Un à un, les grands groupes automobiles mondiaux donnent des gages à Donald Trump pour relocaliser ou maintenir leur production aux Etats-Unis. De Ford à Toyota, en passant par Fiat et Volkswagen... le futur président américain est parvenu à mettre au pas une industrie pourtant puissante et influente. Celle-ci tente surtout d'anticiper des décisions qui pourraient être dévastatrices pour elle. Un à un, les grands groupes automobiles mondiaux donnent des gages à Donald Trump pour relocaliser ou maintenir leur production aux Etats-Unis. De Ford à Toyota, en passant par Fiat et Volkswagen... le futur président américain est parvenu à mettre au pas une industrie pourtant puissante et influente. Celle-ci tente surtout d'anticiper des décisions qui pourraient être dévastatrices pour elle... 10 milliards de dollars ! L'investissement annoncé par Toyota ne manquera pas de conforter la future administration Trump. Celle-ci a engagé, depuis l'annonce de sa victoire à l'élection présidentielle, une redoutable campagne médiatique contre les groupes qui produisent en dehors du territoire américain. «Fabriquer au Mexique? Pas question !» Donald Trump, qui ne sera président qu'à partir du 20 janvier prochain, n'a reculé devant aucune outrance verbale pour menacer les constructeurs de représailles s'ils persistaient à sous-traiter une partie de leur production, notamment au Mexique. Le revirement de Toyota est une victoire puisque c'est un groupe non-américain qui a décidé de courber l'échine devant la déferlante Donald Trump. La semaine dernière, le milliardaire américain avait ainsi tweeté : «Toyota Motor dit qu'il va construire une nouvelle usine à Baja au Mexique, pour fabriquer des Corolla pour le marché américain. PAS QUESTION ! Fabriquez une usine aux Etats-Unis ou payez d'importantes taxes douanières.» Jusqu'ici, ce sont surtout des groupes américains qui se sont soumis aux tweets injonctifs du prochain président américain. Ford avait ainsi renoncé à son usine mexicaine de 1,6 milliard de dollars. General Motors est également dans le collimateur puisqu'il a également eu droit à un tweet ponctué par cette même sentence : «Fabriquez une usine aux Etats-Unis ou payez d'importantes taxes douanières.» Les groupes allemands se justifient Les groupes allemands, eux, sont sur la défensive. Lundi 9 janvier, alors que s'ouvrait le salon automobile de Détroit, ils ont dû se confondre en justifications pour rappeler l'impact vertueux de leur présence sur le sol américain. Matthias Wissman, le président de VDA qui représente l'industrie automobile allemande, a ainsi déclaré que les groupes allemands ont «quadruplé leur production aux Etats-Unis entre 2009 et 2016, de 214 500 unités à 850 000». Pour appuyer sa démonstration, il a chiffré à 110 000 le nombre d'emplois créés aux Etats-Unis. Sergio Marchionne, patron du groupe italo-américain Fiat Chrysler Automobile (FCA) s'est également rangé du côté de la nouvelle ligne Trump. Le groupe a ainsi décidé de rapatrier la production de pick-up jusqu'ici affectée au Mexique. Cette opération devrait créer 2 000 emplois côté américain. Sergio Marchionne a voulu brosser le milliardaire américain dans le sens du poil en qualifiant «d'irresponsable» tout nouvel investissement au Mexique. Il a même envisagé qu'il était «tout à fait possible» de fermer une usine au Mexique, «si les conditions économiques imposées par l'administration américaine sont telles qu'une production au Mexique n'a plus de sens économique». Chez Volkswagen, on promet d'étendre les capacités de son site de Chattanooga en y ajoutant ses futures voitures électriques. Même Carlos Ghosn, en tant que patron de Nissan, a tenté d'anticiper un éventuel tweet dévastateur de l'imprévisible Donald Trump : «Ce que nous entendons jusqu'ici de l'administration Trump, c'est l'Amérique d'abord, des emplois aux Etats-Unis». Ce que vous entendez de notre part, c'est «pas de risques liés aux changes», ce qui veut dire construire aux Etats-Unis ce que nous vendons aux Etats-Unis. Sauver le libre-échange Pour Donald Trump, c'est une véritable victoire idéologique. Celui qui n'est toujours pas président de la première économie du monde est parvenu à mettre au pas une industrie reconnue pour la puissance de son lobbying au seul moyen de ses tweets. Sa menace ? Elever des barrières douanières avec le Mexique, dénoncer les accords de libre-échange (Alena, Traité transpacifique, Tafta...), voire se retirer de l'OMC qualifié de «véritable catastrophe» dans un de ses célèbres tweets. Pour les constructeurs automobiles, il faut priver Donald Trump d'arguments s'ils veulent éviter un tel recul dans le libre-échange, historiquement promu par les Etats-Unis-mêmes. Le VDA a ainsi rappelé que, si l'industrie allemande est un gros pourvoyeur d'emplois aux Etats-Unis, c'est aussi grâce au libre-échange : «Plus de la moitié des emplois que les constructeurs allemands ont créé aux Etats-Unis dépendent des exportations», a indiqué Matthias Wissmann. «Nous espérons que le nouveau président sera ouvert à cette politique de libre-échange dans l'intérêt de sa base industrielle», a-t-il ajouté. Le Mexique : 44 pays sans droits de douane Et pour cause, rompre avec le Mexique serait une véritable catastrophe pour l'industrie automobile américaine. Pas seulement parce que ce pays permet d'importer des voitures moins chères, ce qui permet de lui confier la production des petits véhicules les plus concurrentiels et les moins rentables. Pas seulement non plus parce que cela permet d'importer des pièces détachées moins chères pour approvisionner les sites industriels américains. C'est aussi parce que le Mexique, fort de ses nombreux accords de libre-échange, permet d'exporter vers 44 pays sans aucun droit de douane. S'installer dans ce pays d'Amérique Latine est donc un véritable gage de compétitivité pour les groupes automobiles. Cette position doit être préservée à tout prix. Avec ces annonces, les constructeurs espèrent donc amadouer Donald Trump pour vider de sa substance l'argument selon lequel le Mexique détruit des emplois aux Etats-Unis. Cet argument est d'autant plus faux que jamais les Etats-Unis n'avaient autant produit de voitures sur leur territoire national. Si le pays a fermé des dizaines d'usines après la crise, la plupart d'entre elles ont été réouvertes, et fabriquent 12 millions de voitures par an (contre 10 millions avant la crise). Si Donald Trump mettait en œuvre sa politique protectionniste, tout le paysage industriel automobile américain serait chamboulé. Il faudrait réorienter la part de la production destinée à l'export au marché national. Elle devra également revoir sa chaîne d'approvisionnement puisque acheter au Mexique des pièces détachées reviendrait trop cher. Pour Xavier Mosquet, l'arrivée de Donald Trump à la présidence américaine pourrait être une rupture dans la tradition industrielle des Etats-Unis. Aux questions sur le libre-échange, «il faut ajouter les incertitudes sur les relations avec la Chine, mais également sur les réglementations sur les système anti-pollution», explique l'analyste, directeur associé au Boston Consulting Group. «L'arrivée de Donald Trump pourrait signifier la fin d'une période où l'interventionnisme étatique était de moins en moins la règle. C'est assez nouveau. (...) Le niveau d'incertitudes a nettement augmenté», explique à La Tribune celui qui avait fait partie de la task force de Barack Obama pour restructurer l'industrie automobile. Un secteur qui coûte cher à l'économie américaine La stratégie des constructeurs ne pourrait toutefois pas suffire à convaincre car même si la production automobile américaine atteint des niveaux record, que les constructeurs nationaux enregistrent des bénéfices record également, elle reste un énorme foyer de déficit commercial pour l'économie américaine. Entre janvier et novembre 2016, l'automobile a grevé la balance commerciale de 200 milliards de dollars de perte... N. B. In latribune.fr