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Macron doit clarifier son «exigence renforcée» au Mali Après son entretien téléphonique avec le président Abdelaziz Bouteflika et ses déclarations à Gao
Devant des soldats français du dispositif Barkhane au Mali, le président Emanuel Macron a déclaré qu'il aurait une «exigence renforcée» à l'égard des Etats du Sahel et de l'Algérie voisine. On ne sait pas encore en quoi consisterait cette «exigence renforcée» exprimée en ces termes par le nouveau chef de l'Etat français. Ce dernier semble la lier à l'application des accords de paix inter-malien d'Alger (2015) et à la responsabilité des parties maliennes impliquées et de l'Algérie qui a parrainé et favorisé ces accords. Et c'est en ces termes, tels que rapportés par l'agence Reuters, qu'il a exposé son «exigence renforcée» : «Moi, ce que je veux, en début de mandat, c'est une exigence sans doute renforcée à l'égard des Etats du Sahel et de l'Algérie, pour que tout ce qui est inscrit dans les accords d'Alger soit appliqué et pour que la responsabilité de tous et de toutes soit prise (…) On ne peut pas manifester quelque faiblesse que ce soit à l'égard de groupements terroristes, quelles que soient les raisons politiques domestiques». Telle que formulée, cette «exigence renforcée» n'apparait pas clairement, sauf qu'elle exprime la volonté de son auteur d'œuvrer à l'application pleine et entière des Accords d'Alger. On comprend également qu'il incitera toutes les parties prenantes au conflit et l'Algérie, tiers de confiance, pays conciliateur et facilitateur, à s'y impliquer plus fortement. Viennent ensuite des propos allusifs et ambigus qui évoquent «quelque faiblesse à l'égard de groupements terroristes» et des «raisons politiques domestiques» qui en seraient à la base ! En s'exprimant de la sorte, le président Macron semble accuser les gouvernements maliens successifs de faiblesse face au terrorisme, et qui serait motivée par des considérations de politique et de rapport de force internes. Vise-t-il aussi, par extension, l'Algérie qui ne s'est pas impliquée militairement dans la guerre contre le terrorisme au-delà de ses propres frontières ? Lui impute-t-il aussi une certaine «faiblesse» dont elle aurait fait montre en n'allant pas traquer les terroristes islamistes au Mali, alors même que certains d'entre eux viennent de son territoire ? En tout cas, par ses propos suggestifs et ambigus, le successeur de François Hollande donne l'impression de faire un subliminal appel du pied à l'Algérie pour l'inciter à se déployer militairement hors de ses frontières ! Survient après le cas du djihadiste Iyad Ag Ghali, chef d'Ansar Eddine et un des hommes les plus puissants du mouvement terroriste désormais regroupé au sein d'une alliance appelée le «Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans» au Sahel. Selon les dépêches d'agences de presse internationales, le Président français a indiqué avoir évoqué avec son homologue Abdelaziz Bouteflika le soutien de l'Algérie à Iyad Ag-Ghali. «Je lui ai fait part de mon souhait de pouvoir en parler avec l'Algérie de manière très franche», a-t-il dit, tout en indiquant n'avoir aucun élément permettant d'étayer ce soutien. La question du soutien de l'Algérie est donc posée par le président Macron qui ne semble pas bien connaître les liens historiques de l'Algérie avec cet ex-leader de la rébellion touarègue, devenu un chef terroriste de premier plan. Lorsqu'il s'agissait de trouver des solutions politiques à la rébellion des Touaregs maliens contre le pouvoir central, l'Algérie, qui a soustrait Iyad Ag Ghali à l'influence néfaste du colonel Mouammar Kadhafi, en avait fait effectivement un point d'appui important de sa diplomatie parallèle. Et il y avait de bonnes raisons d'agir ainsi. Aujourd'hui, Iyad Ag-Ghali est un notable touareg très influent, qui appartient à la puissante tribu des Ifoghas qui vit à cheval entre le Mali, le Niger et l'Algérie. Ce que ne doit pas ignorer le président Macron, les Ifoghas ont pris une part active dans la libération des derniers otages français au Sahel (2013 et 2015), tout comme dans celle des diplomates algériens enlevés en avril 2012, au tout début de l'occupation du nord du Mali par les groupes djihadistes. Paris et Alger n'ont donc aucun intérêt à se mettre ces Touaregs-là à dos. Au nord du pays, Iyad Ag Ghali affermit sans cesse ses liens auprès de la communauté touarègue en chapeautant notamment les katibas touarègues d'Aqmi et en créant un maillage territorial par ce qui était avant sa police religieuse qui s'est transformée en un véritable service de renseignements. Avec un large maillage du Kidal à la frontière algérienne, et au Centre et au Sud, un appui sur les populations peules, au sein duquel il a recruté plusieurs katibas, dont le célèbre Front de libération du Macina représenté par Amadou Koufa. Bien qu'il se soit totalement investi dans le djihadisme terroriste, Iyad Ag-Ghali est toujours considéré par sa communauté comme l'un des siens qu'elle ne désespère pas de ramener à la raison. L'Algérie aussi. Et, secret de polichinelle, que ne semble pas encore connaître le président Macron, le chef d'Ansar Eddine, pilier de la nouvelle alliance «Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans», continue de jouir d'une estime réelle de la part de plusieurs dirigeants de la rébellion armée signataires de l'accord de sortie de la crise au nord du Mali, conclu en février 2015 à Alger. N. K.