Engagée dans une guerre encore incertaine au Yémen, l'Arabie saoudite envisage d'envoyer des troupes en Syrie. La soudaine velléité de Ryadh à intervenir directement en Syrie semble ainsi répondre à ce retournement de situation sur le terrain où, à défaut de solution politique, Damas améliore sa posture pour remporter la bataille militaire. L'échec des différents groupes armés y compris ceux du Front Al-Nosra soutenus par Ryadh, Doha et Ankara, constitue un sérieux revers pour des pays qui ont fortement parié sur la chute du régime. Non seulement, le régime a fait preuve d'une résistance inattendue mais repart vigoureusement à l'offensive pour gagner du terrain, et se présente aujourd'hui comme un acteur incontournable dans tout règlement de la tragédie Dans un Proche-Orient décidément en mouvement permanent, des annonces viennent souvent chambouler les dispositions avant même que les analystes ne terminent de comprendre les situations antérieures. Le fait est que l'Arabie saoudite a moins le regard sur Raqqa ou Deir Ezzour que sur Alep ou Damas, soutenue par la Russie qui est en train de reprendre le dessus. L'avancée remarquée des troupes gouvernementales syriennes sur Alep, si elle se poursuit, constituera un changement qualitatif dans le cours de la guerre qui se déroule actuellement en Syrie. Et, évidement, aura un effet sur le jeu d'échec en cours entre les différentes puissances en activité. «L'équilibre» qui s'est installé au fil de la guerre, autant civile que régionale, semble être en train d'être rompu. L'intervention de l'aviation russe a fait évoluer les lignes, en neutralisant la Turquie, membre de l'Otan, un des acteurs majeurs du conflit. Circonstance aggravante, les groupes armés ne sont pas seulement en difficultés à Alep, ils font machine arrière dans d'autres villes. A Alep, l'armée syrienne semble mettre les bouchées doubles pour encercler totalement les groupes rebelles et leur couper les voies d'approvisionnement. La bataille d'Alep pourrait s'avérer décisive dans le rapport de force en activité sur le terrain syrien. Les forces gouvernementales syriennes avec l'appui de la Russie et de l'Iran semblent être passées à une étape qualitative de la bataille. Selon le schéma classique mais toujours d'une efficacité redoutable : faire changer la nature du terrain pour pouvoir négocier en position de force. L'intervention russe semble de plus en plus imposer sa logique sur le terrain pour basculer le rapport de force. A une trentaine de kilomètres à l'ouest d'Alep, des forces kurdes, en bon terme avec Damas, reprennent du terrain sur les groupes armées et mènent de violents combats sur des zones importantes, voire stratégiques pour la suite des événements. La soudaine velléité des Saoudiens à intervenir directement en Syrie semble ainsi répondre à ce retournement de situation sur le terrain où, à défaut de solution politique, Damas améliore sa posture pour remporter la bataille militaire. L'échec des différents groupes armés y compris ceux du Front Al-Nosra soutenus par Ryadh, Doha et Ankara, constitue un sérieux revers pour des pays qui ont fortement parié sur la chute du régime. Non seulement, le régime a fait preuve d'une résistance inattendue mais repart vigoureusement à l'offensive pour gagner du terrain et se présente aujourd'hui comme un acteur incontournable dans tout règlement de la tragédie. Un retournement de situation inimaginable dans les premières années de la guerre. L'Arabie saoudite, qui a récemment lancé une «alliance militaire sunnite», chercherait en se calant dans la coalition anti-Daech occidentale à arrêter l'avancée de l'armée syrienne. Une avancée qui ne fait pas ses affaires. Moscou, qui a pratiquement neutralisé la Turquie du jeu pernicieux en cours semble sourd aux avertissements et autres remontrances émanant des Occidentaux et des pays du Golfe. En accusant Ankara de vouloir préparer une intervention militaire en Syrie Moscou met en garde la Turquie contre toutes velléités sur le sol syrien. Mais jusqu'à quelle latitude ce verrou des Russes pourrait-il tenir ? Extension de la guerre ? La Russie a réagi ainsi à cause de la décision turque de ne pas autoriser des vols de reconnaissance près de la frontière. Ainsi l'avion de chasse russe abattu par la Turquie en novembre 2015 aura fait se détériorer les relations entre les deux pays. Pour Moscou, la Turquie joue un rôle important dans la survie même des groupes armés en activités notamment dans la partie nord de la Syrie. Depuis cet incident qui a failli dégréner la Russie a mis en place des systèmes de défense antiaérienne dans le nord de la Syrie, les fameux S-400. De quoi neutraliser les chasseurs turcs, et sérieusement gêner l'activité de l'armée turque dans une zone particulièrement sensible pour Ankara. La Turquie considère les zones «sensibles» kurdes comme un enjeu stratégique majeur. L'envoi de troupes au sol pour soutenir les groupes armés dans leur combat contre l'armée syrienne paraît la seule option pour inverser la tendance actuelle. Mais à Damas l'heure est à confiance, la réaction est à la mesure de l'annonce : «Que personne ne pense à agresser la Syrie ou à violer sa souveraineté car nous enverrons les agresseurs, qu'ils soient saoudiens ou turcs, dans des cercueils en bois dans leur pays», a déclaré stoïquement le ministre des Affaires étrangères syrien, Walid Mouallem. En Iran, l'autre soutien de Damas, on a tendance à railler l'annonce saoudienne l'assimilant à quelqu'un qui «se tirerait une balle dans la tête». «Après la défaite de Daech et du Front Al-Nosra en Irak et en Syrie, l'Arabie saoudite et les Etats-Unis ont décidé d'envoyer les soldats saoudiens en Syrie», estiment les Iraniens. Dans ces conditions de tension où chaque acteur ne voudrait se résoudre à faire des concessions une confrontation entre la Russie, la Turquie, l'Arabie saoudite et la Syrie et ensuite l'entrée dans le conflit des Etats-Unis n'est pas à écarter. Avec le risque d'une déflagration régionale. M. B.