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«La nuit coloniale a été jalonnée de massacres proches du génocide»
Message du président de la République à l'occasion du 62e anniversaire du 1er Novembre 1954
Publié dans La Tribune le 01 - 11 - 2016

La 62e commémoration du déclenchement de la glorieuse Révolution du 1er Novembre 1954 constitue une émouvante communion nationale, en hommage à nos glorieux martyrs, et en reconnaissance à nos vaillants moudjahidine et moudjahidate, ceux et celles qui nous ont malheureusement quittés déjà, et ceux et celles auxquelles nous souhaitons bonne santé et longue vie.
En effet, nous célébrons demain, avec ferveur et avec fierté, le combat libérateur par lequel notre peuple a fait triompher son refus séculaire de l'invasion et de l'occupation coloniales.
La nuit coloniale a été jalonnée de massacres proches du génocide. Elle a généré aussi une spoliation massive de nos terres, au profit de colons étrangers, alors que des milliers d'Algériens subissaient la déportation. Elle a donné lieu, également, à une tentative d'éradication de notre identité nationale. Telles furent, parmi d'autres tout aussi condamnables, les réalités du colonialisme en Algérie, des réalités que nul discours outre-mer, ne saurait à jamais ni travestir ni encore moins effacer.
Durant un siècle, les soulèvements successifs de notre peuple ont attesté héroïquement de son refus résolu de l'occupation. Notre peuple a espéré aussi que sa contribution à la libération de l'Europe lui vaudrait une restauration pacifique de sa propre liberté, mais en vain, comme en témoignent les massacres de dizaines de milliers de nos compatriotes sans armes, en Mai 1945.
Telles furent donc les origines profondes du sursaut salvateur du 1er Novembre 1954 par lequel notre peuple a décidé, les armes à la main, de reconquérir sa liberté et son indépendance.
La lutte aura été terrible et disproportionnée en moyens. Le sol de l'Algérie aura été irrigué du sang d'un million et demi de martyrs, soit plus du sixième de sa population, les uns tombés héroïquement au champ d'honneur les armes à la main, les autres, hommes, femmes et enfants, enlevés dans les villes et les villages, et assassinés dans les geôles coloniales ou sous la torture.
Le tribut versé par notre peuple pour son indépendance compte aussi des centaines de milliers de veuves et d'orphelins, des centaines de milliers d'handicapés, et des millions de personnes déracinées de leurs terres et mechtas brûlées, souvent par le napalm.
Tels sont donc les lourds sacrifices que nous commémorons. Tel est le souvenir qu'il est de notre devoir de perpétuer dans la mémoire nationale, non par pour cultiver la haine, mais pour que nul n'oublie le prix que notre peuple a payé afin de vivre libre et indépendant.
La glorieuse Révolution de Novembre a valu à notre peuple une admiration méritée à travers les continents. Elle a été couronnée par la restauration de notre Etat indépendant et souverain. Mais cette Révolution aurait été inachevée sans la consécration de tous ses objectifs post-indépendance, consignés dans la Déclaration du 1er Novembre 1954, et notamment l'édification d'une démocratie sociale, dans le cadre des principes islamiques, et dans le respect des libertés fondamentales, sans distinction de races ou de confessions.
Ce chantier était gigantesque, à la mesure des retards qu'il fallait rattraper, et à la mesure des légitimes espérances de notre peuple, si généreux dans ses sacrifices. Le peuple a vite investi sa foi et son enthousiasme dans la reconstruction du pays.
Les principes fondateurs consignés dans la Déclaration de Novembre ont été érigés en constances nationales dès la première Constitution dont notre peuple s'est doté, et ils seront confirmés et complétés au fil des mises à jour de notre Loi fondamentale.
Le développement économique et social du pays a été entamé de manière robuste, dès la première décennie de l'indépendance, et il connaîtra des progrès remarquables, même s'il a été entravé un moment.
L'ouverture démocratique a été engagée il y a un quart de siècle déjà. Elle fut malheureusement contrariée par une douloureuse tragédie nationale que notre peuple a su endiguer par sa résistance solitaire, puis transcender par son choix noble et fructueux de la Réconciliation nationale.
J'ai eu l'occasion d'évoquer, à l'occasion de la dernière célébration de la fête nationale de l'indépendance et de la jeunesse, tout ce que vous avez réussi à réaliser dans la paix restaurée et dans la stabilité consolidée.
Je voudrais partager avec vous, aujourd'hui, quelques remarques sur notre avenir national.
La réalisation d'un développement économique et social à la mesure des besoins de notre population requiert un effort soutenu et demeure exposée aussi aux aléas de la conjoncture économique et géopolitique extérieure. Voilà pourquoi, le succès de cette bataille nécessite un front intérieur solide, afin d'en relever les défis multiples, dont je relèverai trois en particulier.
En premier lieu, il s'agit du défi de la sécurité du pays, des personnes et des biens, sans laquelle le développement serait entravé, sinon même compromis.
L'Algérie sait pouvoir compter sur les capacités, le professionnalisme et le patriotisme de l'Armée nationale populaire, digne héritière de l'Armée de Libération nationale, ainsi que sur le potentiel et l'expérience de ses corps de sécurité, pour préserver l'intégrité du territoire et éradiquer les résidus du terrorisme de son sol.
Je saisis cette occasion pour rendre un hommage appuyé aux officiers, sous-officiers et djounoud de l'Armée nationale populaire, pour leur mobilisation et leurs sacrifices au service de la Patrie. Je salue, aussi, l'engagement et le savoir-faire des personnels de nos corps de sécurité qui veillent notamment à la sécurité des citoyens et à la lutte contre les fléaux qui menacent notre société.
La sécurité du pays, la destruction du terrorisme, le recul des fléaux criminels et même la sécurité publique, sont autant de causes qui nécessitent, également, la vigilance collective, à laquelle j'appelle chaque citoyen et chaque citoyenne.
Le terrorisme est un fléau en expansion dans le monde et dans notre voisinage. Les trafics d'armes et de drogues notamment, ont atteint un seuil dangereux dans notre sous-région. Notre Armée et nos corps de sécurité doivent donc pouvoir compter sur l'appui des citoyens et sur le développement de l'esprit civique dans toutes nos contrées.
J'aborderai en second lieu, le défi du développement économique et social à poursuivre et à intensifier.
En ce domaine, et durant près de deux décennies, des efforts gigantesques ont été investis et des résultats remarquables ont été atteints. Des centaines de milliards de dollars de revenus pétroliers ont été mobilisés, notamment pour la construction des écoles, des universités, des hôpitaux, des logements, des amenées d'énergie et d'eau courante, ainsi que dans les infrastructures de base.
Cette dynamique a concouru aussi au recul du chômage et à l'amélioration des conditions de vie de larges couches de la population. De plus, ces réalisations, même si elles demeurent insuffisantes au regard de l'importance des besoins, sont une affirmation palpable de l'attachement de l'Etat à la justice sociale et de la solidarité nationale.
Cependant, l'Algérie fait face, depuis deux années, à une brutale détérioration de ses revenus, comme c'est le cas des autres pays producteurs de pétrole.
Des mesures prises ces dernières années, dont le remboursement anticipé de la dette extérieure et une gestion prudente de nos réserves de change, nous permettent aujourd'hui de préserver notre indépendance de décision économique, et je suis convaincu que chacun de vous tient à la sauvegarde de cette indépendance qui concorde avec notre fierté nationale.
C'est donc là un motif supplémentaire d'en appeler à une mobilisation nationale pour partager l'effort que nous imposent nos difficultés financières conjoncturelles, afin de poursuivre notre processus prometteur de développement.
De fait, le redressement de notre situation économique et financière est à notre portée. Le nouveau modèle de croissance adopté récemment permettra une mise en valeur plus intense de nos riches potentialités pour bâtir une économie plus diversifiée, capable de répondre aux besoins de notre jeunesse en emplois, et à même de pérenniser nos options sociales.
Il nous appartient donc d'accélérer et d'approfondir nos réformes pour la modernisation de la gouvernance, la dynamisation de l'investissement, et pour une efficacité accrue de la dépense publique, des domaines parmi d'autres, où nous enregistrons, chaque jour déjà, des progrès prometteurs.
Il nous reste également à cou courir, ensemble, à la préservation de la paix sociale pour le succès de notre démarche de construction nationale.
A cet effet, le Gouvernement est attelé au dialogue et la concertation avec ses partenaires économiques et sociaux. Je les invite tous ensemble à concourir à la préservation de la paix sociale. J'invite, également, les citoyens à faire preuve de discernement face aux discours populistes ou électoralistes.
Le troisième et dernier défi que je souhaite évoquer aujourd'hui est celui de la stabilité politique.
Grâce à Dieu, notre pays dispose d'un édifice institutionnel national et local, issu d'élections tenues à rythme régulier. En outre, la Constitution révisée au début de cette année a conforté les règles de la démocratie pluraliste, renforcé la place et les droits de l'opposition, y compris à l'intérieur du Parlement, et enrichi notre système électoral avec de nouvelles garanties de transparence et d'impartialité.
C'est dans ce contexte que nous nous dirigeons vers la tenue d'élections législatives, puis locales, l'année prochaine, dans le cadre d'un Code électoral récemment mis à jour pour prendre en compte les nouvelles garanties de transparence édictées par la Constitution. En même temps, la mise en place de la Haute instance indépendante de surveillance des élections a été engagée afin que cette institution soit opérationnelle avant les prochaines élections législatives.
En ma qualité de garant de la Constitution, je veillerai à la concrétisation et au respect de tous ces nouveaux acquis, de sorte que la démocratie accomplisse de nouvelles avancées dans notre pays, que notre peuple s'investisse plus dans le choix de ses représentants, et que les Assemblées qui en résulteront, au niveau national et local, puissent concourir davantage au succès des réformes et du développement à tous les niveaux.
Certes, l'ambition de l'accès au pouvoir est la finalité du pluralisme démocratique. Cependant, le succès de la démocratie pluraliste exige la stabilité. J'appelle donc toutes nos formations politiques à concourir à la préservation de cette stabilité. C'est là une obligation pour chacun, envers le peuple source de la démocratie, et envers la Patrie unique pour tous.
Vous êtes un peuple respecté et admiré dans le monde pour sa capacité à résister et à relever les défis, et vous en avez administré la preuve à maintes reprises.
L'Algérie a pu restaurer sa sécurité et elle continuera, avec l'aide de Dieu, à la préserver dans son environnement agité.
L'Algérie dispose aussi des atouts nécessaires pour aller plus loin dans son développement, répondre davantage aux besoins sociaux de chacun de ses citoyens et rejoindre le peloton des pays émergents.
L'Algérie s'est dotée, également, d'une démocratie authentique qui continuera de progresser, pour prouver au reste du monde que nous n'avons rien à envier à quiconque en ce domaine.
Tout cela est le fruit de vos efforts et de vos sacrifices. Tout cela vous interpelle encore pour la poursuite et le succès «du grand djihad» pour demeurer toujours à la hauteur de la Révolution de Novembre, et pour être dignes des sacrifices de nos glorieux martyrs.
C'est sur cette note d'espoir légitime que je conclus ce message, en vous présentant, chers compatriotes, mes chaleureuses félicitations à l'occasion de la célébration de notre Fête nationale du 1er Novembre, en vous souhaitant, également, davantage de bonheur et de bien-être dans l'Algérie indépendante et souveraine, et en priant Dieu le Tout-Puissant de protéger toujours notre patrie.


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