Les ministres des Finances de la zone euro ont enclenché mardi une procédure de sanctions, inédite dans l'histoire de la monnaie unique, à l'encontre de l'Espagne et du Portugal en dérapage budgétaire. Moins de trois semaines après la décision par référendum des Britanniques de sortir de l'UE, cette démarche sans précédent pourrait faire craindre de nouvelles critiques contre l'orthodoxie budgétaire préconisée par Bruxelles, même si plusieurs signaux laissent penser que la clémence sera de mise. Réunis dans le cadre d'un conseil des grands argentiers de l'UE à Bruxelles, les ministres ont constaté que l'Espagne et le Portugal n'ont pas pris les mesures nécessaires pour corriger leurs déficits, ce qui déclenche un processus de sanctions, écrivent-ils dans un communiqué. La Commission européenne a 20 jours pour recommander au Conseil (des ministres, ndlr) des décisions sur des amendes, ajoutent les ministres. Ces amendes devraient atteindre jusqu'à 0,2% du Produit Intérieur Brut (PIB). L'Espagne et le Portugal peuvent cependant soumettre d'ici dix jours leurs arguments pour obtenir une réduction des amendes, précisent-ils. Je suis convaincu que nous arriverons à la fin à un résultat intelligent, a observé le ministre slovaque des Finances, Peter Kazimir, dont le pays assure la présidence tournante de l'Union européenne. Avant l'annonce de cette décision, le ministre portugais des Finances, Mario Centeno, avait assuré que son pays va se battre pour que la poursuite de ce processus n'entraîne aucune conséquence pour l'effort budgétaire du Portugal, qui est déjà assez important, faisant ainsi allusion à une sanction zéro. Le ministre espagnol de l'Economie Luis de Guindos a lui aussi promis, avant même l'annonce à Bruxelles, que l'Espagne présenterait rapidement ses arguments et qu'il était de plus en plus convaincu que l'amende se monterait à zéro. Après l'annonce, le ministre français des Finances Michel Sapin a plaidé pour une certaine souplesse. La position qui est la mienne, c'est le respect des règles dans le respect des situations. Des situations de chacun de ces pays. Au fond, ça se dit très simplement : il faut appliquer les règles intelligemment, a-t-il expliqué à des journalistes.
Jusqu'à 0,2% du PIB Les règles européennes prévoient des amendes pouvant atteindre 0,2% du PIB pour les pays de la zone euro qui ne résorbent pas leurs déficits excessifs. De telles sanctions n'ont jamais été appliquées jusqu'à présent. Avant l'annonce de la décision des ministres, le ministre portugais des Finances Mario Centeno avait déclaré: "le pays va se battre pour que la poursuite de ce processus n'entraîne aucune conséquence pour l'effort budgétaire du Portugal qui est déjà assez important", faisant ainsi allusion à une "sanction zéro".
Madrid propose une hausse d'impôt Le ministre de l'Economie espagnol, Luis de Guindos, a annoncé mardi que Madrid souhaitait une hausse de l'impôt sur les sociétés afin de réduire dès 2017 son déficit en-dessous de 3% du PIB et éviter une sanction de l'UE pour dérapage budgétaire. Nous allons proposer une mesure sur l'impôt sur les sociétés, (...) une mesure puissante, qui rapportera 6 milliards d'euros, a déclaré M. de Guindos lors d'une conférence de presse à Bruxelles, retransmise à la télévision espagnole, en présentant ses arguments-phare pour éviter une amende de la Commission européenne. Réunis dans le cadre d'un conseil des grands argentiers de l'UE à Bruxelles, les ministres des Finances de la zone euro avaient auparavant constaté que l'Espagne et le Portugal n'ont pas pris les mesures nécessaires pour corriger leurs déficits, ce qui déclenche un processus de sanctions. L'Espagne dispose de dix jours pour présenter ses arguments et tenter d'éviter une amende, qui peut atteindre 0,2% de son PIB, deux milliards d'euros. Le ministre a indiqué que Madrid transmettrait dès mercredi ses arguments, et insistera sur l'assainissement de son économie et les réformes et économies déjà réalisées. Le déficit public de l'Espagne a atteint 5% du PIB en 2015 mais il était de 9,07% en 2011. La croissance a repris et devrait dépasser encore les 3% en 2016 selon le ministre, qui a aussi évoqué des réformes en matière de droit du travail. C'est un tournant sans précédent, a-t-il souligné, en estimant qu'il justifie que la Commission impose une sanction nulle. Mais pour convaincre encore davantage nous allons faire part d'un engagement clair de l'Espagne pour la réduction de son déficit public en dessous de 3% (du PIB) en 2017, a-t-il ajouté. La mesure fondamentale, sera une modification de l'impôt sur les sociétés, avec l'établissement d'un taux minimum à partir d'un seuil qui devra être adopté par le biais d'une loi, a-t-il ajouté. M. de Guindos, conscient que l'exécutif actuel ne peut proposer une telle mesure car le Parlement doit encore investir un nouveau gouvernement, a souligné qu'une telle mesure devra petre proposée par un gouvernement en fonctions à venir. Mais nous nous y engageons (...) car elle donne davantage de force à notre promesse, pour un montant de 6 milliards d'euros, a-t-il ajouté. L'Espagne aborde son septième mois de blocage politique, depuis décembre, après des élections qui ont laissé un parlement fragmenté entre quatre grandes forces politiques et incapable de se trouver un nouveau gouvernement.
Lisbonne juge toute sanction injustifiée Il est injustifié et contre-productif d'appliquer la moindre sanction au Portugal, a lancé mardi le Premier ministre portugais Antonio Costa, après la décision des ministres des Finances de la zone euro d'enclencher une procédure pour dérapage budgétaire à l'encontre de Lisbonne et Madrid. Tout ce processus est un contresens, a réagi le chef du gouvernement socialiste devant la presse à Lisbonne, assurant que le Portugal allait ramener cette année son déficit public en-dessous des 3% du PIB sans recourir à un plan B ou à des mesures exceptionnelles d'assainissement budgétaire. L'économie européenne et la zone euro ne bénéficieront en rien de l'application de sanctions, quelles qu'elles soient, à l'encontre du Portugal ou de l'Espagne, a ajouté M. Costa, arrivé au pouvoir en novembre dernier grâce au soutien parlementaire de la gauche radicale. La procédure ouverte par les grands argentiers de la zone euro porte exclusivement sur la période 2013-2015 et ne représente pas un jugement sur le gouvernement actuel, a-t-il souligné. Le précédent gouvernement de centre droit a mis en œuvre une sévère cure d'austérité budgétaire sous la tutelle de l'Union européenne et du Fonds monétaire international (FMI) qui, en échange, avait accordé au pays un plan d'aide financière de 78 milliards d'euros entre 2011 et 2014. La Commission européenne, le FMI et le très respecté ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble avaient à maintes reprises présenté le précédent gouvernement comme un modèle de bon élève, a fait valoir M. Costa. Proposer maintenant de punir le Portugal car le gouvernement précédent n'a pas pris les mesures nécessaires, cela décrédibilise M. Schäuble et ne renforce pas la confiance des citoyens dans le fonctionnement de la zone euro, a affirmé le Premier ministre portugais. Fin juin, M. Schäuble s'était montré critique envers le gouvernement de M. Costa en évoquant un éventuel deuxième plan d'aide, ce qui a provoqué la colère de Lisbonne qui a aussitôt convoqué l'ambassadeur d'Allemagne au Portugal.
Pour Paris, le Portugal ne mérite pas d'être sanctionné Le ministre français des Finances Michel Sapin a estimé que le Portugal, dans le viseur de la Commission européenne en raison de ses dérapages budgétaires, ne méritait pas d'être sanctionné, ayant fait énormément d'efforts pour réduire son déficit. Le Portugal a fait des efforts monstrueux au cours de ces dernières années, avec la mise en place d'un ajustement extrêmement brutal, extrêmement violent pour redresser ses finances publiques, a estimé M. Sapin lors d'un point presse organisé avant son départ pour des réunions de l'Ecofin et de l'Eurogroupe à Bruxelles. Selon le ministre des Finances, le dérapage budgétaire du Portugal tient principalement au fait que l'Etat ait eu l'obligation de venir au secours d'une banque, la banque Banif, en décembre. Le Portugal a affiché un déficit public de 4,4% du PIB l'an passé alors que l'objectif était de repasser sous les 3%. En 2016, il devrait toutefois à nouveau respecter cette limite. Certes la Commission est dans son droit et peut-être même dans son devoir lorsqu'elle souligne que le Portugal n'a pas respecté ses engagements, a reconnu M. Sapin. Mais le Portugal ne mérite pas qu'on lui applique une discipline qui ne tienne pas compte de cette situation, a-t-il ajouté. La Commission européenne a ouvert la voie jeudi à une procédure de sanctions inédites pour dérapage budgétaire à l'encontre du Portugal et de l'Espagne. L'exécutif européen a toutefois laissé le soin aux ministres des Finances de l'UE de prendre la décision formelle d'une sanction, peut-être dès mardi. Concernant l'Espagne, M. Sapin a reconnu que la situation était difficile, compte tenu notamment du contexte politique dans le pays, privé de majorité claire lors des dernières élections. La difficulté, c'est de savoir avec qui nous discutons et qui prend des engagements, a souligné le ministre.