C'est aujourd'hui que se tiendra à Annaba la 20e réunion de la tripartite (gouvernement, centrale syndicale et patronat), qui intervient à la veille des élections législatives, pour examiner la situation économique du pays et évaluer les mesures économiques prises par l'Etat mais aussi pour essayer d'apporter des réponses convaincantes au front social qui revendique, sans relâche l'annulation de la réforme de la retraite, et réclame sa participation à l'élaboration du Code du travail et la préservation du pouvoir d'achat, en vertu de la loi de Finances de 2017. Outre les dossiers habituellement traités dans les tripartites (climat des affaires, foncier industriel, crédits bancaires, conditions du travail), la réunion gouvernement-syndicat-patronat qui se tiendra aujourd'hui à Annaba sera assurément mise à profit par le Premier ministre pour donner quelques indicateurs sur l'état de santé de notre économie. Nul n'ignore que l'Algérie a été profondément affectée par la chute des prix du pétrole depuis juin 2014. Le déficit budgétaire et le compte courant extérieur se sont ainsi fortement creusés entraînant une érosion quasi totale des ressources du Fonds de régulation des recettes (FRR) et une baisse sensible des réserves de change. Le gouverneur de la Banque d'Algérie, Mohamed Loukal, l'a clairement dit lors de son dernier passage devant l'APN : «L'encours du Fonds de régulation des recettes (FRR), a enregistré davantage d'érosion, atteignant 740 milliards de dinars, à partir de fin février 2016. M. Loukal a rappelé, à ce titre, que les recettes de la fiscalité pétrolière ont atteint 1 314 milliards de dinars (mds DA), contre 1 943 mds DA à fin septembre 2015. Pour ce qui est de l'encours des réserves de change, il a baissé de 144 milliards de dollars (mds USD) à fin décembre 2015, à 121,9 mds USD à fin septembre 2016, puis à 114,1 mds USD à fin décembre 2016.» Toutefois, en dépit des «problèmes financiers rencontrés par l'Algérie en 2016, le budget de l'Etat a pu couvrir le programme de développement arrêté par les autorités publiques», selon M. Sellal. A l'effet de se libérer de la dépendance du pays aux hydrocarbures, le Premier ministre, s'exprimant fin décembre dernier lors d'une émission spéciale de la télévision algérienne, avait fait part de la nouvelle vision économique du pays : «La stratégie des pouvoirs publics à l'horizon 2019 est claire : le pétrole ne constituera plus l'unique source de richesse et nous aspirons à changer de modèle économique et à diversifier l'économie nationale», avait-il soutenu assurant que ce changement «dicté par le recul, depuis 2014, des prix du pétrole n'induira aucun retour sur les acquis sociaux»… Ce discours purement économique reviendra, sans nul doute, aujourd'hui lors de la 20e tripartite pour illustrer la bonne santé financière du pays. Outre les questions d'ordre économique, le volet social occupera, comme à l'accoutumé, une partie des travaux de cette tripartite qui se tient pour la deuxième fois, hors de la capitale après Biskra en octobre 2015. Ainsi, il sera, certainement, question de revenir sur le régime de la retraite, qui avait fait couler beaucoup d'encre ainsi que sur la mouture du nouveau code du travail. Il faut dire que depuis l'annonce du projet d'amendement du système de retraite par le Premier ministre lors de la précédente tripartite tenue en juin 2016, jusqu'à l'adoption du projet par l'APN, marqué par l'introduction d'un amendement du président Bouteflika, le sujet a pris une place significative dans le débat social avec une succession de grèves dans divers secteurs. L'amendement introduit sur instruction du chef de l'Etat prévoit une période transitoire de deux années pour accorder le droit de bénéficier de la pension de retraite aux travailleurs âgés de 58 ans et plus en 2017 et de 59 ans en 2018 et ayant totalisé au moins 32 années de service effectif. A l'issue de la tripartite de juin 2016, une commission a été mise sur pied pour élaborer ce projet de loi qui fixe l'âge de départ à la retraite à 60 ans par souci d'équité et de préservation des capacités financières de la CNR. Les membres de la tripartite (gouvernement, syndicat et patronat), avaient conclu, dans le document final, que les conditions actuelles «ne permettent plus» le maintien du dispositif de départ à la retraite sans condition d'âge. En plus d'engendrer des pertes de cotisations et de compétences professionnelles, les départs à la retraite, avant l'âge de 60 ans, de près de 830 000 travailleurs, «ne sont en rien générateurs d'emplois», selon la direction générale de la sécurité sociale au ministère du Travail. La Caisse nationale des retraites (CNR) verse, chaque année, 770 mds DA sous forme de pensions à environ 1 600 000 retraités, dont plus de 50% ont quitté leur emploi avant l'âge de 60 ans. Alors que l'Etat veut préserver les capacités financières de la CNR à travers l'amendement de la loi sur la retraite, les organisations syndicales activant dans divers secteurs refusent, elles, de s'associer à cette démarche. Ces dernières mènent, depuis le mois d'octobre dernier, un mouvement de contestation, à travers de cycliques débrayages, contre le nouveau texte revendiquant le maintien de la retraite proportionnelle comme acquis des travailleurs. Les syndicats autonomes de la santé, de l'éducation, de l'administration et d'autres secteurs regroupés dans l'intersyndicale ont même rencontré le ministre du Travail le 16 janvier dernier et ont décidé de maintenir leurs actions de protestation, puisque la plateforme de revendications n'a pas été prise en charge. Pour maintenir la pression sur le gouvernement, des syndicalistes et mêmes des militants politiques et associatifs ont tenu, le 25 février dernier, un rassemblement national au niveau de la wilaya de Tizi Ouzou à fin d'exprimer à nouveau le rejet de la loi qui met fin à la retraite anticipée. Bien que cette loi reste sa principale revendication, l'intersyndicale ne se limite pas à cela. Elle réclame sa participation à l'élaboration du code du travail et la préservation du pouvoir d'achat, en vertu de la loi de Finances de 2017. La question qui se pose est de savoir si Sellal parviendra, lors de cette tripartite, à trouver les palliatifs, mesures et/ou concessions pour calmer le front social et répondre à ses préoccupations ? La réponse sera connue aujourd'hui ! B. A.