En désespoir de cause, mais dans une démarche patriotique ! C'est ainsi qu'une pétition a été lancée sur le Net pour la restitution par la France de crânes de moudjahidine algériens morts en martyrs au début de la colonisation française. Ces restes mortuaires sont toujours conservés dans les sous-sols du Musée de l'Homme à Paris. A la base, une initiative de notre chroniqueur Brahim Senouci, enseignant universitaire algérien établi en France et issue d'une longue lignée de martyrs de la lutte contre le colonialisme. A l'évidence, cette pétition vise à ce que les restes de ces chouhada aient de dignes sépultures au pays ancestral. Ces crânes sacrés sont entreposés dans de simples cartons et rangés dans de vulgaires armoires métalliques. Une injure suprême à la mémoire de ces valeureux combattants pour l'honneur, la dignité et la liberté de leur peuple ! Notre confrère a donc bien raison de vouloir faire bouger les lignes de la léthargie et de l'oubli. Surtout de secouer, ici même, dans son propre pays, les consciences endormies ou indulgentes, allez savoir ! Il a d'autant plus raison de pétitionner à cet effet qu'il y a eu déjà un précédent en la matière, c'est-à-dire la restitution d'un autre crâne symbolique, celui d'une personnalité prestigieuse kanak. Il s'agit du crâne du grand chef Kanak Ataï qui a été rendu en effet en 2014 à ses descendants. En principe, rien ne s'oppose à la restitution à l'Algérie des crânes de nos moudjahidine pour peu que nos pouvoirs publics en fassent dûment la demande. Le directeur des collections au Musée naturel de l'Homme, M. Philippe Mennecier, l'avait d'ailleurs laissé entendre clairement dans une déclaration à l'agence nationale APS. «Rien n'empêcherait le rapatriement» des restes mortuaires des Algériens, il suffit que la partie algérienne en formule la demande», avait-il alors affirmé. Et comme il l'a précisé lui-même, «seul un accord entre l'Etat algérien et l'Etat français pourrait faciliter la démarche de rapatriement». Or aucune autorité algérienne, à quelque niveau que ce soit, n'a exigé leur retour en Algérie. La démarche citoyenne exprimée par cette pétition est donc la bienvenue. Et il est assez réjouissant de constater qu'elle a suscité un magnifique élan à travers la Toile, notamment sur les réseaux sociaux et dans la blogosphère. Des Algériens de tous bords ont partagé l'appel à la signature de la pétition. La démarche est certes symbolique mais elle est salutaire à plus d'un titre. Ces crânes dont la conservation en France équivaut à un séquestre de biens mémoriels indus, sont des témoins physiques de la glorieuse histoire de la résistance à la barbarie colonialiste. Ils appartiennent à des résistants du milieu du XIXe siècle, notamment à Mohamed Lamjad Ben Abdelmalek, dit Cherif Boubaghla, à Cheikh Bouziane, le chef de la révolte des Zaâtchas (région de Biskra), à Moussa El Derkaoui et à Si Mokhtar Ben Kouider Al Titraoui. La tête momifiée de Aïssa Al Hamadi, qui fut le lieutenant de Cherif Boubaghla, fait également partie du lot. Et il en est de même du moulage intégral de la tête de Mohamed Ben Allel Ben Embarek, lieutenant de l'Emir Abdelkader. L'initiative de notre chroniqueur rappelle que le mérite premier de l'évocation de l'existence de ces crânes revient incontestablement au chercheur en histoire et en épigraphie libyque Ali Farid Belkadi qui a alerté en 2011 sur l'existence de ces restes au Muséum d'histoire naturelle. Le chercheur, militant actif de la mémoire de la lutte anticoloniale, avait appelé les autorités algériennes à entreprendre auprès de l'Etat français «les démarches nécessaires» au rapatriement de ces vestiges. En vain. N. K.