Tous les Algériens savent que Larbi Ben M'hidi était un monstre de la révolution, mais personne ne savait qu'il était un monstre tout court, sauf peut-être les autorités locales de Aïn M'lila qui ont érigé récemment une monstruosité sous forme de buste en bronze de l'un des chefs historiques de la révolution algérienne. Tous les Algériens savent que Larbi Ben M'hidi était un monstre de la révolution, mais personne ne savait qu'il était un monstre tout court, sauf peut-être les autorités locales de Aïn M'lila qui ont érigé récemment une monstruosité sous forme de buste en bronze de l'un des chefs historiques de la révolution algérienne. La population locale, avec une dignité légendaire, a montré sa lucidité et manifesté sa colère, ayant conduit les pouvoirs publics à déboulonner l'horreur pour laquelle on a déboursé la coquette somme de 20 millions de dinars. Les responsables de l'Etat ont reçu une véritable claque de la part de la population, mais aussi une leçon magistrale à ceux qui sont censés promouvoir les arts et la culture dans notre pays. Comment a-t-on accepté une telle horreur ? N'y a-t-il pas un sculpteur capable de reproduire un aussi beau visage que celui de l'un de ceux qui ont déclenché la guerre de libération nationale ? Comment a-t-on pu débourser une telle somme pour une telle horreur ? Les artistes algériens ne sont-ils pas capables de se rassembler pour réaliser une œuvre à la hauteur de l'Homme et de son martyr ? Tellement de questions auxquelles les autorités de Aïn M'lila ne répondront pas. En tout cas, le sacrilège commis dans cette ville de la wilaya d'Oum el Bouaghi est une leçon pour tous les responsables, qu'ils soient walis, directeurs de la culture, chefs de daïras ou présidents d'APC, à moins que l'incompétence (ou pire ?) persistera puisque ce n'est pas la première fois que cela arrive, la statue de Ben Badis, déboulonnée également, étant encore dans la mémoire de la population de Constantine. S'il n'y a pas eu de grandes protestations dans la wilaya de Tizi Ouzou pour des raisons similaires, ce n'est pas parce qu'il n'y a pas d'horreurs similaires. En 2004, une statue de Mouloud Mammeri a été érigée dans l'enceinte de la maison de la culture qui porte son nom. S'il n'y a rien à dire sur le travail artistique dont l'auteur est de la région de Ouaguenoun, il était incompréhensible pour beaucoup de citoyens, notamment des animateurs du mouvement associatif, que l'illustre anthropologue et homme de lettres soit présenté debout avec des jambes croisés et les mains dans les poches. Il ne lui manque qu'un gobelet de café dans une main pour qu'il soit assimilé à un hittiste qui n'a rien à faire de la journée. Même si ces détails dégradent l'image d'un immense personnage comme Mouloud Mammeri, les réactions n'avaient pas dépassé à l'époque les commentaires négatifs et certains articles de presse. Certainement parce que l'institution venait de connaître un changement avec la nomination à sa tête de l'actuel ministre de la Jeunesse et des Sports, El Hadi Ould Ali, qui avait réussi en quelques mois à réanimer la structure. Plus récemment, c'est la statue du chef de la wilaya III historique, le colonel Amirouche qui a créé la polémique dans la wilaya de Tizi Ouzou. Installée au lieudit La Tranchée, une intersection menant vers les trois communes de la daïra d'At Yanni, l'œuvre en bronze réalisée en Italie est certes impressionnante avec notamment ses quatre mètres de hauteur, mais son visage est loin de ressembler à celui du héros national qu'est Amirouche Aït Hamouda. Là encore, des circonstances ont fait que le mécontentement était timide en raison de la présence du fils du Chahid parmi les initiateurs de la démarche et sa participation à la cérémonie d'inauguration en mars 2014, à l'occasion du 55e anniversaire de sa mort. Mais ces événements et d'autres peut-être qui n'ont pas concerné des personnalités de grande envergure devraient réveiller les pouvoirs publics sur la nécessité d'être exigeants quand il s'agit de la réalisation de bustes ou de statues de personnalités nationales que le peuple a «sacralisés». «Jetez la révolution à la rue, le peuple l'embrassera», avait dit Larbi Ben M'hidi quand il préparait avec ses compagnons, le déclenchement de la guerre contre le colonialisme français. Cette phrase célèbre du héros de novembre pourrait être détournée aujourd'hui pour dire «jetez la culture à la rue, le peuple l'embrassera» pour dire la nécessité et l'urgence de libérer l'initiative culture avec un large objectif : la socialisation de la culture, seule à même de développer le secteur et faire naître de véritables femmes et hommes de culture. De véritables artistes capables entre autre de réaliser de belles toiles et fresques, de composer des chefs d'œuvres musicaux et de sculpter des bustes et des statues à la hauteur des femmes et des hommes qui ont fait l'histoire de l'Algérie dans tous les domaines. M. B.