute ce qui fait le côté atypique d'une compétition de la dimension de la Copa America. Ce n'est certes pas un profil bon chic bon genre que les footballeurs viennent exposer au cours de l'évènement mais surtout apporter la preuve que chacun est le meilleur à son poste et ce d'autant plus qu'en se faisant remarquer, et peu importe la manière, les circonstances aide toujours à mieux étoffer son CV sinon à rajouter des points à sa propre valeur financière au cas où des agents et autres recruteurs étrangers se trouveraient dans le coin. Et, ils s'en trouvent parfois autant que les journalistes si encore ces derniers ne portaient pas une double casquette. C'est-à-dire celle du salarié d'un journal et d'agent informel pour arrondir les fins de mois. La rencontre Chili-Uruguay a, par voie de conséquence, confirmé la rugosité d'une discipline vue et pratiquée, à leur manière serait-il plus juste de le souligner, par les Sud-Américains. Question rudesse, voire violence dans le jeu nul ne peut la faire aux Uruguayens, dont la réputation de démolisseurs sans scrupules accolés à leur défenseurs a peu de chances d'être battue en brèche. Quoiqu'il serait plus logique de dire «avait peu de chances» dans la mesure où l'un de leurs attaquants vedettes en l'occurrence Cavani a été expulsé pour avoir réagi par une claque anodine du revers de la main à la figure de Gonzalo Jara, son ange-gardien chilien et tout autant auteur d'un geste indécent (un doigt dans les fesses). Ainsi la Celeste, détentrice dur record de victoires en finale (15) a-t-elle succombé à un jeu où elle excellait et dont elle usait souvent à la limite de l'intolérable n'était la complaisance d'arbitres dont les prestations ont de tout temps été accompagnées de doute sur l'honnêteté. L'expulsion exagérée de Cavani en est, entre autres, un exemple. Mais la passion autour du football et plus particulièrement dans cette partie du monde a très souvent dépassé le cadre sportif jusqu'à aller au conflit guerrier entre Etats. Ceci en raison d'une victoire ou d'une défaite car cela dépend du côté où l'on se place. Ainsi rapportait la presse ce qui suit : «En 1969, les deux équipes s'affrontent lors des qualifications pour la Coupe du Monde devant se tenir au Mexique l'année suivante. Au match aller le Honduras gagne 1-0 car les supporters avaient, la veille, organisé un vacarme infernal autour de l'hôtel des joueurs salvadoriens pour les empêcher de dormir. Au match retour, l'équipe du Honduras se vit accompagnée dans un véhicule blindé au stade, le drapeau national hondurien fut déchiré et les échauffourées entre supporters firent deux morts. Les salvadoriens s'imposèrent 3-0. Des escarmouches éclatèrent immédiatement à la frontière, les paysans salvadoriens subissant des mesures de rétorsion des militaires honduriens. Le match final vit la victoire du Salvador 3-2. Les deux armées s'affrontèrent durant 4 jours faisant 3 000 morts et 15 000 blessés. Le football fut le catalyseur de tensions révélant le cœur du problème entre ces deux pays : le Honduras, peu densément peuplé, sert de refuge pour un Salvador surpeuplé. 300 000 salvadoriens avaient illégalement colonisé les terres frontalières pour survivre, au grand dam des populations honduriennes. Tegucigalpa vit dans cette guerre un moyen de sceller l'union nationale politique et faire taire les contestations.» Edinson Cavani, surnommé El Matador, s'est donc pour une fois retrouvé dans la position peu enviable du taureau menacé par les banderilles et a dû quitter le terrain même si d'aucuns ont considéré comme injustifiée son expulsion, d'autant plus que le footballeur n'était pas dans les meilleures conditions morales pour la rencontre, son père venant juste d'être impliqué dans un accident mortel de la circulation. Pour l'histoire, le joueur qui est derrière l'expulsion d'El Matador s'appelle Gonzalo Jara, ce qui ne risque pas de faire de lui un artiste d'un autre Jara au prénom prédestiné de Victor Jara, l'une des plus célèbres et premières victimes de la dictature de Pinochet. Ironie de l'histoire c'est également dans un stade et surtout celui-là même où s'est déroulée la rencontre (Stadio Nacional) qui a opposé le Chili à l'Uruguay que le chanteur-troubadour-poète Victor Jara a été assassiné par la junte chilienne. Les deux quarts de finale restants devraient être moins houleux avec Argentine-Colombie et Brésil-Paraguay. Quoiqu'à ce stade de la compétition et surtout dans ce continent rien n'est prévisible. A. L.