La télévision publique algérienne ne diffusera aucun match de la Coupe d'Afrique des nations qui s'ouvre aujourd'hui au Gabon (14 janvier-5 février). Après plus d'une semaine d'âpres négociations avec le détenteur des droits de retransmission de cette compétition pour la région Afrique du Nord-Moyen-Orient, les responsables de l'Entv ont décidé de suspendre les pourparlers avec le groupe qatari, beIN Sports, qui a exigé des sommes «exorbitantes», dépassant «toutes les normes», selon les termes du communiqué du groupe public algérien de télévision. Des millions de fans des Verts, qui prennent part en favoris à ce tournoi très attendu, sont désappointés. Dans sa déclaration, l'Entv s'est promptement excusée auprès de «millions de spectateurs algériens», en désignant, encore une fois, «l'obstination incompréhensible» des dirigeants de beIN Sports, perçue dans tout le pays comme un chantage intolérable. Selon les échos rapportés par certains sites d'information en ligne, la chaîne qatarie aurait exigé à ses homologues algériens le montant faramineux de 16 millions de dollars pour l'ensemble de la compétition. Une offre ferme et non-négociable. Un diktat insupportable qu'aucun argument commercial ne justifie puisque, ajoutent les mêmes sources, beIN sports aurait cédé les droits TV de la CAN-2017 et 2019 au profit d'Eurosport (France) pour la modique somme de 600 000 dollars ! Cette frustrante discrimination a aussi touché d'autres pays arabes comme l'Egypte et la Tunisie. Les autorités de ces deux pays ont pareillement décidé de s'élever contre ce racket honteux de beIN Sports. Ce «deux poids, deux mesures» du média qatari a été abondamment dénoncé dans tous les pays arabes et nord-africains, d'autant plus que la cession desdits droits par la CAF (Confédération africaine de football) s'est faite dans l'opacité la plus absolue. L'instance continentale du jeu à onze a, en effet, accordé l'exclusivité de l'événement, presque en catimini, au groupe français Five Sport, filiale du trust Lagardère, qui a revendu le produit à des sous-traitants comme beIN Sports ou le sud-africain Super Sports. La CAF n'a même pas lancé un avis appel d'offre pour passer ce marché dans la transparence, en enfreignant au passage les règles éthiques et managériales les plus élémentaires. Comme on le constate, le «cadeau» de la CAF pour le groupe Lagardère et ses semblables s'est fait aux dépens des peuples africains, férus de football. Faut-il rappeler que la CAN reste, de très loin, l'événement sportif le plus populaire dans tout le continent. C'est grâce à cette popularité que le tournoi est devenu ce qu'il est aujourd'hui. En fait, la CAF est encore dirigée comme une vulgaire boutique par son président, Issa Hayatou. Depuis son élection, il y a 29 ans, le vieux camerounais s'en sert comme d'une possession privée. Les sales affaires, qui ont ébranlé la Fifa, ne sont qu'un zeste par rapport aux nombreux scandales étouffés au niveau de la Confédération africaine. Jeu d'influence dans le choix à huis clos des pays organisateurs de la CAN, ingérence des sponsors dans les affaires internes de l'organisation, passation de gros marchés de gré-à-gré, monopoles, arrangement de matchs, corruption du corps arbitral, abus de pouvoir, conflits d'intérêts, les frasques d'Issa Hayatou et de ses affidés non pas de limites. Mais cette fois, les éternelles victimes de la mascarade ne semblent pas prêtes de se laisser faire. L'ère des chantages est, semble-t-il, terminé avec le départ fracassant du Suisse Joseph Blatter et de sa petite bande de la Fifa. L'Egypte a déjà déposé plainte contre Hayatou pour attribution illégale des droits de retransmission de plusieurs compétitions africaines de football. Pays de domiciliation du siège de la CAF, l'Egypte reproche à son premier responsable de ne pas avoir respecté la loi qui lui impose le lancement d'un avis d'appel d'offre ouvert à la concurrence internationale. Afin de se soustraire à ces poursuites, l'inamovible patron du foot africain envisagerait de délocaliser le siège de la CAF du Caire. Une fuite en avant qui lui coûterait de réunir la majorité écrasante au sein l'assemblée générale. De nombreux pays lésés par l'omnipotence de Hayatou et la corruption de son système risquent de contrarier ses plans. Une chose est certaine, les matchs de la CAN-2017 ne seront pas accessibles dans la majorité des pays africains. Cela, c'est aussi certain, mécontentera des millions de passionnés injustement sevrés. Cette irritation populaire, à elle seule, aura sûrement de fâcheuses conséquences pour le règne inique de Hayatou et de ses hommes de main. K. A.