S'il devait être reçu aujourd'hui par l'un des trois juges d'instruction ayant en charge l'affaire dite Pénélopegate, François Fillon, candidat de la droite et du centre à l'élection présidentielle française dont le premier tour est fixé au 27 avril, a finalement vu son rendez-vous avancé de 24 heures pour s'entendre dire qu'il est officiellement mis en examen pour «détournement de fonds publics», «recel» et «complicité d'abus de biens sociaux». S'ajoute, «le manquement aux obligations déclaratives auprès de la Haute autorité pour la Transparence de la vie publique». L'information rendue publique par le Canard Enchainé a été confirmée au cours de l'après-midi par les avocats de l'ancien Premier ministre. «L'audition de François Fillon a été avancée pour qu'elle se déroule dans des conditions de sérénité», a déclaré un de ses défenseurs. C'est-à-dire, hors pression médiatique. C'est le 1er mars que Fillon a annoncé qu'il était convoqué pour être inculpé par des juges qui considèrent qu'il y a des indices «graves» et «concordants» dans la supposée affaire des emplois fictifs de sa femme, surtout, et de ses deux enfants. Sa femme, Pénélope, pour un emploi d'assistante du député Fillon et de son successeur durant plusieurs années sans que des preuves tangibles aient été apportées pour prouver ce travail en contrepartie de centaines de milliers d'euros perçus. Ses deux enfants, supposés assistants parlementaires de Fillon sénateur qui ont bénéficié de plusieurs dizaines de milliers d'euros chacun. Pour l'instant, Fillon est présumé innocent. Il le sera tant qu'il ne sera pas condamné à l'issue d'un procès qui ne se tiendra pas avant de nombreux mois, voir quelques années. La peine maximale encourue pour les motifs d'inculpation arrêtés par les juges est de 10 ans de prison et 1 million d'euros d'amende. L'avantage de la mise en examen est que les avocats de Fillon ont maintenant le droit d'accès au dossier. Déjà atypique, la campagne présidentielle française, qui va durer encore 40 jours, va-t-elle être de nature à pourrir un climat politique déjà presque nauséabond et nuire, ou pas, à un Fillon qui devrait rester crédible malgré maintenant une accumulation de «casseroles»? Les dernières en dates sont la révélation de l'acquisition de costumes et de vestes pour plus de 48 000 euros réglés par un ami qui demeure anonyme, et la rétrocession par versement sur son compte bancaire d'une partie des sommes perçues par ses enfants supposés assistants parlementaires. Le choc est d'autant plus grand que Fillon a bâti son image d'homme politique sur la vertu, qui apparaît maintenant qu'elle n'était que de façade, même si sa présumé innocence est à prendre en compte. Outre l'originalité de voir un prétendant à l'élection à la magistrature suprême concourir avec un maillot «mis en examen», il y a un candidat qui porte un programme qui demande aux Français des sacrifices (hausse de la TVA, 500 000 emplois de fonctionnaires à supprimer, passage du travail hebdomadaire de 35 à 39 heures, etc.). Sous cette double-donne, Fillon serait-il encore audible auprès des Français à qui il demande du sang et des larmes ? Peut-il convaincre un nombre suffisant d'électeurs pour gagner les cinq ou six points qui lui manque afin de passer le premier tour électoral synonyme de victoire définitive au deuxième tour face à l'extrémiste de droite, Marine Le Pen ? A Paris, la tendance qui domine largement est que la droite et le centre peuvent dès maintenant faire leur deuil aux retrouvailles avec le Palais de l'Elysée. A cet égard, les prochains sondages sont attendus avec impatience. M. M.