Dans un contexte géopolitique et économique difficile, le groupe de service à l'environnement poursuit son rééquilibrage entre marchés matures et pays émergents, collectivités et clients industriels. Parmi ces derniers, il s'intéresse particulièrement aux secteurs pétrolier et nucléaire, et prend position sur le recyclage des terres rares, dont le marché n'existe pas encore 130 millions d'euros par an pendant 25 ans. C'est le montant du contrat qu'a conclu Veolia en 2016 avec le chinois Beijing Yanshan Petrochemical, filiale à 100% du premier raffineur asiatique Sinopec. Dans le cadre d'une co-entreprise dédiée au projet qui emploiera 800 collaborateurs, le groupe français de services à l'environnement a pour mission d'optimiser le cycle de l'eau du complexe pétrochimique de Yanshan, à 50 km de Pékin, qui traite plus de 10 millions de tonnes de pétrole brut par an. Dans une région à fort stress hydrique, le projet vise à accroître le taux de recyclage de l'eau pour réduire l'empreinte hydrique du site et porte sur la totalité de la gestion du cycle de l'eau : l'eau de refroidissement, l'eau déminéralisée, les eaux industrielles, l'eau potable, l'eau réfrigérée, les eaux usées et la boucle incendie. A l'origine de ce contrat : un durcissement de la réglementation chinoise, «aujourd'hui nettement plus exigeante qu'en Europe», souligne d'ailleurs Régis Calmels, en charge de l'Asie, lors d'une journée d'échanges avec la presse le 2 février. Ainsi elle limite à 30 milligrammes par litre le taux autorisé de carbone organique dissous (CDO), alors qu'il est de 125 mg/l en France. L'industrie chinoise représente un gigantesque marché pour Veolia. Et pas seulement en raison de la taille du pays. Alors qu'en France l'industrie utilise huit fois moins d'eau que les particuliers, en Chine, les consommations en eau ou en énergie des industriels chinois sont les mêmes que celles de la population. Le «papy-boom» des plateformes pétrolières Comme l'illustre ce contrat spectaculaire, le secteur pétrolier représente l'un des potentiels les plus importants pour le groupe. Certes, il est à la peine en raison de l'effondrement des cours qui a marqué l'année 2016. Et le rebond observé ces dernières semaines n'a pas encore d'effet sur les capacités d'investissement de l'amont. «Lorsque cela redémarrera, nous serons prêts à travailler à nouveau pour l'exploration/production», affirme Antoine Frérot lors. Mais le groupe qu'il dirige, dans lequel il s'est employé à faire passer en quelques années la part du business réalisé avec les industriels de 20% à près de 50%, trouve matière à de juteux contrats dans les seules activités aval. L'une des activités les plus récentes concerne le démantèlement de plateformes. Une «nouvelle frontière», déclare Estelle Brachlianoff, qui dirige la zone Royaume-Uni + Irlande. Si Veolia n'en a aujourd'hui démantelé qu'une dizaine sur une quarantaine, le gisement est considérable : pas moins de 600 ont été installées en Mer du Nord dans les années 1970, et alors que la rentabilité de l'exploitation en Mer du nord s'amenuise, «on approche d'un papy-boom des plateformes», affirme Estelle Brachlianoff. Un marché qu'elle estime à «1 milliard de livres sterling par an et 2 000 plateformes à démanteler dans les 10 ans» et que le groupe n'entend pas laisser passer. Fort de ses références auprès de BP, Shell ou Total, Veolia, qui a implanté des sites dans les Îles Shetland et près de Londres vient également de remporter un contrat pour treize petites plateformes. Sur la côte norvégienne, c'est avec une plateforme de YME que le groupe a réalisé une prouesse technique en eau profonde grâce à un navire gigantesque capable de soulever la plateforme en un seul morceau avant d'entamer le démantèlement. Des gammes complètes de services aux secteurs pétrolier et nucléaire Autre signe de la volonté de Veolia de posséder une gamme complète de services dédiés au secteur «oil & gaz» : la reprise de la division «produits sulfurés» de l'américain Chemours. Spécialiste du traitement et de la régénération de l'acide sulfurique et des gaz de souffre issus des activités de raffinage, et de leur réemploi, comme acide propre ou vapeur, dans diverses applications industrielles, cette entité de Chemours a rejoint il y a quelques mois la branche industrielle de Veolia Amérique du Nord. Une même volonté sous-tend l'élaboration d'une filière intégrée de services à l'industrie nucléaire, notamment avec l'acquisition de l'américain Kurion, spécialiste des technologies d'assainissement nucléaire. L'extraction pétrolière et gazière notamment sont des émetteurs de matériaux présentant une radioactivité naturelle renforcée baptisés «NORM» (naturally occurring radioactive materials), que traite la division «Entreprises de spécialité mondiale» dirigée par Claude Laruelle. Ces deux entreprises sont les fleurons des acquisitions «petites ou moyennes» réalisées ces derniers mois dans une volonté de renforcer ses positions géographiques ou, comme c'est ici le cas, de compléter un savoir-faire. 600 millions d'économies entre 2016 et 2018 Pour conserver sa compétitivité, Veolia modernise ses métiers historiques en proie à une pression inédite sur les prix et les marges, notamment grâce à la digitalisation. Mais sans oublier de préparer l'avenir. Ce qui, face aux «vents contraires» évoqués par Antoine Frérot (incertitude politique aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Europe, montée du protectionnisme, inflation quasi nulle en Europe, taux de change, marché français plus difficile que jamais, etc.), signifie notamment renforcer son plan d'économies entamé en 2011. Alors qu'il visait 450 millions d'euros d'économies sur la période 2011-1015, il a atteint 800 millions. Celui portant sur 2016-2018, qui table sur 600 millions d'euros et présente dès la première année une avance sur les 200 millions annuels prévus. La division française de l'eau, frappée par un récent scandale ayant conduit au limogeage de deux personnes, a vu ses effectifs passer de 16 000 à 12 000 entre 2011 et 2016. Un plan de départs volontaires portant sur 430 postes, actuellement en cours, doit s'achever en juin. Une technologie unique en Europe pour recycler les terres rares Mais préparer l'avenir, c'est aussi investir dès aujourd'hui dans les métiers de demain. D'où cette usine pilote implantée en Allemagne en 2015 dans un lieu tenu secret, qui traite des cartes mères électroniques. De 50 tonnes traitées chaque mois en 2016, la capacité de production doit doubler dans les deux ans. A la différence de la pyrométallurgie traditionnellement utilisée, la technique employée permet de récupérer, outre de l'or (à raison de 100 à 200 grammes par tonne de cartes mères), de l'argent (500 à 1 000 grammes) et du cuivre (de 150 à 300 kg), des terres rares. Contrairement aux matières plastiques ou métalliques, il n'existe pas aujourd'hui de marché des terres rares recyclées. Mais lorsque la Chine, qui en produit aujourd'hui 85%, en deviendra importateur à l'horizon 2025 comme le prédisent certaines études, la donne pourrait bien changer. D. P. In latribune.fR