Les représentants des deux Parlements rivaux ont fini par signer un accord devant favoriser la formation d'un gouvernement d'union nationale en Libye. Conclu à Skhirat (Maroc) sous l'égide de l'ONU par des représentants du Parlement de Tobrouk, reconnu par la communauté internationale, et du Congrès général national (CGN), basé à Tripoli, l'accord prévoit que le pouvoir législatif soit réparti entre les deux Parlements. Celui de Tobrouk deviendrait une Chambre des représentants, et celui de Tripoli un Conseil d'Etat, c'est-à-dire un sénat. En parallèle, le pouvoir exécutif serait confié à un Conseil présidentiel de neuf ministres siégeant à Tripoli. Sur le papier, l'accord est porteur d'une promesse d'un début de stabilisation politique dans une Libye en proie au chaos et à l'anomie. En théorie donc, car cet accord est loin de faire l'unanimité. En effet, avant même que l'encre ne sèche, cet arrangement a d'ores et déjà été contesté par les chefs des deux Parlements antagoniques. Le président du CGN est même allé jusqu'à affirmer qu'un tel accord n'a aucune légitimité. A ses yeux, le gouvernement tel qu'il est proposé par l'ONU «ne fait pas l'objet d'un consensus et ne garantit même pas le minimum requis pour garantir son efficacité». Cet accord est d'autant plus rapidement contesté qu'il n'a pas un caractère inclusif. Les groupes armés contrôlant une large partie de la Libye n'ont pas été invités aux discussions. Salué par l'Algérie dont la diplomatie y voit un pas positif, l'accord s'avère largement insuffisant. On est donc loin de son objectif de sortir la Libye du chaos dans lequel elle se trouve depuis la chute de Kadhafi. Tout aussi loin de la possibilité d'y endiguer l'expansion de Daech. Il existe même un risque paradoxal mais patent que l'accord de Skhirat complique davantage la situation en créant de facto une troisième autorité rivale en plus des deux Parlements qui s'opposent déjà. Sombre perspective dans un pays en délitement constant où concrètement trois acteurs majeurs se partagent la Libye et se disputent le pouvoir depuis 2014. En premier lieu, le «pouvoir central» sous le contrôle de la Chambre des représentants et surtout de l'Armée nationale libyenne. C'est cette entité qui est agréée par la communauté internationale. Ce pouvoir contrôle en principe la majorité du territoire mais son influence est principalement marquée à l'est du pays. Ensuite, le Congrès général national (CGN) qui contrôle l'Ouest et notamment Tripoli, première ville du pays. Le CGN, faut-il le rappeler, est sous le contrôle de la branche libyenne de l'organisation des Frères musulmans. Initialement, la Libye était gouvernée par le CGN que les islamistes contrôlaient depuis l'élection de Nouri Bousahmein à sa présidence. En décembre 2013, ce pouvoir a voté l'instauration de la charia et refusé de céder sa place à la fin de son mandat en prolongeant de manière unilatérale ses prérogatives. C'est suite à ces évènements que de nouvelles élections ont été organisées sous la pression de l'armée libyenne, provoquant ainsi la scission entre les deux camps, avec les islamistes d'un côté et l'armée de l'autre. Viennent enfin les mouvements islamistes les plus radicaux. En tête, la branche libyenne de l'Etat islamique. Composée des factions djihadistes les plus dangereuses, elle contrôle des zones parsemées à travers l'ensemble de la Libye. Avec Syrte comme centre de gravité. Son territoire s'accroît progressivement à la faveur du chaos ambiant. L'EI contrôle principalement les villes de Derna à l'Est et Syrte à l'Ouest, et il maintient une présence à Benghazi ainsi qu'à Ajdabiya plus au Sud, sur la route des champs pétroliers de Esserir. N. K.