C'est une information qui a immédiatement provoqué la fébrilité sur le marché des changes et des taux. Selon l'agence Bloomberg, mardi 4 octobre, citant des «sources internes à la BCE», l'institution de Francfort aurait déjà obtenu un consensus interne sur la stratégie de sortie de son programme de rachat d'actifs (souvent appelé «QE») qu'elle a élargi en mars dernier à 80 milliards d'euros par mois en y incluant des obligations privées. C'est une information qui a immédiatement provoqué la fébrilité sur le marché des changes et des taux. Selon l'agence Bloomberg, mardi 4 octobre, citant des «sources internes à la BCE», l'institution de Francfort aurait déjà obtenu un consensus interne sur la stratégie de sortie de son programme de rachat d'actifs (souvent appelé «QE») qu'elle a élargi en mars dernier à 80 milliards d'euros par mois en y incluant des obligations privées. Ce retour à la normale, connu sous son nom d'anglais financier de «tapering», pourrait s'engager dès qu'une décision sera prise sur la date de fin du programme, aujourd'hui fixée à mars 2017, et pourrait prendre la forme d'une réduction progressive mensuelle des rachats de 10 milliards d'euros. Surprise Cette annonce a provoqué immédiatement après la publication de ces informations une remontée brutale de l'euro au-dessus de 1,12 dollar, jusqu'à 1,1230 dollar. Mercredi 5 octobre au matin, il était encore aux alentours de 1,1230 dollar à la mi-séance. Parallèlement, hier, ces annonces ont pesé sur les marchés actions européens qui affichaient tous des baisses (-0,85% pour le CAC 40 et -0,78% pour le Dax 30 vers midi). Il est vrai que lors de sa dernière conférence de presse, le président de la BCE, Mario Draghi avait affirmé que le sujet de la sortie du programme de rachat n'avait pas été évoqué lors du conseil des gouverneurs. Cette information a donc pu surprendre. Mais il est vrai également que les limites de cette stratégie purement monétaire pour relancer l'inflation et la croissance apparaissent désormais de plus en plus évidentes. Ce qui inquiète les marchés L'évocation du ralentissement des achats est déjà une préoccupation pour les marchés. Mais l'élément le plus inquiétant pour les marchés dans les informations publiées par Bloomberg, ce n'est pas le ralentissement en soi des rachats, mais le fait que ce ralentissement interviendrait avant la fin prévue du QE. La date de la fin du programme est actuellement fixée à mars 2017. Tout le monde s'attend à ce que cette date soit repoussée à septembre 2017. Mais si l'on en croit Bloomberg, ces six mois devraient surtout servir à réduire les rachats, alors que, jusqu'ici, on tablait plutôt sur un rythme maintenu à 80 milliards d'euros par mois jusqu'à la fin du programme, puis à un ralentissement des rachats. Ceci signifierait alors un dégonflement des rachats dès le printemps prochain, ce qui induirait un scénario «catastrophe» pour les marchés : un resserrement monétaire simultané des deux côtés de l'Atlantique puisque la Fed s'apprête à relever ses taux en décembre. Apparemment, les marchés n'y sont pas prêts. Un QE qui durera, quoi qu'il arrive Il faut préciser que la fin officielle du QE de la BCE ne signifie pas la fin des rachats. Mario Draghi a en effet promis que les fonds versés lorsque les dettes rachetées arriveront à maturité seront réinvesties «aussi longtemps que nécessaire». Autrement dit, il n'y aura pas de réduction de la masse monétaire créée par le programme immédiatement et des opérations de rachat, plus ponctuelles et moins régulières pourraient ainsi avoir lieu jusqu'en 2020 si l'on en croit le président de la Banque des Pays-Bas Klaas Knot la semaine dernière. Par ailleurs, le président de la BCE a aussi promis que la politique de taux resterait la même au moins «bien après la fin du QE». Une stratégie de communication ? Mais le marché ne semble pas prêt à assumer une réduction des rachats dans six mois. Sa réaction à l'annonce de Bloomberg le prouve. Ceci donne une indication qu'aujourd'hui, comme le souligne dans une note Frederik Ducrozet, économiste chez Pictet, toute réduction des rachats conduirait inévitablement à un durcissement des conditions de financement des entreprises. C'est peut-être là le véritable but de cette «fuite» à Bloomberg : montrer que, malgré les critiques de plus en plus vive, la politique de la BCE est encore absolument nécessaire et que tout resserrement aurait des conséquences néfastes sur l'activité et l'inflation. Dans le débat où se trouve engagé la BCE sur l'utilité de sa politique, cette réaction des marchés est un argument important. Ceci pourrait aussi être un élément de communication interne : en donnant des gages aux «faucons» partisans du resserrement, on leur prouve que leurs demandes sont impossibles à satisfaire. Tout dépendra de l'évolution économique Du reste, comme le rappellent les «sources» de Bloomberg, le moment de la réduction des rachats d'actifs dépendra de la situation économique. Autrement dit, ces «scénarios» de sortie ne sont pas gravés dans le marbre. Elles dépendront de l'évolution du taux d'inflation. Or, si ce dernier s'est redressé à 0,4% en septembre contre 0,2% en août, il reste encore loin de l'objectif des 2% de la BCE. Surtout, l'inflation sous-jacente, celle qui ne dépend pas des évolutions de l'énergie et de l'alimentation, est restée stable à 0,8%, un niveau plus faible qu'au printemps. La remontée de l'inflation s'explique donc par l'effet de base sur les prix de l'énergie. Une telle évolution réduit les gains de pouvoir d'achat sur les ménages et fait donc pression sur la consommation sans pour autant offrir de perspectives attrayantes aux entreprises pour les inciter à investir. Du reste, les perspectives de croissance demeurent très modestes. Le moment n'est donc pas venue de resserrer la politique monétaire qui, si elle ne contribue que peu à la croissance (il faudrait pour la dynamiser une politique d'investissement public), permet néanmoins d'assurer un niveau d'activité minimale. Le «tapering» ne pourra alors avoir lieu que quand les anticipations d'inflation et d'inflation sous-jacente seront de retour à un niveau satisfaisant. Aujourd'hui, les prévisions des équipes de la BCE n'envisagent pas de retour aux alentours des 2% avant 2018 ou 2019. Le «QE» ne sera donc pas à l'origine d'une hyperinflation. De quoi justifier pendant encore longtemps une politique très accommodante. R. G. In latribune.fr