Cette crise aux conséquences encore incalculables, tant sur le plan local que régional, semble déjà avoir eu un effet certain sur un conflit voisin qui commençait à s'éterniser : la Syrie. Ce clash franc entre des acteurs, qui étaient il y a peu dans la même tranchée contre Damas, dans une guerre ou des moyens considérables ont été déversés pour faire chuter le régime, pourrait bien annoncer la fin du conflit. Les déchirements entre groupes armés en Syrie étaient déjà annonciateurs de la déroute de la tendance anti-Damas entretenue de façon unanime notamment par les pays du Golfe. C'est indéniablement la crise la plus grave dans la région depuis l'invasion de l'Irak. La région du Golfe vit des moments de tension extrêmes depuis que l'Arabie saoudite, suivie notamment par les Emirats Arabes puis l'Egypte ont décidé de mettre au ban l'Etat voisin du Qatar. Ce dernier est accusé frontalement de soutenir le «terrorisme» et d'entretenir des canaux avec le «grand ennemi» iranien. Riyad à la tête de cette campagne anti-Qatar fait déployer pratiquement tous les moyens en sa possession et ils sont considérables, afin de contraindre le «vilain petit Qatar» à revoir sa politique internationale et rentrer sous l'aile des saoudiens qui semblent décidés à jouer un nouveau rôle dans la région. En effet depuis l'arrivée aux affaires du fils du Roi Salman, Mohamed, qui lorgne la succession de son père face au silence intriguant de son cousin Mohamed Ben Nayef, le véritable prince héritier l'Arabie saoudite prône une posture plus agissante dans les dossiers de la région. Doha semble résister à cette pression dantesque exercée par ses voisins afin de la contraindre à abandonner une posture politique, diplomatique et médiatique qui a fait jusque-là la particularité de ce petit émirat gazier, notamment depuis l'accession au pouvoir de Hamad le père de l'actuel émir en 1995. Il s'agit pour les Al-Thani de ne pas abandonner une caractéristique qui les a fait carrément sortir de l'anonymat. L'émirat du Qatar est devenu, notamment depuis une dizaine d'années, quasi incontournable dans les dossiers les plus importants du monde arabe. S'appuyant sur un réseau de lobbys et une machine médiatique redoutable à la tête de laquelle se trouve la fameuse Al-Jazeera, véritable porte-parole de la diplomatie qatarie, Doha a joué et joue encore dans «la cours des grands» sur plusieurs registres. Ainsi la question des Frères musulmans qui empoisonnait particulièrement les relations entre le Qatar et l'Egypte semble aujourd'hui constituer l'un des sujets de discorde entre l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis d'un côté et le Qatar de l'autre, accusé d'abriter les principaux dirigeants du mouvement égyptien considéré comme subversif par le Caire. Même le Hamas palestinien n'a pas échappé à la vindicte saoudienne contre Doha. Le mouvement de résistance palestinien, dont les dirigeants les plus en vu ont élu domicile à Doha, est considéré comme l'émanation des Frères musulmans. Ainsi parmi les noms de la liste publiée des personnalités considérés comme terroristes par les saoudiens se trouve un nom pas comme les autres : Youssef Al-Qaradhaoui. Ce célèbre prédicateur qui officiait à Al-Jazeera s'était caractérisé par ses sermons pour encourager les soulèvements durant les fameux printemps arabes. L'on retiendra ses appels pressant à l'Otan et aux Etats-Unis d'intervenir militairement en Libye et ses fatwas incitant à tuer même les oulémas considéré comme un soutien au régime syrien. La fin de la guerre en Syrie ? Cette crise du Golfe aux conséquences encore incalculables tant sur le plan local que régional semble déjà avoir eu un effet certain sur un conflit qui commençait à s'éterniser : la Syrie. Ce clash franc entre des acteurs qui étaient, il y a peu, dans la même tranchée contre Damas, dans une guerre ou des moyens considérables ont été mis pour faire chuter le régime, pourrait bien annoncer la fin du conflit. Les déchirements entre groupes armés en Syrie étaient déjà annonciateurs de la déroute de la tendance anti-Damas représentée notamment par les pays du Golfe. Riyad et Doha étaient pourtant dans la même ligne politique prônant le changement du régime en Syrie et dans la guerre au Yémen. Les observateurs les plus objectifs de la scène syrienne estiment que l'Arabie saoudite et le Qatar ont, depuis le début de la guerre, soutenus les groupes armés en Syrie non seulement par l'appui diplomatique et politique mais surtout de façon directe par la logistique et l'armement. Certains pays arabes ont pesé de tout leur poids pour pousser les occidentaux à intervenir militairement en Syrie. Les puissants médias notamment satellitaires des pays du Golfe ont mené une véritable guerre de propagande contre le gouvernement syrien se projetant même dans une Syrie de l'après régime qui serait «enfin débarrassée de l'influence iranienne». Mais le cours des événements ne leur a pas donné raison, l'axe Damas-Téhéran-Hezbollah aura été plus résistant que prévu. Enfin l'intervention militaire directe de la Russie dans ce conflit aura fait basculer la situation, devenue un temps particulièrement précaire pour Damas. Aujourd'hui il reste difficile d'imaginer la suite de cette crise du Golfe aux multiples ramifications tant l'enchevêtrement le dispute au nombre des acteurs en jeu. Mais ce retour de flamme contre le Qatar pourrait bien constituer les prémices d'un nouveau bouleversement dont nous a habitué le décidément bien compliqué Moyen-Orient. M. B.