Black lives matter, c'est le slogan repris au cœur de l'Amérique noire, après les multiples bavures d'une police blanche, porteuse d'un inconscient collectif étasunien fondé sur une grille raciste. C'est celle-ci qui permet à cette nation, édifiée sur le massacre méthodique des Indiens et l'esclavage des Noirs, de se parer du manteau d'une innocence ontologique. Le slogan, Black lives matter, signifie que le temps où la mort d'un Noir était un événement banal est révolu. Elle annonce que, désormais, les vies noires sont importantes. Black lives matter, c'est le slogan repris au cœur de l'Amérique noire, après les multiples bavures d'une police blanche, porteuse d'un inconscient collectif étasunien fondé sur une grille raciste. C'est celle-ci qui permet à cette nation, édifiée sur le massacre méthodique des Indiens et l'esclavage des Noirs, de se parer du manteau d'une innocence ontologique. Le slogan, Black lives matter, signifie que le temps où la mort d'un Noir était un événement banal est révolu. Elle annonce que, désormais, les vies noires sont importantes. On aurait pu s'attendre à une victoire de Hillary Clinton, a priori plus proche de cette préoccupation qu'un Donald Trump soutenu, entre autres, par des sympathisants du… Ku-Klux-Klan. Paradoxe ? Pas vraiment. Bien sûr, le discours clintonien bruisse du soutien aux défavorisés. Mais il émane de personnalités richissimes, dont les centres d'intérêt sont bien plus proches de la vieille Europe, dans sa version essentialiste. Les Noirs, descendants des planteurs de coton, n'évoquent guère que des airs de jazz ou de blues sur lesquels se déhanchaient, adolescents promis à un bel avenir, Mister Clinton et Miss Rodham. La désaffection des électeurs noirs est le fruit de cette réalité. Il est vrai que le passage du premier Noir à la Maison-Blanche n'a guère amélioré leur sort. Celui-ci s'était d'ailleurs empressé de déclarer, après son élection, qu'il serait le président de tous les étasuniens, faisant mine d'oublier qu'il fallait l'être un peu plus pour ceux de ses compatriotes pour lesquels le «rêve» américain a été un long cauchemar… Seule image forte de ce double mandat : Obama chantant «Amazing Grace» a capella dans l'église de Ferguson… En France, les Beurs votent depuis des décennies pour la gauche. Celle-ci ne ressent même plus le besoin de faire campagne dans les « quartiers », pensant que cette population lui est acquise pour toujours. Ainsi, c'est de cette gauche bien-pensante que sont venus les thèmes de la déchéance de nationalité. C'est elle qui a alimenté le prurit raciste en intervenant sur le birkini, les menus des cantines scolaires. C'est elle qui a imposé l'injonction à l'assimilation, venue se substituer à l'appel à l'intégration. S'il fallait remonter un peu plus loin, ce serait à la gauche que reviendrait la palme du soutien à une colonisation barbare. Gageons que, si les Beurs découvraient leur Trump, ils se détourneraient de ces tuteurs méprisants, Valls, Hollande et consorts… Ils préféreraient sans doute un avatar du milliardaire new-yorkais qui les débarrasserait de cette classe politique dont le vernis se craquelle pour laisser place aujourd'hui à un congrès d'ectoplasmes. Oui, en Algérie, des millions de personnes ont été sacrifiées sur l'autel d'une colonisation barbare. La France, dans sa version «socialiste», refuse d'endosser la responsabilité de ce Crime unique. Plus grave, il se trouve des Algériens, aujourd'hui, qui relaient ce déni et chantent les louanges du colonialisme. Ainsi, ces millions de visages figés dans une mort brutale ne comptent pas. Leur sacrifice se solde par un insupportable oubli. Aucun Algérien ne devrait trouver le repos tant que le massacre de leurs millions d'aïeux n'est pas reconnu, que leurs assassins ne sont pas désignés. Sans doute devrions-nous commencer par exiger le retour des restes de nos chouhadas de la bataille des Zaatcha… Oui, il y a la Realpolitik qui nous impose de traiter avec la nation qui a commandité le Crime. Continuons… Mais, de grâce, que l'on inclue dans le programme de ses missi dominici des visites obligatoires sur nos lieux de mémoire, les grottes dont les parois sont encore noires du souvenir des enfumades, des ravins dans lesquels des camions ont jeté de pleines bennes d'hommes, de femmes et d'enfants, des sinistres villages de regroupement, véritables camps de concentration… N'oublions pas nos dizaines de milliers de morts de la décennie noire, ceux qu'une dédaigneuse mise entre parenthèses a condamnés à l'inexistence. Alors, nous pourrons dire : Algerian lives matter, sans que ce soit un des innombrables slogans de la langue de bois gouvernementale… B. S. *Ecrivain, maître de conférences et militant algérien. Professeur de sciences physiques à l'Université de Cergy-Pontoise en France.