La Banque centrale européenne (BCE) va conserver cette semaine son arsenal monétaire en l'état, jugent unanimement les économistes qui se montrent surtout avides d'éclaircissements après des craintes récentes d'une réduction de la politique ultra-accommodante en zone euro. Comme toutes les six semaines, le conseil des gouverneurs, organe de décision de l'institution de Francfort, passera aujourd'hui en revue sa politique monétaire, caractérisée actuellement par des taux historiquement bas et une batterie de mesures visant à doper l'économie et l'inflation. Aucun économiste ne s'attend à un changement. Le principal taux directeur devrait rester à 0% et le taux sur les dépôts négatif. Les banques qui stockent des liquidités auprès de la BCE doivent lui payer une taxe de 0,40% depuis mars. Attentisme également prévu concernant les autres mesures de soutien à l'économie.
Rendez-vous en décembre Le président Mario Draghi avait annoncé en septembre la mise en place de comités chargés d'évaluer et éventuellement d'amender le programme de rachats massifs de titres de l'institut, du coup la réunion de la semaine prochaine "devrait arriver trop tôt pour toute grande avancée", souligne Carsten Brzeski, de la banque ING-Diba. Les analystes misent sur un nouvel assouplissement monétaire lors de la réunion du 8 décembre, quand la BCE dévoilera ses nouvelles projections de croissance et d'inflation trimestrielles, sur lesquelles elle s'appuie pour justifier ses décisions. De grands événements politiques cet automne devraient de surcroît inciter les gouverneurs à patienter, comme les élections américaines du 8 novembre et le référendum italien du 4 décembre, sur lequel le chef du gouvernement Matteo Renzi joue son avenir politique. S'ajoutent les incertitudes sur l'impact du "Brexit" et sur une prochaine remontée des taux par la Réserve fédérale américaine. "La BCE voudra sans doute avoir une image un peu plus claire de la situation politique globale pour prendre sa décision de politique monétaire", a affirmé Gilles Moëc, chef économiste chez Bank of America-Merrill Lynch. Pour Jonathan Loynes, de Capital Economics, qui met en avant une croissance "toujours clairement morne" en zone euro, la banque centrale pourrait déjà dès aujourd'hui préparer le terrain à une extension de ses rachats de dettes sur les marchés ("QE" pour "Quantitative easing", assouplissement quantitatif). Le programme a été lancé en mars 2015. Porté à 80 milliards d'euros d'achat par mois, il vise à doper le crédit, et par ricochet, l'inflation et la croissance en zone euro. Si l'inflation a atteint son plus haut niveau en septembre depuis près de deux ans, à 0,4% sur un an, il reste très loin de l'objectif d'un peu moins de 2% de la BCE.
"Tapering" Les analystes veulent surtout des éclaircissements de M. Draghi sur l'avenir du programme, après des rumeurs affirmant que la BCE devrait le réduire non pas parce que la situation macro-économique l'autorise, mais parce qu'elle n'a plus les moyens de l'appliquer. Début octobre, l'agence Bloomberg News -citant des sources proche de l'institut- a ainsi évoqué une possible diminution progressive, dit "tapering", de ce programme, à un moment où des doutes ont surgi quant aux capacités techniques de la BCE à trouver, chaque mois, pour 80 milliards d'euros de titres à racheter, en respectant les critères qu'elle s'est elle-même fixés. Si la BCE s'est empressée de démentir cette information, celle-ci a fait vivement réagir les marchés en dopant notamment les taux d'emprunts. Le "QE" doit officiellement prendre fin en mars 2017, mais la banque centrale a régulièrement indiqué qu'elle pourrait l'étendre au-delà de cette date "si nécessaire", envoyant un message rassurant aux marchés qui profitent de ce robinet de liquidités. "A partir du moment où le mot +tapering+ a été lâché, c'est devenu la grande affaire" sur le marché où la nervosité est désormais palpable, explique Gilles Moëc. "Que ce soit voulu par la BCE ou non, c'est un discours qui commence à être intégré par de plus en plus d'investisseurs et nous avons besoin d'une clarification", estime l'analyste.