Après deux jours de repos, le procès de l'affaire dite Sonatrach 1, a entamé hier sa deuxième semaine. Les fils Meziane, qui ont comparu à la barre face au tribunal criminel près la Cour d'Alger pour donner leur version des faits ont, certes, nié les accusations et ont tenté de se disculper mais ils ont surtout déchargé leur père, Mohamed Meziane, l'ex-P-dg de Sonatrach. Ils ont insisté pour dire que ce dernier n'était pas au courant de leurs activités professionnelles, de la vente de sa propre villa à l'accusé Al Ismaïl, de l'achat d'une villa en son nom, et même de l'achat de l'appartement en France pour sa défunte femme et de l'origine de la somme de 10 000 euros versée dans son compte. Avant eux, le juge Reggad a invité Belkacem Boumediène, l'ex-vice-président de Sonatrach, à reprendre son récit. Ce dernier qui avait affirmé que l'urgence enregistrée dans l'établissement des projets pour sécuriser les sites de Sonatrach et qui a amené à l'établissement de marchés de gré à gré, était liée à l'instruction du ministre de l'Energie de l'époque, Chakib Khelil. Il a continué à l'affirmer hier en soutenant : «Je n'avais pas le choix de discuter une décision politique. Ou j'appliquais ou je quittais mon poste.» Il précisera même que Chakib Khelil aurait dit : «Transmettez-moi les noms des cadres responsables qui refusent d'appliquer la stratégie.» Il reviendra sur son interrogatoire par le DRS et sur sa rencontre avec l'ex-ministre, pour l'informer de l'implication des fils Meziane dans des projets octroyés par Sonatrach et confirmera au juge qu'effectivement «tous les cadres dirigeants de Sonatrach signent avec le P-dg un contrat de performance où il est fait état de leur engagement pour n'avoir aucun lien direct ou indirect dans les marchés de Sonatrach». Le président de séance va demander à l'accusé de préciser si le P-dg signe un document similaire et ce dernier répond par l'affirmative. Belkacem Boumediène va soutenir, tout au long de son interrogatoire, ignorer qu'un des fils Meziane était actionnaire à Contel Funkwerk. Il niera également avoir rencontré Al Ismaïl. Il s'arrêtera un moment avant de lâcher : «Les agents du DRS m'ont dit qu'ils étaient au courant de ces faits depuis 2005. Je leur ai demandé pourquoi ne nous avoir pas informés. On n'en serait pas là aujourd'hui. La commission juridique aurait suffit pour mettre un terme à tout cela.» En ce qui concerne la non publication de projets obtenus par Contel Funkwerk au Baosem (bulletin d'appel d'offres du secteur de l'énergie et des mines), l'accusé affirme avoir donné des instructions dans ce sens à plusieurs reprises et met en cause le maître d'ouvrage, à savoir l'accusé Hassani qui était directeur production. Le juge demandera à l'accusé alors pour quelle raison Hassani a bloqué le contrat de sécurisation de la base 24- Février. Belkacem Boumediène soutient n'avoir jamais compris les raisons depuis tout ce temps. Le juge rappelle Hassani à la barre et ce dernier va expliquer qu'Al Ismaïl n'avait toujours pas finaliser le projet CIS et qu'il y avait certains problèmes dans ce projet et un retard, raisons pour lesquelles il a estimé qu'il ne devait pas signer un deuxième contrat malgré le fait que son chef hiérarchique Boumediène lui avait délégué un pouvoir de signature. Il soutiendra toujours avoir subi des pressions. Le juge se retourne vers l'accusé Boumediène et lui demande «Alors ?». Ce dernier ne perd pas le fil et explique que l'impératif sécuritaire après l'incursion terroriste dans le site gazier Rhoudnous justifiait l'urgence et son insistance auprès de Hassani. Le juge présente ensuite à Belkacem Boumediène des correspondances adressées à Mohamed Meziane qu'il a signées, et dans lesquelles il demande au P-dg de donner son accord pour accorder le marché de sécurisation de la base du 24-Février-1971 par le procédé du gré à gré. L'accusé demande au juge de bien voir la référence qui montre que la correspondance lui est parvenue du directeur production et que la procédure exige qu'il vise le document avant sa transmission au P-dg. Le juge n'insiste pas plus et commence à énumérer les biens de l'accusé. Ce dernier n'a acquis aucun bien durant la période 2005 à 2009. Il a deux comptes en France, dont un ouvert par Sonatrach et contenant 27 000 euros, «c'est des jetons de présence» a expliqué l'accusé, dont le second compte ne contient que 1 126 euros. Sa femme a dans son compte en devises la somme de 20 000 euros et un appartement en son nom en France, acquis en 2004. L'accusé n'arrivera cependant pas à expliquer un versement de 21 000 euros dans son compte effectué le 14 janvier 2010. «J'étais en prison, je ne sais pas. C'est peut-être quelqu'un de ma famille». Réda Meziane accuse le DRS d'avoir «fabriquer» les PV et de l'avoir menacer de s'en prendre à sa femme Réda Meziane, le fils aîné de Mohamed Meziane se présente ensuite à la barre. Accusé de complicité d'association de malfaiteurs, de complicité de passation de marchés contraire à la réglementation, de corruption, blanchiment d'argent, trafic d'influence et de complicité de dilapidation des deniers publics, Réda Meziane nie tout en bloc et dit : «Je suis étonné. Je n'ai rien à dire. Posez moi des questions et j'y répondrai sans détours». Et c'est ce que fera l'accusé de manière un peu arrogante au début jusqu'à ce qu'il reçoive un rappel à l'ordre du juge «Vous n'avez aucune qualité devant le tribunal, vous êtes ici en tant qu'accusé». Réda Meziane se confond en excuses et tente de regagner la sympathie du tribunal. Il commence par raconter sa rencontre en 3e AS avec Al Ismaïl. Il soutient qu'après son baccalauréat, il est parti s'installer en France et qu'il n'a pas revu son camarade de classe de 1997 jusqu'à 2003. Ce dernier va demander son contact à son frère Fawzi. Il l'a appelé et l'a rencontré en France pour échanger des nouvelles. Le juge ne manque alors pas de faire le lien : «Votre père était déjà P-dg de Sonatrach à l'époque ?» «Il venait d'être nommé deux mois auparavant», précise l'accusé en poursuivant «Il m'a proposé de rentrer en Algérie et de lancer un projet ensemble. J'ai évoqué le secteur du transport. Après je ne l'ai pas revu jusqu'en 2004 et à cette époque je ne pouvais descendre en Algérie parce que j'avais un problème de carte militaire. Quand il m'a reparlé du projet, je lui ai alors proposé de le concrétiser avec mon frère», raconte l'accusé. Le juge lui demande d'évoquer son intervention auprès de son père et il dit qu'Al Ismaïl après avoir évoqué le projet de transport et affirmé le lancement d'une étude technico-économique, lui a parlé de son vœu de faire une présentation de ses produits à Sonatrach. «J'ai croisé mon père, au cours d'un transit, à l'aéroport Charles de Gaulle, et je lui ai fait part de la demande de mon ami et comme je n'avais aucun détail, il a demandé un fax explicatif. Ce n'est que bien après que j'ai su qu'il avait été reçu». Selon l'accusé, c'est Fawzi son frère qui lui a fait part de la transformation du projet de la création d'une entreprise de transport en une filiale de Contel et c'est ce dernier qui l'a informé de sa prise de 200 actions dans Contel, mais dans l'unique but de lancer un projet de transport. «Je ne connaissais rien des autres activités d'Al Ismaïl», soutient Réda Meziane ajoutant : «D'ailleurs ne voyant pas le projet de transport se concrétiser, j'ai créé ma propre entreprise avec mon frère, la Sntc». Le juge Reggad va arrêter l'accusé et lui lire ses aveux dans les procès verbaux du DRS. Ce dernier va nier en bloc et accuser le DRS d'avoir «fabriqué» les PV et de l'avoir menacé de s'en prendre à sa femme. Il va ainsi défendre la position de son père en déclarant que ce dernier n'ait jamais intervenu pour l'entreprise Contel, qu'il n'a jamais su que ses enfants avaient des parts dans les sociétés d'Al Ismaïl. Il niera également avoir rencontré Belkacem Boumediène sur demande de son père et que ce dernier lui a demandé de créer le groupement avec Funkwerk pour pouvoir obtenir les projets. «C'est des conclusions du DRS, moi j'ai raconté ce que j'avais entendu après 2008 et ils ont écrit les PV m'obligeant sous la menace de signer», soutient Réda Meziane. En le confrontant à ses dires devant le juge d'instruction, l'accusé continue de nier en déclarant : «Les agents du DRS étaient devant la porte, c'est avec eux que je devais repartir. Le PV du juge d'instruction est inspiré de leur PV.» Le juge lui rappelle que le juge d'instruction du pole spécialisé le reçoit seul dans le bureau, mais Réda Meziane n'en démord pas et dit ; «Ils sont influents. D'ailleurs deux accusés dont mon frère étaient sous contrôle judiciaire et dès que les agents du DRS sont entrés chez le juge d'instruction, ces derniers ont été mis sous mandat de dépôt». Un responsable de Funkwerk a proposé au fils Meziane d'utiliser un prête-nom Le juge ne polémique pas plus avec l'accusé et lui demande de parler de certains faits précis : le contrat de consulting avec l'entreprise Funkwerk qui lui a été refusé. Sur cette question, Réda Meziane revient à 2007, année où il a rejoint le holding Contel. Ce holding a été créé par Al Ismal, son frère, Dorbani Ali, les Maghaouis et Réda Meziane. En 2008 et selon son récit, son frère Fawzi va lui apprendre que Maghaoui, père et fils ainsi que son ami Al Ismaïl percevaient des mensualités de l'entreprise Funkwerk en leur qualité de consultants. «J'étais énervé et j'ai demandé à Djaffer Al Ismaïl des explications», dit l'accusé et le juge de demander : «Pourquoi énerver ?» «Pour n'avoir pas été mis au courant et parce que Al Ismaïl savait bien à l'époque que j'avais des charges en France et il aurait pu me proposer. C'est à ce moment là qu'il m'a envoyé un billet par le biais du Holding et j'ai rejoint l'Allemagne où j'ai rencontré des responsables de la boîte allemande dans un restaurant». Il racontera que le responsable allemand lui a refusé le contrat et qu'il ne connaissait pas les raisons, mais finira par reconnaître que c'était «sûrement» à cause du fait qu'il soit le fils du P-dg de Sonatrach. Il soutiendra que son seul souhait était de représenter la boîte allemande à l'étranger et non pas en Algérie et que cela ne devait donc pas constituer un conflit d'intérêts. En fait, Réda Meziane commence à se contredire puisqu'il avait affirmé avoir décidé de rentrer définitivement en Algérie en 2007 pour rejoindre le Holding Contel et déclare ensuite vouloir créer une entreprise en France pour représenter les Allemands. Sur les modèles de contrats établis en son nom et celui de sa défunte mère, retrouvés dans un flashdisc d'Al Ismaïl, il nie connaître leur existence et soutient avoir juste demandé à son ami de lui transmettre les dispositions du contrat pour en prendre connaissance. Réda Ismaïl va enfoncer le responsable allemand qui l'a rencontré au restaurant en soutenant que ce dernier lui a bien proposé d'utiliser un prête-nom, mais que lui a refusé. Le juge ne manque pas d'appuyer alors : «Donc le représentant de la firme allemande était un décideur ?» et Réda Meziane de lâcher «Oui». Le juge revient aux déclarations de l'accusé sur PV et qui mettent en cause son père Mohamed Meziane, mais ce dernier va continuer à nier et tente de le disculper. Il soutiendra que l'appartement acheté au nom de sa défunte mère en France, l'a été à la demande de feu Mme Meziane et que l'argent lui a été prêté par son ami Al Ismaïl et qu'il ne connaissait pas son origine. «Je ne savais pas que c'était un virement de l'entreprise allemande ; d'ailleurs j'étais étonné que Djaffer avait à sa disposition cette somme», dit l'accusé avant de se rattraper. «J'étais soulagé de ce prêt afin de répondre à la demande de ma mère». Réda et Fawzi Meziane tente de disculper leur père et de justifier leurs biens Réda Meziane va ensuite affirmer que son père n'était pas au courant et qu'il aurait pu répudier son épouse s'il avait apprit, en plus il était contre l'endettement. Après avoir expliqué que la somme de 650 000 euros, prix de l'appartement de Paris, a été remboursée par ses parts au Holding Contel, Réda Meziane va tenter d'expliquer certaines acquisitions en se contredisant. Il soutiendra que l'acquisition de la villa sis quartier des Oliviers (Birkhadem), au prix de 6,5 milliards de centimes en 2009, a été possible grâce à la vente d'une villa de Mohamed Meziane à Al Smaïl et un prêt de 2 milliards de centimes accordé par son beau-frère. Cette villa acquise grâce à des dettes est au nom de son père Mohamed Meziane. Réda Meziane va très loin dans la tentative de décharger son père. Il va dire au juge «Je ne comprends pas pourquoi Al Ismaïl vous a dit qu'il a octroyé un prêt de 10 000 euros à mon père. Ce n'est pas vrai. C'est moi qui aie demandé cet argent à Djaffer et c'est moi qui lui ai demandé de le verser et je l'ai remboursé. Quand aux 12 000 euros qu'il a versé dans mon compte, c'était les frais de la transaction immobilière. Je suis responsable de mes dires devant vous et à vous de me juger», lâche l'enfant Meziane. Le juge va ensuite énumérer les biens acquis par l'accusé en citant un appartement dans une résidence à Dely Brahim au prix de 3,3 milliards de centimes en 2007, un appartement à Benaknoun (acquis en novembre 2007 à 1,2 milliard de centimes) au nom de l'accusé qui prétend être celui de sa sœur, un fonds de commerce à El Biar, un terrain en France acquis en 2002. Le juge citera ensuite les biens mis sous séquestres dont les véhicules de la famille (C5, BMW...). Avant de reprendre sa place, Réda Meziane demande au juge de l'innocenter et dit : «Jamais je n'ai spolié les droits de quelqu'un. Cela fait très mal d'être accusé aujourd'hui surtout que l'on parle d'argent du peuple. On m'accuse d'association de malfaiteurs et je ne suis pas un malfaiteur». Suivra ensuite à la barre, le jeune Fawzi Meziane, un ingénieur en information et diplômé en management. Cet accusé qui a travaillé à Sonatrach entre 1995 et 2007 nie également les charges qui pèsent sur lui. Il soutient également n'avoir rien avoir avec les affaires d'Al Ismail et n'avoir jamais connu les activités de Contel dont il avait pris 200 parts. Selon ses dires, «c'était pour créer la filiale transport. Je ne savais rien d'autre et comme la filiale n'a pas démarré, on a créé notre propre entreprise avec mon frère. C'est là que j'ai eu un différend avec Al Ismaïl et j'ai quitté la boîte», explique Fawzi qui, comme, son frère, tentera de disculper son père en soutenant que ce dernier ne connaissait rien de ses activités. «Notre père, comme l'a dit Réda, on ne le connaît pas. On ne lui a jamais parlé. Il travaillait et vivait pour l'Etat.» En fait, avant lui, Réda avait également assuré «J'ai connu mon père en prison. Je ne le connaissais pas auparavant et quand j'étais jeune, il n'était jamais là. On se parlait quelques fois pendant les fêtes et c'est tout.» Et dans cette tentative de se disculper les fils Meziane vont jusqu'à dire des choses peu croyable comme le fait que Fawzi ne connaît pas les Maghaouis, des associés dans le Holding Contel. En fait, ce dernier, soutient avoir été un actionnaire qui ne connaît rien et qui n'a rien vu. Même pour l'appartement acquis par sa défunte mère, Fawzi dit l'avoir appris auprès du procureur de la République. Le juge a appelé à la barre El Hachemi Maghaoui, et la séance s'est poursuivie jusqu'à une heure tardive. H. Y.