La filière lait dans la région de Souk-Ahras, qui, avec une production de 50 millions de litres/an, est considérée comme le bassin laitier de la région Est, n'est pas prête de connaître ce décollage pour lequel les pouvoirs publics ont mobilisé des fonds colossaux dans le cadre du Plan national de développement agricole (Pnda) et/ou du Fonds national pour le développement rural et agricole (Fndra) car, d'une part, les problèmes subsistent et, d'autre part, de «petits malins» en profitent de manière illégale. Et la situation perdure. Avec près de 100 000 têtes de bovins dont plus de la moitié est constituée de vaches laitières (races locales, Holstein et Montbéliardes), la région de Souk-Ahras, considérée comme le bassin laitier de l'est avec une production de 50 millions de litres/an, n'a pas vraiment connu le développement attendu malgré les sommes colossales investies dans la filière par les pouvoirs publics. Il faut dire que les freins au développement sont nombreux et relèvent tous d'une gestion qui n'est pas toujours adéquate, ce qui déteint sur la production, la collecte, la transformation, mais aussi sur la santé publique. Dans les exploitations de la commune d'Aïn Sennour, Mechroha, Ouled Driss, Tiffech, M'daourouch ou Sedrata où la majorité du cheptel est recensée, les éleveurs se plaignent de la cherté des aliments du bétail qui atteignent 5 000 DA le quintal à l'Office national des aliments de bétail (Onab). «Des aliments indispensables pour les vaches laitières si l'on veut avoir une bonne production de lait, on trouve ce type d'aliments dans l'informel à 4 800 DA le quintal sans facture et sans TVA. On n'en achète pas car on ne connaît pas leurs origines, il se pourrait qu'il provoque certaines maladies. En plus de la cherté de cet aliment, la plupart des exploitants ne sont pas propriétaires de terres qui peuvent servir de pâturages pour les bêtes», nous a confié Khelil Rouaninia, éleveur et président de la Coopérative agricole des services (CAS) de Souk-Ahras. Sur un autre plan, le cheptel n'est pas totalement sain et des foyers de maladies se déclarent dans certaines exploitations pour se propager à d'autres entraînant des abattages sanitaires qui ruinent les éleveurs. Plusieurs cas de brucellose et de tuberculose bovine apparaissent de temps à autre et sont difficilement maîtrisées car les éleveurs ne déclarent pas ces maladies de peur justement de voir leurs bêtes abattues. Avant, il était obligatoire de soumettre le cheptel bovin au dépistage effectué par les fonctionnaires de l'inspection vétérinaire de la wilaya ; dépistage à l'issue duquel est remis un agrément sanitaire qui ouvre droit à la livraison du lait à la transformation au niveau des laiteries et au soutien accordé par l'Etat dans le cadre du développement de la filière. Ce dépistage dont l'efficacité est prouvée a été remplacé par «une attestation sanitaire» délivrée sur la base d'une apposition de boucles d'oreilles identifiant l'animal. Cette méthode a été à l'origine de zoonoses dans la région où des citoyens ont été infectés par des maladies animales (principalement la brucellose) et qui aujourd'hui suivent toujours des traitements au niveau des hôpitaux. Ces infections sont dues à la consommation des laits provenant de bêtes malades qui sont vendus sur le bord de la route (RN16 reliant Souk-Ahras et Annaba). L'autre gros problème qui se pose est le détournement de ces soutiens par les opérateurs de la filière qui se «solidarisent» pour profiter de cette manne sans pour autant livrer le lait produit ou tout simplement multiplier par 2 ou 3 les quantités livrées, ce qui leur permet d'engranger des recettes supplémentaires. Les contrôles sur le terrain pourraient permettre facilement de découvrir ce trafic qui prend de l'ampleur. Une simple opération d'arithmétique mettrait au jour cette supercherie, production laitière journalière d'une vache multipliée par le nombre et on a la quantité livrée. Or, si on fait les comptes, on trouvera que ces quantités dépassent, et de loin, celles prévues. Ces subventions et ces soutiens alloués par l'Etat et censés encourager cette filière pour réduire la facture d'importation du lait en poudre ne profite donc pas vraiment au secteur et vont dans les poches de certains trafiquants. En dehors de ces parasites de la filière, sur le plan financier, les exploitations étouffent et sont au bord de la faillite, la situation s'aggravant de jour en jour du fait du non paiement par la Direction des services agricoles (DSA) des soutiens accordés aux éleveurs, collecteurs et transformateurs. «Nous sommes 500 éleveurs et 5 collecteurs de lait cru, nous livrons entre 40 000 et 50 000 litres/jour à la laiterie l'Edough d'Annaba et depuis le mois d'avril passé, nous n'avons pas perçu de soutien qui est de l'ordre de 12 DA/litre, en sus du prix du lait qui est fixé à 30 DA, cela fait donc 9 mois que nous attendons que les services concernés nous payent. La situation est vraiment grave car nous en avons besoin pour nos dépenses quotidiennes pour que les exploitations continuent de tourner. Nous avons pris contact avec la DSA d'Annaba qui nous a promis de régler ce problème au plus tôt et nous attendons toujours. Pour les éleveurs de Souk-Ahras, ils ont été payés en partie et attendent encore depuis 4 mois», poursuit notre interlocuteur. La filière lait n'est donc pas prête de connaître ce décollage pour lequel les pouvoirs publics ont mobilisé des fonds colossaux dans le cadre du Plan national de développement agricole (Pnda) et/ou du Fonds national pour le développement rural et agricole (Fndra) car, d'une part, les problèmes subsistent et, d'autre part, de «petits malins» en profitent de manière illégale. Et la situation perdure. M. R.