La culture de la consommation fait ses premiers pas en Algérie à travers l'émergence d'un tissu associatif militant pour la défense et la protection des droits du consommateur. Des notions nouvelles pour la société algérienne qui s'est, jusqu'à présent, contentée de singer aveuglément le style de vie européen sans en avoir, cependant, ni l'instruction ni l'information qui vont avec. Très rares sont les études académiques (sociologie, psychologie, culture locale, nature économique profonde du marché) qui sont consacrées à ce sujet qui reste pour l'essentiel inexploré. On en parle uniquement à l'occasion du mois de Ramadhan pour traiter superficiellement de la surconsommation, de la flambée des prix, du gaspillage et du chamboulement de la règle de l'offre et de la demande. Constamment exposé aux médias faisant l'apologie du consumérisme occidental (télévision, Internet, réseaux sociaux…), l'Algérien est souvent tenté de vivre au dessus de ses propres moyens pour se sentir dans le décor. La culture du crédit de consommation, qui fait son chemin dans le pays, est une arme à double tranchant. Ce phénomène social, de l'avis des spécialistes, se trouve aussi accentué par les élites locales qui affichent de manière ostentatoire leur penchant pour ce mode de vie «importé», sans se soucier des besoins impératifs et des urgences réelles de leur pays. «La commercialisation et la mondialisation progressent à vive allure et balayent les cultures locales, les vertus civiques et les notions de dignité et de statut», note Lucia Reish, chercheur au Copenhagen Business School (Danemark). Réagissant à cette ébullition, les associations de consommateurs s'emploient laborieusement à remettre les pendules à l'heure à travers la promotion des concepts nouveaux incitant le citoyen à consommer raisonnablement, en fonction de son propre budget, à réagir avec intelligence face aux fluctuation du marché, à tempérer ses désirs et à éviter le gaspillage de denrées alimentaires. Dans la wilaya de Béjaïa, ces organisations étaient au rendez-vous dès le premier jour de carême pour sensibiliser les citoyens à se ravitailler modérément et à éviter les excès. En collaboration avec l'organisation des Scouts musulmans (SMA), les Bureaux communaux d'hygiène (BCH), les Directions des services agricoles (DSA), du commerce (DCP) et de la santé et population (DSP), les militants associatifs ont lancé une campagne de sensibilisation dans ce sens. L'action, qui touche toutes les localités de la wilaya, se poursuivra durant tout le mois de juin. Des dépliants, exposant des idées et des conseils pour une meilleure gestion du budget ménager, ont été distribués à l'occasion. Des échanges et des discussions directs sont animés dans des stands mis en place à cet effet au niveau des marchés, à l'entrée des superettes et sur les places publiques. Une sympathique initiative qui a été accueillie par la population avec beaucoup d'intérêt. Des initiatives similaires ont été déjà entreprises auparavant pour contrecarrer la flambée spéculative de certains produits de large consommation, allant jusqu'à l'appel au boycott de ces denrées et leur substitution par d'autres de valeur nutritive équivalente. Cet activisme associatif tout azimut donne des résultats, puisque on assiste ces derniers temps à une espèce de résistance à la «tentation». Toutefois, l'action du mouvement associatif, à elle seule, reste insuffisante. Les chiffres rendus publics concernant le gaspillage des produits alimentaires (notamment, ceux subventionnés par l'Etat) restent excessivement élevés. On parle d'une enveloppe de 5 millions de dinars, rien que durant le mois du Ramadhan. D'autres acteurs doivent aussi intervenir dans ce domaine pour une meilleure exploitation des ressources et une moralisation de la consommation. Il est vrai que la consommation est indispensable à la bonne marche de l'économie. Mais il s'agit plus précisément de se situer dans l'équilibre et la symbiose entre l'offre et la demande pour que tout aille pour le mieux. On parle à ce niveau d'éthique de la consommation, car cette dernière a aussi un impact environnemental ravageur et des conséquences psychosociologiques et culturelles extrêmement néfastes. Universitaires et chercheurs ont, à ce propos, beaucoup de travail à faire pour disséquer cette question sensible afin d'éclairer correctement le consommateur. Il s'agit de dépasser le rayon des produits alimentaires pour s'intéresser à d'autres sphères d'activités comme l'énergie, l'automobile, le logement, le voyage… En fin, le mode de vie de l'Algérien dans son intégralité. K. A.