De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi Le début des années 1980 était riche en tubes. Le fameux «Plan anti-pénurie» (PAP) instauré par l'ex-président de la République Chadli Bendjedid, a permis à de nombreux jeunes de s'initier à la magie des notes. Et pour cause ! Les défunts Souk El Fellah proposaient des instruments de musique à moindre coût. La qualité n'y était pas, mais on pouvait se payer une guitare à bon prix. Qui aurait cru qu'un jour cette manne allait s'estomper jusqu'à s'éteindre durant la décennie noire et ne reprendre que difficilement à l'horizon 2000, mais sous une nouvelle forme, commerciale. Fini le temps des subventions étatiques qui nous permettaient de trouver une flûte traversière à moins de 1 000 DA. Constantine compte actuellement une poignée de vendeurs. En fait, ce ne sont pas des spécialistes. C'est le hasard et la demande du marché qui les a encouragés à se lancer dans le commerce des instruments de musique et des matériels sono. Et c'est tant mieux. Car, même si les produits qu'ils proposent ne sont pas tous de haute qualité, on peut toujours dénicher un bon instrument. Les élèves du conservatoire et des autres associations musicales que compte la cité s'y approvisionnent d'ailleurs. L'alternative n'est pas encore trouvée pour passer des commandes à la source. «Nous n'avons pas vraiment le choix. En dépit de la qualité qui fait défaut, je pense que les mélomanes pourront entamer leur parcours à l'aide d'instruments pour le moins acceptables. On peut se payer un saxo alto à 6 000 DA», nous dira un enseignant au conservatoire Bentobal. Les étudiants et apprenants en musique passent leurs commandes dans ces magasins. Deux «vendeurs musiciens» au moins se consacrent à ce métier, révèle le responsable d'une association malouf, et d'ajouter : «Le marché est actuellement inondé de produits chinois. Concernant l'orchestration de l'association, elle s'effectue chez les vendeurs cités. Il faut savoir que nous avons des luthiers en Algérie qui produisent de bonnes mandolines, et aussi des luths qui sont bien meilleurs que ceux importés de Syrie. Des percussions légères sont aussi fabriquées en Algérie.» Autre manque, les vendeurs ignorent pour la plupart que l'instrument, indispensable au perfectionnement des apprenants, est conçu pour un stade spécifique à l'avancement des techniques musicales au cours du cursus au conservatoire. Cette caractéristique n'est pas prise en compte. Mais les enseignants «ferment» l'œil sur cet aspect sous peine de voir les salles d'études se vider si l'on exigeait l'instrument qu'il faut pour le niveau d'étude. On comprend parfaitement le souci de l'éducateur de transmettre les techniques, quitte «à renverser maladroitement au passage quelques accords». Toutefois, les responsables devraient se pencher sur le problème de l'importation et de la commercialisation des instruments de musique pour éviter que des instruments de mauvaises facture et qualité ne soient vendus comme étant «professionnels». La progression d'un élève musicien dépend étroitement de la qualité de l'instrument qu'il a entre les mains. Le commerce devrait respecter un peu plus l'art, de gré ou par la force de la loi…