«Fernand Iveton, Imam El-Houari… : Le révisionnisme à l'oranaise», titre notre confrère de l'Oranais.com. Et ce le révisionnisme, déjà outrecuidant en soi, a le visage hideux de l'ignorance crasse et de l'arrogance des ignares ! Et pour cause ! Ces adeptes circonstanciels oranais ont osé s'attaquer à un des grands symboles de notre glorieuse guerre de Libération, le chahid Fernand Yveton. Ils ont osé ces misérables débaptiser la rue qui porte son illustre nom en plein centre-ville d'Oran ! «La rue Yveton débaptisée et c'est le scandale de trop», écrit encore notre confrère profondément outré, comme nous le sommes ! Car Yveton n'est pas n'importe qui. Oui, répétons-le encore, Fernand Yveton n'est pas n'importe qui. Au-delà même de son honorable parcours de moudjahid, il est - et c'est là toute la puissance du symbole - le premier et le seul guillotiné «européen d'Algérie» durant la guerre d'indépendance. Et encore une fois, c'est notre confrère qui dit bien les choses lorsqu'il souligne que «débaptiser une rue portant son nom c'est guillotiner la mémoire d'un peuple». A Oran, la bêtise, qui n'en est pas à son premier crime de lèse-mémoire, mène déjà, depuis un certain temps, au vu et au su de tout le monde, une sordide et scandaleuse campagne de débaptisation. Ses auteurs coupables ? Des élus appuyés dans leurs méfaits par la section locale de l'ONM, l'organisation des moudjahidine censée être la vigie vigilante qui veille sur les symboles de la mémoire de la Révolution ! Et on apprend encore que cette fantasque équipe d'affreux gugusses débaptiseurs de rues, a même osé par ailleurs l'impensable : débaptiser la rue Imam El-Houari du nom du célèbre ouléma et saint-tutélaire de la ville, située dans le quartier éponyme. Crime incroyable, mais les crétins, et c'est là qu'on les reconnaît comme tels, osent toujours plus ! Et ce n'est pas encore fini. Dans la vieille ville porteuse de l'ADN de l'authenticité citadine oranaise, même les voies baptisées aux noms de martyrs du quartier comme les frères Guerrab et autres Moritz ont été effacés. Mais aussi scandaleux et impudents que soient ces crimes commis contre la mémoire de la Révolution et de son martyrologe, le cancer de la débaptisaation n'a pas commencé à Oran. On en a eu déjà un exemple fortement symbolique en 1992 lorsque le HCE présidé par Mohamed Boudiaf et appuyé par l'ONM dirigée par Ali Kafi, deux grands moudjahid devant l'Eternel, avait décidé de débaptiser à Alger le boulevard Salah Bouakouir. Certes, cette belle artère porta ensuite un nom des plus illustres, celui de Krim Belkacem qui y connut-là une certaine forme de réhabilitation morale, lui qui fut assassiné par ses pairs révolutionnaires au Maroc. Mais tout de même ! Comme si le moudjahid discret Salah Bouakouir fut reconnu, trente ans après l'Indépendance, comme un traître ! Pour l'Histoire, Salah Bouakouir est cet ancien DG des affaires économiques et de l'industrialisation du Gouvernement général français en Algérie durant la guerre de Libération. Il est officiellement mort en septembre 1961, noyé par les ultras de l'OAS. Certaines mauvaises langues, de celles qui s'expriment justement dans le registre du négationnisme, disent qu'il fut tout simplement mort d'hydrocution à La Madrague ! Mais pour des anciens du Malg, le Ministère de l'Armement et des liaisons générales, ancêtre de nos services spéciaux, il fut un grand combattant de l'ombre. En marge d'un colloque international organisé à l'hôtel Aurassi d'Alger, sur le thème «Enrico Mattei et l'Algérie pendant la guerre de Libération nationale», Dahou Ould Kablia, ex-ministre de l'Intérieur et président de l'Association des anciens du Malg, fut affirmatif : «Salah Bouakouir a apporté son concours au Malg et a été assassiné pour cette raison. Il était une source d'informations précieuses pour le Malg en ce qui concerne notamment la politique coloniale en matière d'hydrocarbures». Il est allé même jusqu'à établir un parallèle entre la mort mystérieuse de l'Italien Enrico Mattei, en octobre 1962, dans un crash d'avion, et celle non moins énigmatique de Salah Bouakouir, en septembre 1961, par «noyade». Rappel historique : Enrico Matteï est cet industriel pétrolier italien qui, après la Seconde Guerre mondiale, a créé un puissant trust national appelé l'ENI, l'Ente Nazionale Idrocarburi (ENI). Sous sa direction, l'ENI a négocié d'importantes concessions pétrolières au Moyen-Orient, ainsi que des accords commerciaux cruciaux avec l'Union soviétique. Son nationalisme pétrolier et son tiers-mondisme ont permis de briser en son temps l'oligopole des Sept Sœurs impérialistes qui dominaient l'industrie pétrolière mondiale au milieu du XXe siècle. Il a aussi introduit le principe selon lequel le pays où se situe l'exploitation pétrolière perçoit 75% des profits. En établissant donc un rapport entre sa mort et celle de Salah Bouakouir, le «Malgache» Dahou Ould Kablia a alors laissé entendre que ces deux patriotes algérien et italien avaient été assassinés par «les services spéciaux français pour leur apport précieux dans le dossier des hydrocarbures, lors des négociations d'Evian qui ont abouti à l'indépendance de l'Algérie». Dans les faits, à partir de sa position de haut responsable au sein du Gouvernement général français, il transmettait systématiquement des copies de dossiers en sa possession au Gpra. Notamment des informations sur la politique française dans le domaine des hydrocarbures. Selon Ali Chérif Déroua, autre officier du Malg, Salah Bouakouir avait rencontré en 1959 à New Delhi le premier président du Gpra Ferhat Abbas. A partir de cette rencontre, «Bouakouir s'était mis à la disposition et au service du Gpra et de la Révolution». Cette qualité de passe-muraille actif au service de la Cause de son peuple n'a pourtant pas suffi à empêcher que son nom disparaisse de l'espace public. En effet, ce n'était point l'avis du président Mohamed Boudiaf qui l'aurait connu dans d'autres circonstances et qui, à ses dires, y voyait un «traître». C'est ainsi que, longeant début 1992 le boulevard ex-Télemly devenu Salah Bouakouir, il eut la «surprise» de constater qu'il portait son nom. Il a illico procédé à sa débaptisation en lui donnant le nom de Krim Belkacem ! Comme on le constate, le révisionnisme historique n'a pas attendu les sinistres hurluberlus d'Oran pour s'exprimer ! N. K.