L'économie portugaise n'est pas en grande forme, et cela inquiète Bruxelles. Selon la première estimation officielle, publiée vendredi 13 mai, le pays a enregistré une croissance de 0,1% seulement au premier trimestre, après 0,2% sur les trois derniers mois de 2015. C'est beaucoup moins que prévu. «Les nuages planant sur la conjoncture portugaise depuis quelques mois peinent à se dissiper», estime Ricardo Amaro, spécialiste du pays chez Oxford Economics. L'économie portugaise n'est pas en grande forme, et cela inquiète Bruxelles. Selon la première estimation officielle, publiée vendredi 13 mai, le pays a enregistré une croissance de 0,1% seulement au premier trimestre, après 0,2% sur les trois derniers mois de 2015. C'est beaucoup moins que prévu. «Les nuages planant sur la conjoncture portugaise depuis quelques mois peinent à se dissiper», estime Ricardo Amaro, spécialiste du pays chez Oxford Economics. Ces chiffres tombent au mauvais moment pour Lisbonne. Mercredi 18 mai, la Commission européenne pourrait en effet engager une procédure de sanctions contre le pays (mais aussi contre l'Espagne), si elle juge qu'il n'a pas réalisé suffisamment d'efforts pour ramener son déficit public sous la barre des 3% du produit intérieur brut (PIB). «Bruxelles pourrait utiliser les performances économiques décevantes du Portugal pour faire pression sur le gouvernement», confie une source européenne. En 2015, le pays a enregistré un déficit plus fort que prévu, à 4,4% du PIB, plombé par le sauvetage de la banque Banif. Initialement, il s'était engagé à le ramener à 2,5%. A l'issue d'un bras de fer houleux, le premier ministre socialiste Antonio Costa a été contraint, en février, de revoir sa cible de déficit public pour 2016 de 2,6% à 2,2% du PIB. Sa prévision de croissance pour cette année, de 1,8%, est toujours jugée trop optimiste par la Commission, qui table plutôt sur 1,5%. Le bon élève de l'austérité En cas de sanction, scénario jugé néanmoins peu probable par la plupart des économistes, le pays pourrait écoper d'une amende allant jusqu'à 0,2% de son PIB. Mais Bruxelles pourrait choisir d'en réduire le montant. Voire, de l'annuler. Dans tous les cas, une telle sanction serait une première depuis l'instauration des nouvelles procédures budgétaires européennes, en 2011. Et elle serait très mal vécue par le Portugal. Et pour cause : ces dernières années, le pays s'est démené pour être le bon élève de l'austérité. Balayé par la crise des dettes, il est entré sous assistance de la «troïka» (Fonds monétaire international, Commission européenne, Banque centrale européenne) en 2011. En échange d'un prêt de 78 milliards d'euros, le premier ministre de l'époque, Pedro Passos Coelho (centre droit), a appliqué la plupart des mesures de rigueur exigées par ses partenaires : baisse des dépenses publiques, taxe de 15% sur les retraites dépassant 4 611 euros, réduction des traitements et du nombre de fonctionnaires… De douloureux sacrifices qui, à première vue, ont porté leurs fruits : le pays est sorti du plan d'aide en mai 2014. «En 2015, le PIB a progressé de 1,5%, au plus haut depuis 2010, tandis que le chômage est retombé de 17,5% en 2013 à 12,1% début 2016», rappelle M. Amaro. La part des exportations est passée de 30% à 40% du PIB depuis 2007. Mais les Portugais, eux, tardent à ressentir la reprise dans leur quotidien. Sans surprise, Antonio Costa, l'ancien maire socialiste de Lisbonne, a pris le pouvoir en novembre 2015 sur la promesse de rompre avec l'austérité. Allié au Bloc de gauche et aux communistes, le nouveau premier ministre a promis de détricoter les réformes les plus dures de son prédécesseur. En janvier, il a ainsi relevé le salaire minimum de 505 à 530 euros par mois. Mais il s'est également engagé à respecter les règles budgétaires européennes. «Il doit trouver un équilibre entre ces deux contraintes : un sacré défi, analyse Antonio Barroso, spécialiste du pays chez Teneo Intelligence. D'autant que la reprise reste très fragile.» Le second maillon faible de la zone euro Si la consommation des ménages va mieux, les exportations, en revanche, souffrent du ralentissement de l'économie mondiale : en mars, elles ont reculé de 3,9% sur un an. Le Portugal exporte de l'agroalimentaire et des produits milieu de gamme, principalement vers l'Union européenne. Mais il est pénalisé par les déboires de ses anciennes colonies, avec qui il a gardé des liens commerciaux forts. L'Angola et le Brésil sont très affectés par la baisse des cours des matières premières. S'ajoutent à cela les séquelles de la récession. A commencer par le chômage des moins de 25 ans, qui culmine toujours à 31%. Un chiffre qui serait pire si, depuis 2011, plus de 300 000 jeunes n'avaient pas quitté le pays. En outre, les PME ont vu leur niveau d'endettement s'envoler – il dépasse aujourd'hui les 115% du PIB. Résultat : les créances douteuses, ces prêts dont une partie ne sera jamais remboursée, ont explosé. Elles handicapent un secteur bancaire particulièrement fragile, qui peine à financer l'économie. Enfin, la dette publique, colossale, frôle aujourd'hui les 130% du PIB. «Elle est soutenable et a commencé à décliner, mais elle rend le pays particulièrement vulnérable à un choc extérieur», conclut M. Amaro. Ce qui fait dire à certains économistes que le Portugal est, après la Grèce, le second maillon faible de la zone euro. M. C.