La campagne de Clinton ne se montre pas simplement charitable quand elle soutient les candidats aux prochaines élections. Son administration s'en tirera à bien meilleur compte avec davantage de démocrates au Congrès. Les démocrates doivent encore largement reprendre le pouvoir au Sénat, mais pas à la Chambre, où ils devraient en principe inverser la tendance de 30 sièges républicains, ce qui semble improbable. Mais même si les démocrates retrouvent une majorité de 100 membres au Sénat, les républicains seront toujours en mesure de les menacer d'obstruction, sur les propositions législatives de Clinton et sur les candidatures à l'exécutif et à la Cour suprême. Les deux partis veulent aussi renforcer autant que possible leur mainmise sur les postes au niveau de l'Etat, parce que le parti qui contrôle un poste de gouverneur de l'Etat et au moins l'une de ses Chambres législatives parvient à superviser le tirage des circonscriptions du Congrès (tous les dix ans), qui affecte la composition partisane de la Chambre et par conséquent le sort d'une loi fédérale. Les Etats se retrouvent également là où les partis peuvent élaborer leur corps de futurs fonctionnaires fédéraux. Les républicains ont compris l'importance de la politique d'Etat bien avant les démocrates et ils ont construit une base beaucoup plus forte que les démocrates au niveau des Etats. La campagne présidentielle américaine d'Hillary Clinton est tiraillée entre deux tendances. D'une part, tenter d'obtenir la plus grande victoire possible pour la candidate elle-même ; d'autre part aider explicitement ses partisans démocrates à accéder à des sièges de gouverneurs et à des postes législatifs après le scrutin. Reste à savoir si Clinton peut en faire davantage pour les candidats des élections suivantes, en l'emportant de manière décisive - afin qu'ils bénéficient à leur tour de l'enthousiasme suscité - ou en utilisant son temps et son argent pour aider individuellement ces candidats. Le camp Clinton a décidé de poursuivre les deux stratégies. Une semaine à peine avant les élections, les candidats à la présidentielle sillonnaient le pays : alors que le candidat républicain Donald Trump avait du mal à rassembler les 270 voix du Collège électoral nécessaires pour gagner, Clinton essayait de se garantir une victoire aussi grande que possible, à la fois de la part du vote populaire et de celle du Collège électoral. Il y a une semaine à peine, Clinton semblait se diriger vers une victoire écrasante. Mais le 28 octobre, le directeur du FBI James Comey a envoyé une lettre au Congrès qui annonçait qu'il rouvrait l'enquête sur l'utilisation par Clinton d'un serveur de messagerie privé quand elle était Secrétaire d'Etat. La raison ? Des milliers de courriels ont été découverts sur le portable de l'ex-mari de la plus proche assistante de Clinton, Huma Abedin, au cours d'une enquête distincte sur ses propres activités (non, ce n'est pas l'intrigue d'un film). L'annonce de Comey a déclenché un tollé, mais n'a pas eu un impact notable sur la course. La campagne de Clinton n'a pas même abandonné de remporter même les Etats considérés depuis longtemps comme des bastions républicains, comme l'Arizona, la Géorgie et l'Utah. Et Trump, bien qu'il se soit senti revigoré par cette révélation, a continué de poursuivre de ses assiduités certains Etats comme le Nouveau-Mexique, qui pourraient arranger ses affaires auprès du Collège électoral. Mais Trump, nouveau en politique, s'imagine être un grand stratège politique. Trump a peu d'alliés politiques pour l'aider, contrairement aux nombreux représentants de Clinton : notamment son mari, l'ancien président Bill Clinton, le président Barack Obama et la première dame Michelle Obama, la grande révélation de ces élections, le vice-président Joe Biden et le vice-président colistier de Clinton, Tim Kaine. Deux vedettes de la gauche, Elizabeth Warren et Bernie Sanders font également campagne en faveur de Clinton : si elle gagne, ils vont exiger des contreparties sur le plan politique et sur les nouveaux sièges. Pendant ce temps, Clinton s'affiche auprès de candidats démocrates du Sénat qui se présentent contre des républicains sortants, notamment Katie McGinty, qui est en lice pour évincer le sénateur Pat Toomey en Pennsylvanie ; le Gouverneur Maggie Hassan, qui souhaite renverser la sénatrice Kelly Ayotte au New Hampshire et Deborah Ross, qui exerce une forte rivalité contre le sénateur Richard Burr en Caroline du Nord. La campagne de Clinton a versé de l'argent en faveur de plusieurs candidatures au Sénat, à la Chambre des Représentants, au poste de gouverneur et même à la législature. Les bénévoles et les agents de Clinton sur le terrain ont été encouragés à aider les candidats des prochains scrutins lors de certaines élections litigieuses. Obama a, quant à lui, enregistré récemment une série de vidéos de soutien en faveur de démocrates qui se présentent au Sénat, à la Chambre et aux législatures d'Etat. De nombreux experts disaient que l'annonce du FBI allait aider les républicains aux prochaines élections, mais c'est une pure spéculation. Si Clinton accède à la Maison-Blanche et si plusieurs candidats républicains sortants quittent leurs fonctions, les Etats-Unis vont connaître une «vague» d'élections. Mais nous n'en saurons probablement rien jusqu'au dernier moment. Lors de la vague électorale de 1980, lorsque Ronald Reagan et le vote républicain ont accablé le président Jimmy Carter et ont renversé plusieurs libéraux-démocrates au Sénat, la course à la présidence était quasiment au coude à coude jusqu'au week-end final. Même si les démocrates ont repris une vaste majorité au Sénat, la lune de miel n'a pas duré longtemps. Dans deux ans, un autre tiers du Sénat sera réélu et beaucoup plus de démocrates que de républicains devront défendre leur place - soit un retournement de la situation de cette année. Bien sûr, la campagne de Clinton ne se montre pas simplement charitable quand elle soutient les candidats aux prochaines élections. Son administration s'en tirera à bien meilleur compte avec davantage de démocrates au Congrès. Les démocrates doivent encore largement reprendre le pouvoir au Sénat, mais pas à la Chambre, où ils devraient en principe inverser la tendance de 30 sièges républicains, ce qui semble improbable. (La plupart des sièges de la Chambre sont remaniés au niveau des circonscriptions, dont les limites sont manipulées au profit du parti sortant.) Mais même si les démocrates retrouvent une majorité de 100 membres au Sénat, les républicains seront toujours en mesure de les menacer d'obstruction, (qui demande 60 voix pour être annulée), sur les propositions législatives de Clinton et sur les candidatures à l'exécutif et à la Cour suprême. Il y a une autre raison importante pour que la campagne de Clinton et de ses représentants de grande envergure viennent en aide aux démocrates des prochaines élections. Les deux partis veulent renforcer autant que possible leur mainmise sur les postes au niveau de l'Etat, parce que le parti qui contrôle un poste de gouverneur de l'Etat et au moins l'une de ses Chambres législatives parvient à superviser le tirage des circonscriptions du Congrès (ce qui a lieu tous les dix ans). Le tirage des circonscriptions affecte la composition partisane de la Chambre et par conséquent le sort d'une loi fédérale (seul le Sénat vote les nominations présidentielles). Les Etats se retrouvent également là où les partis peuvent élaborer leur corps de futurs fonctionnaires fédéraux. Les républicains ont compris l'importance de la politique d'Etat bien avant les démocrates et ils ont construit une base beaucoup plus forte que les démocrates au niveau des Etats. Par exemple, même si Obama a remporté l'Ohio lors des deux dernières élections, la délégation du Congrès actuelle est républicaine à 75%. Les élections américaines sont à présent marquées par une très grande incertitude. Personne ne sait ce qui peut surgir et ébranler la course, mais il est raisonnable de supposer que quelque chose va se produire. Au moment où Comey a envoyé sa lettre, plusieurs millions d'Américains avaient déjà exprimé leur suffrage. Dimanche dernier, rebondissement dans l'affaire : le FBI a annoncé qu'il maintenait sa décision de ne pas poursuivre Hillary Clinton. Nous ne pouvons pas savoir à quel point les diverses divulgations vont affecter la participation aujourd'hui, jour des élections présidentielles. Ce que nous savons, c'est qu'en fin de compte, rien de ce qui s'est produit ou de ce qui pourrait se produire ne fera de Trump un candidat plus convenable pour la présidence que Clinton. E. D. *Collaboratrice régulière de The New York review of books. Son dernier ouvre est Washington Journal : compte-rendu du Watergate et chute de Richard Nixon. In project-syndicate.org