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Babel ou la porte du ciel
Publié dans La Tribune le 04 - 08 - 2016

La Genèse est riche en mythes de toutes sortes... A une époque durant laquelle les hommes parlent tous la même langue, la langue adamique. Babel-Babylone est une cité prospère et fière. C'est justement son orgueil qui va finir par la perdre. Nemrod, roi-chasseur, caresse l'idée de construire une tour destinée à s'élever jusqu'au ciel, pensant ainsi rivaliser avec la puissance divine. A travers Nemrod, l'humanité manifeste ainsi son désir de gloire et de puissance et, surtout, de se détacher de son essence.
La Genèse est riche en mythes de toutes sortes... A une époque durant laquelle les hommes parlent tous la même langue, la langue adamique. Babel-Babylone est une cité prospère et fière. C'est justement son orgueil qui va finir par la perdre. Nemrod, roi-chasseur, caresse l'idée de construire une tour destinée à s'élever jusqu'au ciel, pensant ainsi rivaliser avec la puissance divine. A travers Nemrod, l'humanité manifeste ainsi son désir de gloire et de puissance et, surtout, de se détacher de son essence. La colère céleste qui s'ensuit se manifeste par la multiplication des langues et donc une cacophonie généralisée. Les habitants de la cité, incapables de se comprendre, s'appauvrissent et finissent par se disperser à la surface de la terre. Dieu a donc décidé, selon le mythe, de punir les hommes à travers leur moyen d'expression, la langue. Un très beau film d'André Delvaux, Un soir, un train, rend compte de façon douloureuse de l'incommunicabilité entre des êtres séparés par la barrière de la langue.
Le mythe n'est pas conforme à la vérité historique ; il est néanmoins porteur de sens. Une première lecture de celui de la Tour de Babel présuppose que la multiplication des idiomes est une malédiction, un facteur de division. Une autre lecture pourrait laisser penser que cette multiplication est au contraire une source d'enrichissement, une construction de l'altérité, préférable à l'uniformité qui était la règle avant la construction de la Tour. Ces deux lectures ne sont pas forcément exclusives l'une de l'autre. Des massacres ont été commis entre des populations parlant une langue différente de celle de leurs assassins. Palestiniens et Libanais ont la langue arabe en partage, ils ne se distinguent que par d'infimes variantes. Ainsi, les Libanais, pour désigner la tomate disent «pandoura», alors que les Palestiniens disent «panadoura». Ce détail s'est révélé tragique lors de la guerre civile qui a secoué le Liban de 1975 à 1990. Aux barrages tenus par les Phalanges chrétiennes, on demandait aux passagers d'un autobus de nommer une tomate qu'on agitait sous leurs yeux. Ceux qui disaient «panadoura» subissaient le sort que le lecteur pourra imaginer...
Il y eut des centaines de tentatives de création d'une langue universelle. Leurs promoteurs poursuivaient des idéaux pacifiques. Ils voyaient dans la majorité des conflits qui secouaient le monde un effet direct de l'incompréhension due à l'absence de langue commune. Parmi ces tentatives, citons-en deux, aux fortunes opposées. Le volapuk, après avoir conquis des centaines de milliers d'adeptes au XIXe siècle, a périclité et ne compte plus que vingt à trente locuteurs, présents surtout sur les réseaux sociaux. La faillite de cette langue est en grande partie due à l'essor de l'espéranto. Cette langue est née en Pologne, dans la ville de Bialystok, alors sous protectorat russe, à la fin du XIXe siècle, grâce à l'opiniâtreté de Zamenhof. Cette ville comptait alors cinq communautés : polonaise, russe, allemande, juive et lituanienne, et autant de langues. Entre les communautés régnait, au mieux l'indifférence, au pire, l'animosité, voire la haine. L'idée de Zamenhof était de construire une langue neutre, facile, qui ne devait en aucun cas se substituer aux langues existantes, une langue commune en somme plutôt qu'une langue unique. C'est l'exemple le plus réussi de langue artificielle puisqu'elle est pratiquée par plusieurs millions de locuteurs et qu'elle est même reconnue par l'ONU.
En Algérie, on peut se poser la question de savoir s'il existe dans les faits une langue nationale. Certes, l'arabe et le tamazight le sont officiellement. Pour autant, jouent-elles leur rôle de langues communes ? La réponse est non. Elles ont subi depuis quelques décennies une perte de substance très importante, qui les rend de plus en plus inaptes à être les supports d'un débat intellectuel, à traduire les nuances. Pourquoi les a-t-on laissé dépérir ? Pourquoi nous sommes-nous défaits de cet héritage ? Pourquoi avons-nous construit cette Tour de Babel inversée, symbole de la disparition progressive de nos langues mères, dont la beauté irrigue la poésie du melhoun, du chaâbi, de la Berbérie ? Pourquoi nous contentons-nous de cette novlangue qui pollue nos conversations, ce sabir dont la pauvreté ne peut se prêter qu'à la vocifération et à l'insulte ? D'où nous vient cette propension suicidaire à détruire notre héritage ?
La haine de soi ? Probablement. C'est ce même ressort qui nourrit les manifestations bruyantes de regret de l'époque coloniale, l'oblitération des massacres qui l'ont scandée, les enfumades, les emmurements, les camps de regroupement dans lesquels on a concentré plus du tiers d'une population algérienne affamée. Que l'on me permette de revenir un instant sur un épisode sinistre que j'ai modestement contribué à remettre dans l'actualité. Il s'agit du séquestre, par la France, des crânes de résistants algériens massacrés en 1849, lors de la bataille des Zaatcha. Une pétition demandant leur rapatriement en vue d'une inhumation digne, a été signée par plus de 28 000 personnes, dont une minorité d'Algériens ! C'est ce que les statistiques laissent apparaître. On peut avancer diverses conjectures sur cette indifférence de nos concitoyens vis-à-vis d'une question aussi lourde de symboles.
La haine de soi, bien sûr, et ses variantes, l'«aquoibonisme», la défiance généralisée, le sentiment diffus qu'une faute originelle, inexpiable, explique notre situation actuelle…
Comment en sortir ? En s'engageant enfin dans une action positive. Si, en dépit de l'immobilisme incompréhensible de notre gouvernement, nous arrivons à rapatrier ces fameux crânes, nous aurons réussi à faire aboutir une entreprise collective. Cette réussite pourrait préfigurer une nouvelle ère qui serait celle du retour de l'estime de soi et de l'engagement, enfin, dans une logique de construction et de progrès. Nous retrouverions enfin le paysage de nos aïeux : «Tout y parlerait, à l'âme en secret, sa douce langue natale…»
B. S.
*Ecrivain, maître de conférences et militant algérien. Professeur de sciences physiques à l'université de Cergy-Pontoise en France.


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